J. Chapitre 83

Chapitre 83
- Justine -

I can't wait to get home
I don't know why, but I'm feelin' low
- Put it all on me by Ed Sheeran

🧼Je m'active dans la maison pour arranger les derniers détails. Maman est dans la cuisine à préparer le dîner alors que papa travaille dans son bureau. Une vraie famille sexiste. Super.

Je cours dans les escaliers avec les bougies que j'ai récupérée dans ma chambre. Je les pose sur la table puis vais rejoindre ma mère.

-Besoin d'aide ?

-Avec le dessert. Il faudrait le sortir du frigo et faire la crème.

-Je m'en occupe.

J'allume notre robot maison et mets les ingrédients dedans. Il mixe le tout et en deux temps trois mouvements, la crème est prête et le dessert retourne au réfrigérateur.

-Super. Va t'habiller ensuite tu viendras surveiller le plat principal.

-Okay.

Je remonte et reste devant mon armoire un bon moment avant d'attraper quelques pièces qui forment un ensemble convenable. Je ressors de la salle de bain pomponnée. A la cuisine, le stresse commence à apparaître.

-Il ne reste que 15 minutes Justine. Va au fourneau, je vais me changer.

Je m'attaque au plat pendant que je l'entends respirer bruyamment. J'ai envie de la rassurer et de lui dire qu'il ne faut pas en faire autant mais c'est trop tard, elle a déjà disparu.

La peur commence peu à peu à m'envahir également. Je l'ai revu au lycée avec son sourire charmeur habituel mais il n'avait pas l'air de remarqué la catastrophe qui pourrait se passer si ce dîner venait à mal tourner. J'ai arrêté de lui en parler dès le premier jour, puisqu'il ne semblait pas s'en préoccuper. J'espère qu'il sera bien habillé, qu'il n'a pas oublié un peu de dentifrice au coin des lèvres comme jeudi matin ou qu'il n'a pas laissé sa braguette ouverte. Mon dieu.

Mes mains tremblent légèrement alors que je sens mon cœur prêt à exploser. Il faut que je me calme. Quand elle redescend, ma mère est beaucoup moins stressée. J'inspire un grand coup et elle vient me caresser les cheveux.

-Tout va bien se passer ma puce. La première fois que j'ai présenté ton père à papy et mamie, il n'avait fait que des gaffes et pourtant ils l'ont adoré et chaque week-end ils l'invitaient à la maison.

Elle dépose un baiser sur mon crâne.

-Mais il n'est pas comme nous maman.

-Je sais, tu nous l'as déjà dit. Tant qu'il n'abîme pas la maison, je ne serais pas fâchée.

A vrai dire je m'inquiète peu de ses sentiments. Je sais qu'elle sera toujours contente pour moi. Mais mon père, c'est une autre affaire. Un schtroumpf grincheux quand il n'a pas ce qu'il veut.

-La tarte est prête ?

-Oui, dans le four.

-Parfait.

Elle vérifie par la fenêtre.

-Je n'ai pas fait d'apéritif, ça va aller ?

-Oui, oui. Je ne sais même pas s'il a déjà fait un repas apéritif, entrée, plat, fromage, dessert.

-Ha bon ?

Ses sourcils se froncent alors que ses yeux sortent de leurs orbites. Elle se reprend tout de suite en murmurant « ce n'est pas grave ». Mais ça ne l'ai pas. La politesse a une grande importance pour elle et la politesse s'acquiert par expérience donc en faisant des dîners mondains.

Je n'ai pas le temps de réfléchir plus que la sonnette se met à retentir. Ma gorge se noue encore plus et pendant un moment je pense à l'évanouissement. Si je tombe, personne ne sera déçu, non ?

Ma mère ouvre la porte avec un grand sourire, moi à ses côtés. Mon père vient rapidement nous rejoindre pour former le trio de la famille parfaite.

Il est habillé avec une chemise blanche qu'il a rentré dans son pantalon chic noir. Je suis ravie qu'il est fait un effort vestimentaire. Il a mis du gel dans ses cheveux, cette touche ne fait qu'augmenter mon sourire. Je ne l'avais jamais vu en mettre. Il sourit aussi à pleine dent. Pas de salades entre les dents, pas de braguette ouverte. Pour l'instant, tout est correct.

Ma mère le fait entrer avec une main chaleureuse. Elle lui fait la bise alors qu'il semble légèrement désarçonné.

