"Talk and Moonlight" -6

Huit était étendue sur son lit, les yeux fixés sur le plafond. Ses cheveux s'étalaient sur son oreiller comme les pétales d'une rose et avec ses mains croisés sur sa poitrine, on aurait dit la Belle Au Bois Dormant. Elle n'arrivait pas à dormir. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de réfléchir. Les pensées noires des nuits blanches emplissaient son esprit et faisaient s'affoler ses yeux derrière ses paupières closes. Son corps étrangement immobile lui semblait lourd comme si elle planait bien au dessus, mais elle était cruellement consciente. La jeune fille repensait à hier soir. Ils voulaient dire "bonne nuit" à leur père, comme une fratrie normale. La brune leur avait répété que c'était inutile car ils n'étaient pas une vraie fratrie et que le Monocle ne bougerait pas de son fauteuil. Un l'avait regardé avec peine et surprise, il n'avait jamais envisagé pas celle qu'il considérait comme sa cadette pense ainsi. Deux, qui voulait y croire, ne serait-ce qu'une dernière fois l'avait convaincu de venir avec eux. Elle était venue à reculons. Ils s'étaient tous placés derrière la lourde porte, comme pour une photo de classe et Grace était entrée et avait annoncé leur présence à Sir Hargreeves et ouvert la porte. S'ils avaient espéré une réaction, c'était raté : leur père restait le nez plongé dans son carnet qu'il noircissait d'informations. La jeune fille avait soupiré et tourné les talons bien avant les autres, rejoignant sa chambre. 

La miraculée avait dû s'endormir car elle se réveilla en sursaut quand elle voulu se retourner et que quelque chose, collé sur ses tempes l'en empêchait. Elle se redressa rapidement, à moitié-endormie et plaqua ses mains sur les côtés de son visage où elle sentit des minces couches de plastiques rondes. Huit se mordit les lèvres, elle détestait les électrodes de son père. Cela la privait de son sommeil dès qu'il les reliait à son boîtier. La jeune fille s'était toujours demandé ce que son père pouvait tirer des lignes confuses qui s'inscrivaient sur l'écran tremblotante. Il avait huit cobayes et elle ne comptait pas en être un. Huit ne comprenait pourquoi le Monocle continuait de lui poser les électrodes puisqu'elle les retirait à chaque fois. C'était facile pour elle, elle n'avait qu'à serrer les dents quelques secondes et les électrodes la traversaient. La française finissait par les sentir sous elle et elle les jetait au loin, ramenait sa couverture au dessus de sa tête, passait sa main sous son oreiller et se rendormait. Mais en ce moment, elle n'a pas plus envie de dormir que quelques heures auparavant. 

Elle s'était découverte un côté nyctophile, elle puisait un étonnant réconfort dans les bras des nuits, chaudes, froides, sombres ou étoilées. Alors au lieu d'attraper sa couverture, elle se leva discrètement et traversa le Manoir sur la pointe des pieds. Huit grimpa jusqu'au grenier où ils venaient parfois se réfugier lorsque la pression était trop grande. Ils s'asseyaient sur la fenêtre et observaient l'animation de la grande rue plus loin, les étoiles ou la lune. La jeune fille savait que Un y allait souvent, le soir. Mais elle ne savait pas que Six y allait la nuit. Le grincement du parquet sous le poids de la fine métisse fit se retourner l'adolescent qui écarquilla les yeux quand il reconnu Huit.

— Qu'est-ce que tu fais ici ! exclama t'il

— La même chose que toi, je m'enfuis loin des électrodes, elle haussa les épaules, elle s'apprêtait à repartir quand l'asiatique reprit la parole, 

— Pardon, je voulais pas prendre ce ton là. Je suis surpris, d'habitude il n'y a personne ici à trois heures. 

Le noeud qui avait commencé à gonfler dans le ventre de Huit se délia, elle avait cru que Six ne voulait pas la voir. Elle s'approcha de la fenêtre et lui demanda doucement, 

— Tu veux bien me laisser une place ? 

Six se poussa aussitôt et regarda sa confidente le rejoindre sur le rebord de la fenêtre. Les rayons de la lune se reflétaient dans ses boucles et tressaient ses cheveux de rubans argentés. Ils restèrent droits, sans parler pendant un long moment avant que Huit ne décide de poser sa tête sur l'épaule du jeune garçon. En réponse, il passa son bras dans son dos et la rapprocha de lui. Ainsi, Huit savait qu'il ne voyait pas son visage et elle pouvait se mordre les lèvres jusqu'au sang sans qu'il lui demande ce qu'elle avait. Elle n'était pas sûre de pouvoir répondre à cette question. Tout dans sa tête était confus, encore plus à cette heure tardive et la jeune fille ne voulait pas prononcer de mots qu'elle ne pourrait pas racheter. Même si avec Six elle n'avait jamais besoin de se racheter car ils ne se disputaient jamais. Mais Huit savait que son coeur battait trop vite pour que la vérité ne les fassent par s'écarter. Elle ne savait pas que le coeur de Six battait aussi fort que le sien. Ce fut finalement lui qui rompit le silence. 

— Huit...est...est-ce que...tu me vois comme...comme ton vrai frère ? sa voix tremblait et il bafouillait.

La concernée sentit son coeur chuter à la question de Six. Elle réfléchit si longuement à sa réponse que le jeune garçon pensa avoir fait la plus grosse bêtise de sa courte vie. 

— Non, par vraiment. Père nous force à nous voir comme des frères et soeurs mais il ne peut pas forcer nos émotions. Et...et c'est bizarre parce que je vois Trois et Sept comme mes soeurs, mais je ne vois aucun de vous comme mes frères. 

