"Swan Lake"-3

Des étoiles dansaient devant les yeux de Huit. Un bourdonnement sourd avait envahi ses oreilles, couvrant le hurlement de Sept et celui, étouffé, de Grace. Elle se sentit tomber, heurtée le sol violemment. Sa soeur cria de plus belle mais la métisse ne l'entendait presque pas. Sa tête semblait enveloppée dans un casque cotonneux qui l'empêchait même de penser. La jeune fille ressentait la douleur comme si elle était étrangère à son propre corps. Le parquet glacé sous la joue la rafraichissait. Huit ferma enfin les yeux et se laissa emporter dans le tourbillon de la merveilleuse soirée qu'elle venait de passer.

Cela avait commencé lorsqu'elle était partie au Griddy's Dougnuts suivie de ses frères et soeurs. La vendeuse avait été très surprise de voir débarquée une flopée de pré-adolescent tout en uniforme alors qu'il était tard. Mais, elle avait reconnu la célèbre Umbrella Academy grâce aux tatouages et à cause de Deux qui avait lancé une fourchette posé sur le comptoir dans une mouche qui voletait autour de lui. La vendeuse, en bonne fan s'était exclamée,

— Oh mon dieu ! Vous êtes la Umbrella Academy !

Bien sûr, toutes les personnes présentes à cette heure tardive les avaient dévisagé. Sept avait baissé la tête et s'était cachée derrière sa frange. Cinq avait alors répliqué avec son crispant sourire,

— Je vous en prie, nous ne sommes que la famille Hargreeves, il poussa Sept en avant pour qu'elle se retrouve face à la serveuse. Elle avait doucement relevé la tête et avait pu voir tout l'étonnement de l'adulte s'étant aperçut qu'elle portait le même uniforme que les autres.

Ils s'étaient tous installés à une grande table ronde et avaient joyeusement dévoré leurs donuts. Tout leurs conflits s'étaient envolés, comme si le Manoir n'était qu'un mauvais rêve. Un et Deux étaient plongés dans un débat, sans venir aux mains et Trois y assistait en temps que médiatrice. Cinq, Quatre et Six jouaient avec leurs donuts et les deux derniers avaient mis le premier au défi de boire un café, le plus corsé de la carte. Café qu'il avala en déglutissant bruyamment. Avant de tout recracher par terre en s'essuyant la bouche du revers de la main en se mettant à rire avec eux. Sept et Huit étaient côte à côte, discutant discrètement de danse et de musique. Depuis que le Monocle les avait fait manger au son d'un doux ballet, Sept rêvait de jouer du violon et Huit rêvait de l'accompagner en dansant sur ses notes. Leur voisin de table, qui avait tendance à laisser traîner ses oreilles les aborda soudainement,

— Vous vous intéressez aux ballets ?

Surprises, les deux brunes acquiescèrent. Un sourire étira les lèvres de leur voisin qui leur expliqua,

— Mon neveu fait de la danse classique. Il est très doué et je l'ai toujours encouragé malgré le fait que tout les garçons de son âge ne s'intéressent qu'aux filles et aux football. Sur scène, il est incroyablement talentueux. Il a réussi à me dégoter deux places mais je ne peux pas y aller, ma femme doit assister à un repas très important et je l'accompagne. Le ballet est prévu pour après-demain. Mon neveu vous admire beaucoup, cela lui ferait très plaisir si vous pouvez y assister.

Et sans plus de cérémonie l'homme se leva les laissant là, avec en main deux billets pour l'un des ballets les plus célèbres : Le Lac des Cygnes.

Lorsque Quatre leur demanda ce qu'il y avait de si surprenant, les deux filles cachèrent leurs places dans leurs manches en assurant qu'il n'y avait absolument rien. Il les regarda, suspicieux, mais à leur soulagement, il n'insista pas. Sûrement se sentait-il redevable envers ses soeurs qui fermaient toujours les yeux sur toutes ses conneries.

Bien évidemment, Sept et Huit n'avaient pas pu se retenir de se rendre à cette représentation. Elles avaient chipé deux robes qui avaient appartenu à elles ne savaient qui. Huit tournoyait dans sa vaporeuse robe noire et Sept lissait avec satisfaction le velours rouge de la sienne. Quand elles avaient passé les grilles du Manoir, leurs pouls s'étaient emballés. La nuit froide s'était collée à leurs peaux chaudes et elles s'étaient mises à courir. Leurs rires emplis d'espoir insensés avaient résonné dans le silence noir. Aucune des deux ne se souvenaient du trajet, elles ne se souvenaient pas d'être entrées dans le haut opéra. Elles ne se souvenaient pas de s'être assises à leurs places, environnées d'adultes. Mais elles se souvenaient du lever du rideau écarlate sur les danseurs richement vêtus, comme les princes des histoires de Huit.