-Oh je suis désolée jeune homme, j'oublie parfois que vous n'avez pas les mêmes habitudes que nous.

-Ne vous inquiétez pas.

Il lui fait correctement la bise avant de serrer la main de mon père qui l'examine de la tête au pied. C'est déroutant. Mes parents vont dans le salon alors que je m'approche de lui. Je l'embrasse une seconde puis attrape son manteau et le pose avec les autres.

-Viens.

Il me suit jusqu'à la table où mon père est assis.

-Assis toi, lui dit-il d'une voix autoritaire.

Oh papa pitié, soit gentil.

Ma mère ramène l'entrée et elle sert chacun. Matthew regarde bizarrement les couverts et son visage rougit alors que mon père commence à lui parler. Il me lance un regard paniqué alors que je fronce les sourcils.

Nos couverts sont tout ce qu'il y a de plus normal, je ne pensais pas qu'ils allaient poser problème. Fourchette, couteau, il n'a pas l'habitude de manger avec ça ?

-Bon appétit, s'exclame ma mère.

Il regarde autour de lui. Je prends mes couverts et remarque le soucis qu'ils lui ont posé. Nous avons mis deux fourchettes et deux couteaux. Là doit être la source de tant d'anxiété. Je lui montre discrètement les bons.

Et il re-sourit. C'est adorable.

-Alors, tu es dans le même lycée que ma fille ?, commence mon père.

J'observe Matthew d'un œil en continuant de manger. Il relève les yeux vers mon père. Pour l'instant, il s'en sort bien. Avant-bras sur la table, coudes dans le vide, fourchette dans la main gauche, serviette sur ses cuisses.

-Oui, nous suivons certains cours ensemble.

-Comment s'en sort elle ?

-Brillamment bien. C'est inévitablement la meilleure en français.

Ma mère rigole à sa blague. Ce n'était pas très drôle, on n'a manifestement pas le même humour en France. En même temps ce serait réducteur de comparer le rire américain au sien.

-Quelles sont tes passions Matthieu ?, prononce ma mère maladroitement avec son accent pas terrible.

Je me racle la gorge.

-C'est Matthew, dis-je en français.

-Pardon, me répond elle alors qu'il faudrait s'excuser auprès de lui.

Elle lui sourit. Il essaye d'en faire de même mais ses sourcils se sont froncés et ses joues rosies.

-Je suis capitaine de l'équipe de basket-ball.

Ma mère hoche la tête avec un sourire en coin. Je me recale dans mon siège. C'est horrible comme dîner, jamais fait pire. Je préfère même les repas de famille où tata Gertrude finit par ressortir l'album photo de 200 pages que tu mets 3 heures à finir puisqu'il faut commenter chaque image.

-Quelles sont tes matières préférées ?

La voix de mon père, toujours sévère, résonne dans la pièce un petit moment.

-J'aime beaucoup les maths et l'audiovisuel.

-Vous avez des matières étranges.

Matthew fronce les sourcils une demi-seconde avant de se re-concentrer sur son assiette.

-A ton âge je prenais aussi des cours d'audiovisuel. Ce n'était pas une matière en tant que telle, c'était un passe-temps, une option comme on aime les appeler.

Ma mère cherche ses mots à chaque fin de phrases mais je suis tellement heureuse qu'elle essaye d'avoir une conversation avec lui, et pas juste que ce soit tourné comme un interrogatoire.

-D'ailleurs tu veux faire quoi plus tard ?, demande mon père plus calmement.

-Je ne sais pas encore.

-Une idée d'étude ? Notre fille va aller dans une des meilleures universités du pays. En France, elle aurait été dans une "classe préparatoire".

Je monte mes yeux au ciel.

-Les "prépas" sont une branche d'étude très sévère. Il faut travailler énormément pour suivre le rythme et tu peux être viré à tous moments, je lui explique.

Il hoche la tête alors que nos yeux s'attardent l'un sur l'autre plus longtemps que nécessaire. Quand je tourne la tête, ma mère sourit.

-Qui en reprend ?

-Je veux bien une louche encore, madame, s'il vous plaît.

Ma mère me regarde avec les sourcils froncés. Je lui traduis sa phrase en français et elle lui en remet au fond de son assiette. Elle m'en propose mais je hoche négativement la tête.

-Je pense me tourner vers l'armée.

J'ouvre grand les yeux, surprise par sa révélation.

