J. Chapitre 1

Chapitre 1
-Justine-

On a dark desert highway
Cool wind in my hair
Warm smell of colitas
- Hotel California by Eagles

♾Rebelote. Me revoilà dans un avion à compter les nuages et à m'imaginer jouer avec eux. Le drap blanc laisse place à la mer qui a l'air calme. J'y vois un bateau qui navigue vers la côte. Il va dans le même sens que nous. Rapidement, il est hors de mon champ de vision.

Je ferme les yeux empêchant mes larmes de couler. J'attendais mon retour depuis si longtemps et désormais je voudrais retourner à Los Angeles pour contempler la plage une dernière fois.

Matthew est venu à l'aéroport, on s'est promis de se revoir bientôt mais je suis certaine que c'était un adieu. Son visage dans ma tête me torture. Ce sourire mélancolique qu'il a fait au moment où on s'est perdu de vue m'explose le cœur. J'essaye de penser à Esther qui m'attend à la maison mais son image me revient toujours à l'esprit. Il me hante.

J'imagine que la vie en France est telle que je l'avais laissée. Je l'adorais mais je ne suis pas sure de pouvoir oublier Rachel et Matthew. Ces mois s'annoncent plus difficiles que prévu. C'était censé être un aller-retour. Je repense à ma joie de découvrir ses billets puis à ma colère quand j'ai découvert le poteau rose. Pas de retour possible.

Heureusement mes parents ont accepté qu'on retourne une dernière fois aux Etats-Unis pour dire au revoir à tout le monde. Je ne sais pas si c'était une bonne chose.

-On arrive quand ?, hurle mon frère près de mes oreilles meurtries une nouvelle fois.

-Dans une heure, reste sage. Tu es un grand garçon.

-Tu auras le droit de t'acheter un jouet du supermarché en rentrant si tu es calme, dit mon père qui déclenche les gros yeux de ma mère.

Elle est la seule personne à être enthousiaste de retrouver sa vie laissée. Elle ne s'est pas du tout habituée aux États-Unis, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle n'a pas arrêté de râler sur « cette langue de démon », sur le manque de yaourt dans les raisons et sur leurs fromages étranges « tous plus mauvais les uns que les autres ». C'était une vraie parisienne, habituée à voir la Tour-Eiffel de son balcon et à marcher sur les Champs-Elysée pour faire son shopping en adoptant une attitude de femme puissante et inatteignable.

Je tourne ma tête vers le hublot où on aperçoit la terre. Je détaille les maisons et les voitures. Retour en France. Plus d'énormité dans la construction. Ça fait étrange de revoir tout ça, j'ai un sentiment de déjà vu mais qui parait si éloigné que mon cœur en est pincé. Cette vie à laquelle j'ai été habituée me semble si lointaine. J'ai l'impression de vaciller entre deux univers par un simple vol. Une vie paisible avec mes amis français et une autre plus compliquée avec Matthew dans mes bras.

Je referme les yeux en essayant de faire cesser mon mal de crâne qui a commencé dès que mes pieds se sont soulevés du sol américain. J'enlève d'un geste brutal mes écouteurs que je range dans mon sac à mes pieds. Tous mes gestes sont brutaux et bruyants. Je tourne mon portable pour vérifier l'heure et souffle exagérément en la découvrant. Une hôtesse vient me voir immédiatement.

-Est-ce qu'il vous manque quelque chose mademoiselle ?

-Serait-il possible d'avoir un verre d'eau, s'il vous plaît ?

Elle hoche la tête gentiment et part en courant me le chercher. J'augmente la climatisation et la positionne dans ma direction. Rien ne va dans ce vol. Je la vois revenir peu de secondes après, comme si sa vie dépendait de la rapidité avec laquelle elle me ramenait ma boisson.

-Voici pour vous. On commence l'atterrissage dans quelques minutes.

Elle s'en va avant que je n'ai pu lui répondre. Je regarde les passagers autour de moi. Et une sensation de malaise grandit en moi. Ils sont tous en costard, la plupart sont des hommes et femmes d'affaires qui s'offrent un voyage tout frais payé par leur entreprise. Je regarde mon jean troué puis je remonte vers mon T-shirt avec une tête de mort (ironiquement ça représente bien mon état d'esprit). Je souris en me rappelant cette scène pour choisir mes vêtements. Une demie-heure devant mon armoire hésitant entre confortable ou chic. J'ai fini par appeler Matthew pour finaliser mon choix.

Une dame commence à parler dans le microphone de l'avion pour appeler à rester assis et calme pendant que l'avion atterrit. Et quelques minutes plus tard, on se lève pour rassembler nos affaires éparpillées partout. Je fouille dans tous les placards de mon siège mais je ne trouve rien de manquant. Mon organisation me surprend.