— Pourquoi ? il était curieux de savoir la raison qui poussait Huit à lui avouer ça.

— On est pas assez proche. Sauf avec toi, murmura t'elle en baillant. 

Six et Huit ne parlèrent plus. Mais ils étaient satisfait par cette demi-réponse qui sous-entendait bien plus qu'il n'y paraissait. À bien y réfléchir, il était vrai que la métisse ne se comportait pas de la même façon avec les filles qu'avec les garçons. À elles trois, on aurait vraiment dit des soeurs, à eux, on aurait plutôt dit un groupe d'amis qui vivait sous le même toit. Une colonie de vacances perpétuelle. La nuit enveloppa sa froide étreinte autour d'eux et ils commencèrent à frissonner dans leurs pyjamas bleus. La jeune fille eut un malicieux sourire, celui qui n'appartenait qu'à elle et esquissa une leste roulade arrière pour rentrer dans le grenier. Six leva les yeux en ciel, semblant prendre la lune à témoin pour la facétie innocente de la française et rentra lui aussi. Il ne s'attendait pas à voir Pogo devant Huit, la tête baissée. Il s'avança et demanda, 

— Bonjour Pogo, qu'est-ce que tu fais ici ? il était méfiant, après tout leur père savait qu'ils avaient enlevé leurs électrodes. 

— M. Hargreeves à vous voir, il ne m'a pas précisé le motif de cette discussion...tardive, avoua Pogo, une inquiétude quasiment imperceptible luisant au fond de ses prunelles. 

Les miraculés échangèrent un regard lourd de sens, si le Monocle voulait les voir si tard, cela ne pouvait pas être une bonne nouvelle. Huit tira nerveusement sur le bas de sa chemise et hocha la tête avant de suivre le primate. Six avait l'impression que sa gorge enflait et l'empêchait de respirer sans souffler bruyamment. Il marchait comme un somnambule, quelques pas derrière la jeune fille qui frottait ses mains l'une contre l'autre, essayant vainement de les rendre moins moites. Pogo posa sa main sur le bras de la brune, 

— Cela ne doit pas être si grave Miss Spectre, lui souffla t'il. 

Elle secoua la tête, faisant bouger sa volumineuse tignasse et répondit, 

— Si Père veut nous parler, ce n'est jamais bon Pogo. Il ne nous parle jamais, sa voix se brisa sur ses derniers mots. 

En regardant Pogo rassurer Huit, le jeune garçon réalisa qu'ils avaient plus d'échanges avec un singe bipède qu'avec leur père. L'idée qu'il se faisait d'un père était jouée par un primate, effaçant le vrai homme qui les avait adopté. Mais le singe se comportait comme un homme alors que l'homme se comportait comme un monstre. 

Pogo fit coulisser la lourde porte et la jeune fille eut un très désagréable sentiment de déjà-vu. Le Monocle était toujours en train d'écrire, la tête penché mais cette fois-ci, il la releva en entendant son majordome annoncer les adolescents. Il les fixa d'un regard morne et froid, ses pupilles semblant les examiner aux rayons x avant de prendre la parole, 

— Six ! Huit ! Pourquoi n'êtes vous pas au lit ! c'était une question qui sonnait comme une accusation et les fines épaules de la métisse se voutèrent. 

— Vous m'avez mis les électrodes et vous savez que je déteste ça, Père, répondit t'elle en contrôlant fermement sa voix. 

Six voulut exposer son point de vue mais son père tonnait déjà. 

— Je tolère plus vos agissements ! Vous ne vous êtes pas réveillée au contact des électrodes comme à votre habitude, dans ce cas vous êtes priée de les laisser jusqu'a temps que je les enlève. 

— Mais Père ! Je n'arrive pas à dormir à cause de ça et nous ne sommes pas des vulgaires rats de laboratoires ! Nous sommes aussi humain que vous ! se rebiffa Huit, tout son corps rejetant l'explication de Hargreeves.

Le jeune garçon poussa la brune lorsque leur père se leva brusquement, les mains toujours posé sur son bureau adoré. Ses yeux avaient l'empathie et la chaleur d'un mort quand il clama, 

— Je vous aie adopté, je suis votre père que cela vous plaise ou non. Un père a parfaitement le droit d'éduquer ses enfants avec la manière qu'il juge la plus adapté. Vous êtes bien conscients de ne pas être des enfants ordinaires alors mes méthodes sortent de l'ordinaire. D'autres vous aurez découpés en morceaux pour voir ce qui vous rend si exceptionnels, et je vous interdis de vous plaindre ! 

Les deux miraculés reculèrent, assommés par les paroles de cet homme qui se prétendait leur père. Les yeux bruns de Huit se mouillèrent de larmes qui roulèrent sur ses joues rebondies et elle les essuya du revers de la main en reniflant. Six serra les dents mais ses yeux brillèrent de larmes contenues. La jeune fille s'enfuit en courant, ses sanglots étouffés résonnant dans le couloir.  

L'asiatique regarda son père droit dans les yeux et asséna, 

— Pourquoi est-ce que vous vous sentez toujours obligé de tout gâcher ? 

// // 

wOw, 1749 mots je crois que c'est un record ! 

Ici, la relation Six-Huit s'approfondit avec les explications qui vont avec.

Reginald Hargreeves agit comme le pire père du monde, en fait je ne sais pas si la question de leur éducation détruisante avait été bien traité du coup je la remets sur le tapis avec ce chapitre. 

Trouvez-vous que le caractère de Reginald est respecté ? 

Love, Valentine

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top