-Servir son pays est une très noble cause, bravo garçon. Pour quelles raisons envisages-tu ceci ?

-J'aime me dépasser, et je veux connaître mes limites.

-Et ta famille qu'en pense-t-elle ?, intervient ma génitrice.

-Hum... Que c'est une bonne idée.

Il avale difficilement.

-Que fais ton père ?

-Il travaille dans une banque.

-Quel poste occupe-t-il ?

-Je ne saurais vous dire. Il doit être directeur de quelque chose.

J'ai l'impression que mon père a un barème dans le cerveau, chaque réponse vaut un certain nombre de points. Le but : obtenir la moyenne, sinon tu redoubles.

-Et ta maman ?

-Elle est vendeuse.

Ha... Je penche pour un 1/2.

-Et tu as des frères et sœurs ?

-J'ai une petite sœur qui s'appelle Alexia.

-Quel âge a-t-elle ?

-14 ans. Et vous ? Quel métier exercez-vous ?

-Je suis médecin, dit ma mère.

-Très beau métier, ma tante est docteur.

-Quelle spécialité ?

La discussion continue sur le métier de médecin, de l'hôpital. Discussion dans laquelle mon père et moi sommes en retrait. Le plat est avalé en moins de deux, comme le dessert. Matthew complimente ma mère puis l'aide à débarrasser. Il met la vaisselle dans la machine alors qu'on emballe les restes.

-Alors ?, demandé-je à ma mère en français.

-Il est à côté.

-Il ne comprend rien.

-Il est mignon mais il a l'air un peu débile ma puce. Sa famille n'a pas l'air très propre non plus...

-Il a vécu des choses difficiles mais ce n'est pas une raison pour le rejeter. Son père est parti avec sa sœur quand elle avait 3 ans. Ça a été très compliqué pour sa mère. D'autant plus qu'Alexia a parcouru des moments que personne ne souhaiterait aux autres.

Elle me caresse les cheveux mais son sourire veut tout dire : elle s'en fiche et a fait son jugement, c'est un non pour elle.

Je m'extirpe de la cuisine, agacée et vais m'écraser dans le canapé. Mon père m'y rejoint.

-The Voice ?

-Je n'ai plus 6 ans.

-Il n'y a pas d'âge pour regarder les rêves des autres se réaliser.

Il me tend une enveloppe que je prends d'une main hésitante. Ses yeux m'incitent à l'ouvrir. Dedans il y a un billet d'avion pour Paris. Ma bouche s'entrouvre, mes yeux s'écartent et j'ai du mal à respirer. Au bout d'une minute de réalisation, je lui saute dans les bras en hurlant.

-Ha ! Je t'adore !

Mon père m'étreint maladroitement avant que je saute partout en tenant le billet. Ma mère apparaît en souriant grandement.

-Tu étais au courant ?

-Evidemment !

Je lui saute aussi dans les bras alors que Matthew ne comprend plus rien. Trop heureuse je vais poser mon billet dans ma chambre puis je redescends, réclamant une explication. Ma famille et Matt sont assis et discutent doucement.

-Nous partirons tous ensemble à Paris le 23 juillet pour 2 semaines, peut-être 1 mois selon notre comportement là-bas.

-J'y crois pas ! C'est super !

Matthew sourit bêtement alors qu'il ne pige pas un seul mot. Mais je n'ai pas le temps de lui expliquer, je veux déjà prévenir Esther. Je lui envoie directement un message. Je ne reçois pas de réponse mais je n'ose pas l'appeler. Il doit être 6 heures en France, en plus le week-end. Elle me tuerait.

Mes parents se lèvent pour dire au revoir à mon copain qu'on raccompagne à la porte. Je reste un peu plus de temps avec lui pour l'embrasser sans leurs regards agaçants.

-Alors ? C'était quoi cette surprise ?

-Je vais en France cet été.

Je souris encore plus et même si lui aussi, je peux voir qu'il n'est pas si content pour moi. Je me vante d'une chose qu'il n'a jamais eu. Un voyage tout frais payé par papa et maman.

-Dis encore merci à ta maman. Ils sont très gentils.

-Je vais faire un tour, crié-je à travers la maison.

Je m'arme du bras de Matthew et je l'emmène vers la plage.

Feeling used but I'm still missing you
And I can't see the end of this
Just wanna feel your kiss against my lips
-I hate U, I love U by gnash

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