J. Chapitre 75

Chapitre 75
- Justine -

You ask me for a place to sleep
Locked me out and threw a feast
-Look what you made me do by T.Swift

🍿-Photo ?, m'exclamé-je en tendant l'appareil, prête pour faire un énième selfie.

Il soupire mais accepte tout de même son sort en se plaçant à mes côtés. Il passe un bras derrière mes épaules alors que, tout sourire, j'appuie sur la détente. Hop ! Une de plus.

Je me tourne ensuite vers la mer pour observer le soleil disparu sous la mer, comme englouti par un ventre trop gourmand. Il n'y a pas un bruit aux alentours. Et pour cause : nous sommes sur la plage privée du restaurant où j'ai passé un dîner plus qu'horrible. Heureusement qu'il y a ce moment d'après manger pour monter le niveau. J'exagère, le repas était très bon, la note faisait mal aux fesses mais ça en valait la peine.

Je continue de tremper mes pieds dans l'eau alors qu'il s'amuse avec le sable. Je respire l'air frais en fermant les yeux puis prends une vidéo du paysage que je poste en story. Une main passe par dessus mon épaule suivi d'une tête qui vient se nicher dans mon cou, pour regarder ce que je fais. Je range rapidement mon téléphone pour profiter de cette soirée. Nous regardons un moment le gigantisme de l'océan accrochés l'un à l'autre alors que quelques minutes plus tôt nous étions en guerre.

Il s'écarte de moi mais prend ma main aussi vite qu'il peut. Il me tire pour faire comprendre qu'il souhaite marcher donc nous nous mettons en mouvement.

Jamais en France je n'aurais pu avoir une soirée comme celle-ci. Je ne sais pas si on peut parler de "date" en tout cas je suis contente d'être ici juste pour cela. A Paris plage, ça aurait été plus complexe (ou à la piscine municipale).

Il me tient toujours la main alors que nous retournons avec le monde. Nous croisons quelques couples, des amis faisant la fête, des familles qui se promènent comme si c'était l'endroit le plus accueillant. J'avoue que le côté romantique c'est instantanément stoppé lorsque nous nous sommes retrouvés collés à la foule tels des moutons dans un enclot trop petit.

La foule tente de nous séparer mais sa main sert plus fort la mienne m'obligeant à le suivre d'un bout à l'autre de la plage. Il m'emmène vers le bitume où on remet nos chaussures, chacun de notre côté. Je lui lance quelques regards en coin pour guetter ses moindres réactions. Il a une émotion indéchiffrable au visage, à la limite entre la joyeux et l'enragé. Peut-être qu'il se repasse la soirée en mémoire pour tirer un bilan global.

Pour ma part, je dirais que ça a très mal commencé au restaurant, j'ai pensé qu'on se referait la gueule mais son idée d'aller sur la plage (que j'attendais clairement depuis le début de la soirée) m'a enchanté et a fait revenir les émotions que je ressens en sa présence. Je ne sais pas où il compte m'emmener mais j'espère que ce sera à la hauteur, je n'ai pas envie d'aller dans un bar ou une discothèque.

Il fait son dernier lacet puis se remet debout au même titre que moi. Il me regarde de la tête au pied d'une insistance qui me met mal à l'aise. Ses yeux ont l'air de me mettre à nu entièrement ; il cherche à savoir ce que je pense. Il fronce les sourcils mais n'insiste pas plus.

-J'essaye de chercher un bout de plage où on pourrait rester.

Il s'interrompt dans sa recherche visuel pour se tourner vers moi.

-A moins que tu ne veuilles rentrer.

-J'ai une plage privée si tu veux.

Il hausse un sourcil.

-Elle n'est pas réellement à moi, plutôt à la résidence... Il faut juste qu'on évite mes parents.

-Ça me va.