Il leur semblait que leurs coeurs battaient à l'unisson devant ce vibrant spectacle. Huit gigotait sur son siège, essayant d'imiter les gracieux danseurs tandis que Sept se trémoussait pour apercevoir les musiciens, plus particulièrement les violonistes dont les notes lancinantes la touchait. Les deux s'imaginaient bien loin de là, Huit sur scène, virevoltant au son du violon de Sept, totalement en phase, bien accordées comme les cordes d'une guitare. Devant l'émotion poignante que dégageait les acteurs et les discrets musiciens, les deux soeurs ne purent s'empêcher de pleurer devant la mort du cygne. Elles applaudirent jusqu'à avoir les mains rouges et douloureuses.

Les deux jeunes filles rentrèrent dans un silence rêveur. Leurs pas étaient plus légers et leurs têtes dans les nuages. Sept avait levé les bras, portant un violon invisible et Huit dansait sur ce rythme imperceptible. Sa robe lui battait les jambes lui faisant une corolle de nuit sombre. Ce moment d'intimité et de joie était le meilleur songeaient-elles. Personne pour les ramener à l'ordre, qu'elles ne devaient pas rêver, juste travailler et obéir. À ce moment, elles devenaient les deux jeunes filles qu'elles avaient toujours voulues être.

Mais ni Sept, ni Huit n'avaient prévu d'être accueillies par Sir Hargreeves à leur retour. Leur excitation fondue comme de la neige au soleil et elles se figèrent. Elles baissèrent les yeux, s'attendant au pire. La voix de leur paternel claqua,

— Sept, Huit ! Qu'avez-vous fait ? leur demanda t'il.

La métisse regarda bravement Hargreeves dans les yeux en déclarant, la voix tremblante,

— Nous... nous sommes partie à l'opéra Père... pour...pour voir le Lac des Cygnes... et

La huitième Hargreeves ne finit jamais sa phrase. La main de son paternel s'écrasant sur son visage l'en empêcha. La jeune fille gémit de douleur lorsque l'une de ses bagues lui déchira la pommette et le choc l'assourdit.

Toujours affalée sur le sol, Huit entendait d'autres cris, masculins cette fois. Dans son brouillard, elle crut reconnaître la voix de Quatre mais rien n'était moins sûr. Des pas dévalèrent les escaliers et une main chaude se posa sur son front. Quelqu'un la souleva délicatement telle une poupée de porcelaine et il lui sembla qu'ils marchèrent un long moment avant qu'il ne l'étale sur un matelas moelleux. Une main se faufila dans la sienne et la serra. Dans les méandres de son esprit, Huit se sentait honteuse de se retrouver dans cet état à cause d'une simple gifle. Son père l'avait forgé pour résister à mieux que ça. La jeune fille ne se rendait pas compte de la force que pouvait avoir le Monocle ni de sa propre fatigue. Heureusement, elle ne sombra pas dans l'inconscience. Déjà sa vision s'éclaircissait et la douleur se faisait sentir en refluant doucement. Elle aperçut bientôt le plafond avec netteté et se redressa avec peine.

— Huit ! le septuple cri avait jailli des gorges de ses frères et sœurs qui s'étaient tous entassé dans l'infirmerie.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? articula t'elle

Un brouhaha lui répondit, tout les Hargreeves voulant répondre en même temps. Grace les fit taire d'un geste de la main en lui expliquant calmement la situation. Sa fratrie commença à quitter les lieux, rassurée. Sauf Six et Sept. Six se mordait les poings et devait se retenir de ne pas taper dans quelque chose, il n'arrivait pas à croire que leur père ait osé lever la main sur Huit. Il la malmenait pour tester son don, mais jamais en dehors, même lorsqu'elle jouait ou dansait alors qu'elle en était interdite. Et l'adolescent avait toujours cru que Huit était la préférée de leur père, elle avait le droit au plus de sourire et lorsque sa gaieté enfantine mettait la joie dans la maison, les yeux de Hargreeves souriaient pour lui. Et Sept tremblait de culpabilité, elle se persuadait que c'était de sa faute si le Monocle l'avait frappé. Après tout, il n'avait pas frappé Sept.

—Ce n'est pas de ta faute, murmura sa sœur doucement devinant sans peine les sombres pensées qui l'agitait

— Non elle a raison ! C'est de la faute de Père ! s'indigna Six en se levant brusquement, le calme garçon avait brusquement disparu devant le choc de voir sa chère Huit s'effondrer.  

— Votre père pensait que Huit allait se rendre inconsistante, expliqua Grace tristement.

Les sourcils de la concernée se froncèrent lorsqu'elle répondit,

— Mais c'est Père ! Je sais qu'il ne nous aime pas mais de là à nous frapper il y a un gouffre !

Soudain, elle comprit. Presque en même temps que les autres. Ils échangèrent un regard fatigué et soupirèrent.

C'était un test où elle avait misérablement échoué.

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Hey readers !

Me revoilà avec ce troisième chapitre où j'aborde la relation Huit-Sept :-)

J'ai eu du mal à décrire leurs sentiments pendant le ballet et j'espère que c'est réussi...

Enfin bref, est-ce que vous aimez ? Qu'est-ce que vous pensez de Huit ? Comment pensez-vous que Grace va l'appeler ?

Love, Valentine.

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