-Ne vous inquiétez pas mademoiselle. Si on retrouve quelque chose, on vous l'enverra.

Je lui souris en tirant sur la tirette de mon sac qui est prêt à exploser. Belle métaphore de moi-même. Je me rassois en attendant qu'ils ouvrent la porte. Une minute passe où je vois d'autres avions circuler. Une deuxième...

Je dis au revoir à mon hôtesse de l'air qui a été très agréable puis quitte cet avion de malheur. Ma famille marche vers les bagages d'un pas assuré alors que je suis exténuée. J'ai du mal à les suivre, mes jambes ne demandant que du repos.

Les panneaux français ne remontent que partiellement à mes yeux. C'est comme si cette langue était devenue inconnue. Je préfère lire l'anglais plutôt que ma langue maternelle. Cela me fait penser à Matthew, tout me fait penser à lui.

Je pense d'ailleurs à lui envoyer un message pour mon arrivée, même si je pense qu'il dort à cette heure là. Je m'imagine allongée dans ses bras comme nous l'étions quelques semaines avant mon départ. Il me manque déjà.

Rapidement, nous attrapons un taxi pour continuer notre retour à la maison. Esther m'a assommé de messages d'excuse, n'ayant pas pu venir à l'aéroport finalement. Je conviens d'un rendez vous demain avec elle, n'ayant qu'une envie : dormir.

Mais cette action semble irréalisable. Je suis secouée de droite à gauche par un chauffeur qui n'en a que faire des limitations de vitesse. Mes oreilles saignent au son de son affreuse musique et des sifflements par-dessus qu'il produit avec sa bouche.

J'observe alors attentivement les membres de ma famille. Ils ont tous l'air exterminés, sauf ma mère. Elle semble tellement heureuse d'être ici et rien que cette image me redonne du baume au cœur.

***

♾Je me réveille dans un environnement inconnu où tout a changé de place. Même nom de mobilier mais de différents styles. Je cligne plusieurs fois des yeux avant de me rappeler l'irrattrapable.

Ne voulant pas laisser la tristesse une nouvelle fois m'envahir, je me lève furtivement pour attraper des affaires et m'habiller. Quand je descends, je ne prends pas la peine de répondre au bonjour matinal de ma mère qui, tout sourire, fait brûler quelque chose dans le four, ni à mon père grognon qui me demande où je vais. Je claque la porte et respire l'air frais.

Lorsque je me retrouve devant la porte de Esther, les habitudes reviennent. Le chemin de chez elle à chez moi est d'une évidence banale. Remplie de joie, je sonne et sa mère m'accueille. Son sourire est communicatif malgré le stresse que je ressens à l'idée de retrouver ma meilleure amie.

-Esthie, tu as de la visite.

M'attendant à la voir débarquer seule, je suis surprise quand je découvre à ses côtés mon meilleur ami. Ils se jettent sur moi en m'apercevant et j'ai du mal à retenir ma chute. Après leur énorme câlin, je les écarte doucement pour pouvoir les admirer.

Un an avait passé le dernière fois que je les ai vu et pourtant ils semblaient si semblables au souvenir que j'avais. Elle a commencé à se maquiller, ça lui va bien. Elle s'habille plus chic. J'ai tellement de choses à redécouvrir sur eux.

-Je suis tellement contente ! Tu m'as trop manquée !

Son enthousiasme me réchauffe le cœur et j'oublie mes problèmes.

-Il faut absolument que je te raconte tout ! Demain c'est la rentrée et je ne voudrais pas que tu te sentes inconnue.

Benjamin lève les yeux à côté d'elle et elle lui fait une grimace pour lui signaler que son comportement est absurde. Pourtant, je m'amuse à les regarder.

-Le lycée ça change les gens, crois moi.

Elle dépose un bras sur mes épaules et m'emmène vers le centre-ville. Benjamin nous suit, distant alors que je lui lance un regard furtif pour vérifier si quelque chose ne va pas. Mais son visage est de marbre. Ça ne presage rien de bon.

Je retrouve énormément de connaissances au café, certains qui me font plaisir et d'autres (enfin surtout un autre à vraie dire) que j'aurai préféré ne jamais revoir.

On est une petite ville alors il est difficile de se faire des ennemies. Les gens me sourient alors que j'essaye de leur répondre, gênée. Leurs accolades et hypocrisies me rendent indifférente face à eux.

Cela ne fait qu'un mois que je n'ai pas vu certains, d'autres beaucoup plus longtemps mais à vrai dire, je ne pense qu'à une chose : mes journées au lycée sans lui.

Je m'adosse à la table et repense à sa façon de me serrer dans ses bras et de me dire que tout irait bien pour nous. Et je laisse mon sourire se balader sur mes lèvres.

A broken heart is all that's left
I'm still fixing all the cracks
-Arcade by Duncan Laurence

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