Pourtant il n'a pas l'air si emballé. Sa réserve me fait froid dans le dos. Est-ce qu'il m'en voudrait parce que mes parents ont les moyens de s'acheter une maison hors de prix dont nous n'avons absolument pas besoin ? Dire que mon père avait promis d'être plus présent et qu'il n'en a rien fait. S'il devait aller vivre au Sri Lanka avec les dromadaires, il le ferait, peu lui importe ce qui lui en coûte.

Je souris à Matthew timidement avant qu'il hoche la tête en me souriant en retour. Rassurée, je pars devant pour lui montrer le chemin. On se perd un peu dans toute cette foule et je me sens obligée d'activer le GPS.

-Tu sais plus où t'habites ?, rit M.Grognon alors que je me tourne dans tous les sens pour comprendre le sens dans lequel nous devons partir.

-Merde, ma mère s'inquiète. Attends, je l'appelle.

J'appuie sur son numéro et colle mon téléphone à mon oreille. Elle décroche pratiquement instantanément.

-Allô ma puce, tout va bien ?

-Oui, je ne rentre pas tout de suite, mon rendez-vous entre copines s'est allongé et je n'ai pas envie de me barrer avant tout le monde...

-Oui, je comprends, don't worry, comme disent les anglais.

Je regarde Matthew discrètement qui n'essaye même pas de comprendre ma discussion en français avec ma mère. Il sort simplement une cigarette de son paquet, qu'il allume.

-Merci maman, je te laisse prévenir papa. Bisous, à toute. Ne m'attendez pas pour aller dormir !

-Oui ma chérie. Au revoir. Bonne soirée.

Elle raccroche et j'essaye immédiatement de retrouver le chemin.

-Ha c'est par là !, dis-je convaincue.

-T'es sûre ? On est déjà aller par là-bas !, rigole-t-il en faisant un nuage de fumée devant lui.

Je chope sa fumette et l'écrase à terre. Il sourit de plus belle.

-On y va, ordonné-je.

Je le guide encore une fois, alors qu'il râle d'avoir mal aux pieds. et moi avec mes talons, j'ai pas mal peut-être ?

-Et bah voilà, on y est !, m'exclamé-je devant l'immense portail noir de la résidence.

-Je reconnais bien l'odeur des riches ici !, réplique-t-il une pointe d'humour dans la voix. Pas d'odeur de poisson grillé ou de soupe cramée.

Je lève les yeux au ciel en sortant mes clés pour poser mon badge sur le digicode. Le petit portail s'ouvre pour nous laisser pénétrer à l'intérieur. Les lumières s'allument sur notre passage alors que les alentours restent noir. Il observe les maisons en fourrant ses mains dans ses poches de son air moqueur.

Je continue d'avancer, voulant écourter ce moment de moquerie face à nous "les riches", comme il aime nous appeler.

-Je l'aime bien, elle.

Sa voix me surprend dans mes réflexions. Je m'arrête pour regarder en arrière. Il parle d'une grande maison au style rustique habitée par un couple de retraité, très vieux et très casse-bonbon. Un soir ils sont venus nous rendre visite pour nous dire qu'un garçon était tombé de la balançoire du parc et qu'il fallait l'interdire.

Il admire la maison en fronçant les sourcils avant que la vieille ne sorte. Oh non. Deux solutions : courir ou mourir.

-Viens. Matthew !, chuchoté-je, essayant d'être discrète alors qu'il ne m'écoute plus du tout et qu'il sourit à cette croûte de pain.

-Mon garçon, que faites-vous ici ? Vous vous êtes perdu ?, réplique-t-elle en le toisant de haut en bas.

-J'aime beaucoup votre maison !

-Tu es gentil maintenant va t'en d'ici, sinon je devrais appeler la sécurité.

Elle me donne des frissons dans le dos. Elle est tellement froide, elle ne le juge que par ses vêtements (qui pourtant sont chics aujourd'hui).

-Au revoir madame.

Il marche vers moi mais elle l'interpelle.

-La sortie est de l'autre côté.

Cachée dans l'ombre, je n'ose pas sortir. Elle raconte tous les commérages aux voisins, il est certain que mes parents finiraient par apprendre que j'ai emmené un garçon ici.

