J. Chapitre 1

Chapitre 1
- Justine -

Lorsque tout va mal, rappelle toi que
les avions décollent face au vent.

🎨 J'en peux déjà plus. Ça fait une heure et demi que je suis coincée dans ce maudit appareil, attachée comme un rôti de veau à ma chaise. Et dire qu'il me reste 10 heures 10 à tenir pour enfin toucher le sol américain. J'essaye de ne pas trop penser à Paris où j'ai laissée toute ma vie ni à Los Angeles où je vais la recommencer. Normalement nous arrivons à deux heures, heures américaine.

Sauf que quand on va arriver, la France sera plongée sous son voile noire habituelle alors que les US traverseront l'après midi. Ça veut dire que je vais dormir à 14h, me réveiller à minuit, déjeuner à 4h du mat et dîner à 11h. En gros je vivrai la nuit et dormirai le jour. Foutu décalage horaire !

Le pire dans tout ça, c'est que je ne sais même pas parler anglais. « Hello, I'm Justine and I'm 16 years old ». Voilà tout mon talent.

Je déteste tellement mon père en ce moment, en même temps j'ai rien d'autre à faire, dès que je lève un petit doigt j'ai une armée d'hôtesses qui vient me voir pour me demander de faire moins de bruit et de me rassoir car on traverse une soit-disant « zone de turbulence ». Un conseil : changez d'appareil les gars parce que là on est en turbulence tout le temps. Ou changez de ciel ... Prenez en un avec moins de nuage, comme ça je pourrai analyser méticuleusement les palmiers groenlandais et les ours polaires d'Hawaii.

Je me replace sur mon siège et je laisse tomber ma tête sur mon épaule. Un épais drap blanc s'étend à perte de vue. J'aimerais pouvoir sauter dessus comme si je jouais avec un nuage de coton. J'aimerais pouvoir m'allonger dessus comme s'il me servait de lit king size, je rendrais les américains jaloux en ayant le plus grand lit douillet jamais fait. J'aimerais pouvoir en arracher un morceau pour me rappeler toute ma vie que j'ai été dans les nuages. Tout à coup un flash apparaît. Retour à la réalité. J'observe les rayons du soleil en recommençant à raler.

Non mais sérieux, j'en reviens pas, il aurait pu refuser cette offre d'emploi au lieu de faire déménager toute sa famille à l'autre bout du monde sans laisser, en plus, la possibilité à sa fille de voir un bout de mer. C'est comme si, moi l'école me prévenait qu'ils organisent un voyage scolaire en Russie et que j'emmenais tous les US rendre visite à Poutine !

Nous atterrissons le samedi 30 août à 14 heures et demi. C'est pas étonnant qu'ils aient du retard, c'est habituel... Les aéroports c'est comme la SNCF, le jour où ils sont à l'heure faut jouer au loto. Petit bémol, la SNCF est toujours en grève alors que les avionnistes ne manifestent que très rarement. En tout cas, ça n'est jamais remonté à mes oreilles.

Je plisse les yeux sans m'en rendre compte, et à la minute où je percute le ridicule de la chose, j'arrête et regarde autour de moi. Personne ne m'a vu, on est sauvé.

Je ramasse ma valise sur le tapis et me mets au fond sur un banc avec mon téléphone. Pour l'instant, rien d'interessant à signaler. Juste un panneau « welcome to LA » et plein de photos du fameux panneau Hollywood, a croire qu'ils n'ont que ça à vendre. Pas d'immense voitures, d'énormes parts de pizzas ou de gigantesques maisons. Pas de taxis new-yorkais, de Maison Blanche washingtonnaise ou de Grand Canyon arizonien.

J'aperçois ma mère bailler alors que mon père dépose sa valise à ses pieds. Il me faut me serrer très fort les poings pour arriver à disperser ma colère. Ma sœur et mon frère, avachis sur les bagages, se retiennent de ne pas s'endormir sur place. Une course dans un labyrinthe géant débute une fois le dernier sac récupéré. La sortie c'est le vendeur de voitures. Il faut le trouver pour arriver à la maison.

On part tous ensemble sans dire un mot en suivant les panneaux. On s'arrête à la case toilette puis nous achetons des encas. Marie nous fait marcher pendant de longues minutes pour revenir à la case départ. Mon père passe devant elle et prend les reines. Finalement c'est grâce à ma mère qu'on s'en sort car, grâce à sa carte « appelle à un ami », il a pu demander à un inconnu le chemin.

On arrive devant un petit stand en sous sol où deux/trois personnes s'impatientent au comptoir.

Je m'assois nonchalamment sur un fauteuil pendant que mes parents vont régler les choses à régler.

Un éléphant, deux éléphants, trois éléphants, quatre éléphants. Oooh c'est un bébé. Je m'approche de lui pour le voir de plus près. J'entends de lourds pas résonner. Un braconnier ? Une bête féroce ? Je me retourne en halte puis ouvre les yeux de stupeur.