Il fronce les sourcils dans ma direction alors que le vieux croûton le menace. Je le regarde en faisant une grimace, réfléchissant au pour et au contre. Elle va obligatoirement surveiller chacun de ses faits et gestes désormais. Notre soirée se terminerait là.

-Il est avec moi, intervené-je peu sure de moi.

Elle me toise de haut en bas lorsque je me mets sous la lumière.

-Oh la petite Leroy, toujours avec les mauvaises personnes.

Je lui fais un doigt d'honneur alors qu'elle retourne dans sa maison. Elle claque la porte puis je regarde Matthew, que j'avais pratiquement oublié.

-Vous avez réellement des gardes du corps ?

-On a des vigiles, prêts à intervenir mais ils ne sont pas des gardes, à proprement parlé. Ils habitent simplement dans la résidence ce qui leur permet de venir vite...

Il hoche la tête puis nous continuons de marcher.

-Y'en a d'autres des folles comme elle ?

-C'est la seule aussi aigrie

-C'est laquelle ta maison ?

-Tu veux voir ma maison ou la plage ?

-Où tu veux, m'en fiche.

On arrive sur le sable où on re-enlève nos chaussures pour laisser nos pieds à l'air libre et sentir la froideur des grains de sable.

-Viens, dis-je en lui faisant signe de me suivre.

Encore une fois, le silence règne.

-Voilà, c'est ma maison.

Je pointe du doigt sa façade blanche. Il entrouvre la bouche légèrement. Les lumières du salon sont allumées comme celle de la chambre de ma sœur. J'observe, comme lui, cet endroit.

-C'est... beau, sort-il hésitant.

Je ne réponds rien. Je me demande si ma sœur est en train de fumer sa drogue. Il faut que j'en parle à quelqu'un. Je ne peux pas au lycée, mon père va la tuer mais ma mère peut possiblement faire quelque chose. Même si je pense que son "quelque chose" sera le dire à mon père.

-Elle est où ta chambre ?

Il se rapproche de moi.

-Cette fenêtre.

Je lui pointe du doigt mon balcon avec mes fauteuils de jardin et mes quelques plantes que j'ai oublié d'arroser aujourd'hui.

-Un balcon de princesse dis moi ! Face à la mer !

-J'aime bien y aller et observer les étoiles.

-Tu as recommencé, chuchote-t-il vers moi.

Son souffle percute mon visage, ma respiration s'accélère immédiatement. Je me sens obligée de tourner la tête, en souriant tout de même, heureuse qu'il s'en rappelle.

Je sens ses yeux m'observer et son corps se tourner vers moi. Il attrape ma main lentement, très lentement. Son touchée léger me donne des frissons dans tout le corps. J'entrouvre ma bouche, moi-même choquée par cette réaction. Ses doigts se posent si doucement qu'une sensation de chatouille se fait ressentir en moi.

Je me décide à lui faire face alors qu'il vient poser son autre main sur ma joue. Des millions de frissons percutent ma peau à l'endroit de son touché. Mon cœur est prêt à exploser. Ma bouche, toujours entrouverte, mes mains toujours brinquebalantes, j'observe avec passion ses yeux verts si beaux. Sa tête se rapproche de la mienne, mon cœur s'emballe. Je n'avais jamais, au grand jamais ressenti autant d'émotions en même temps.

Mon cerveau me crie de le repousser mais mon corps n'agit pas et se laisse bercer par ses gestes et son odeur de parfum masculin. Je sens désormais sa respiration sur mon visage. Son souffle, aromatisé à la cigarette, vient se nicher dans mes cheveux. Je me demande si je pue de la gueule. Je me raidis un peu, ce qui lui fait peur et alors qu'il allait s'éloigner, je le ramène à moi et pose mes lèvres sur les siennes dans un tourbillon d'émotions intenses.

'Cause baby you're a firework
Come on show 'em what your worth
-Firework by Katy Perry

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