Wouh. Un comptoir, des papiers, des clés. Ah oui, la voiture, les US. Je dois détester mon père, grogner jusqu'à mon retour en France, c'est vrai.

On nous embarque dans un véhicule. Même pas le temps de l'analyser que mes paupières tombent déjà.

Un éléphant, deux el...

-On est arrivé, dit mon père en ce qui me semble être un hurlement.

Il nous dirige vers notre nouvelle maison en pensant que ça va nous remonter le moral. Même ma mère ne sourit pas, c'est pour dire ! Elle qui tire toujours le positif des situations, faut croire que là, il n'y a rien de bien. Faut dire, qu'on est pas la famille à vouloir aller aux US pour rencontrer des kangourous et manger avec des koalas. Quoique, quelques semaines pourquoi pas mais plusieurs années, non merci.

En arrivant devant un mur blanc, ma sœur et mon frère ont déjà retrouvé le sourire et leurs yeux sont grands ouverts alors qu'il y a même pas une minute ils se plaignaient d'avoir les paupières qui tombaient toutes seules. Ils se jettent dans les bras de mon père en voyant la mer se jeter sur le sable fin. Ouh ouh, redescendez sur terre, il nous a forcé à venir ici, c'est un démon. Il collabore avec Satan ! Bande de traitres.

Pour ma part, je fais le tour rapidement et à mon plus grand bonheur, les meubles sont déjà en place, il manquerait plus que je dorme par terre sur un petit matelas de pacotille. Pas que je dénigre les gens qui font ça, mais moi, c'est pas mon délire. Déjà que j'accuse mon père de « mise en danger volontaire de mineure », il ne faudrait pas en plus qu'il se reçoive une plainte pour « maltraitance intense et soutenue de mineur en détresse ».

En moins de temps qu'il n'en faut pour dire « saperlipopette » William et Marie sont déjà en train de tremper leurs pieds dans l'eau. Ma mère a disparu des tableaux, en même temps il est 2 heures du mat les cocos, go dodo ! Mais continuez à déranger les voisins comme ça on se fera virer et à nous Paris ! La Tour Eiffel, Notre-Dame, l'Arc de triomphe me retrouveront enfin.

Mon père fait un pas vers moi. Tu fais bien d'avoir peur des crocs de Justine parce que je pourrai bien t'attaquer dans ton sommeil espèce de démon ! et il pose sa main sur mon épaule. Je ne le calcule pas, on est plus fort que ça. Ne pas flancher, ne pas flancher, ne pas fl...

-J'ai déjà renouvelé ton forfait téléphonique pour que tu puisses l'avoir ici Juju.

-Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça, je suis la seule à pouvoir le faire, je lui réponds en me dégageant de son emprise.

-Demain soir le lycée organise une soirée d'intégration, on s'est dit, ta mère et moi, que ça saurait bien que t'y aille.

-Joue pas à ça avec moi, je sais très bien que maman n'a rien dit et que tu as décidé tout seul, de tout, comme d'habitude. Et puis je peux me faire des amis sans ton aide.

Je monte les escaliers, énervée, pour arriver dans mon antre. Je m'allonge dans mon lit et regarde le plafond.

J'ai été ridicule. C'est quoi mon problème ? Y'a plein de gens qui voudraient prendre ma place et dégager de France mais ils ont pas les moyens...

Mais moi j'ai rien demandé, je voulais pas de cette vie. J'étais très bien dans ma maison à Paris avec mes potes à regarder h24 riverdale pour matter Archie Andrews. À grossir puis râler en continuant de manger des chips. A observer chaque mec un par un pour trouver le bon à ma meilleure amie.

Mes yeux clignent plusieurs fois puis je décide de les fermer pour de bon. A quoi ça sert de lutter quand on n'est pas maître du ring ?

🎨 Après une autre dispute avec mon père, j'ai décidé de me rendre à cette fête au lycée pour le fuir. Mon visage commence à se remplir de boutons tellement je suis allergique à lui. Il faudrait inventer un antibiotique. J'en deviendrais addicte. Après j'irais dans une cure de désintox' et quand j'en sortirais il m'enverrait chez les bonnes sœurs pour m'apprendre que Dieu est le grand manitou, qu'il sait tout et qu'il ne faut jamais le dénigrer.

Si j'avais voulu un ange protecteur, j'aurais appelé mon frère, pas besoin d'un homme qui se croit supérieur, qui n'a aucun pote, parce que personne ne vit dans le ciel avec lui, et qui s'improvise psychologue. De temps en temps il voit des avions passer et il fait coucou aux gens, voilà ses seules relations sociales.

En plus pour le satisfaire il faudrait soit-disant lui raconter nos pêchers, et allumer une bougie. Nan mais une bougie les gars ? Si j'allume une bougie, j'ai l'impression de fêter mon anniv. Y'a des gens ils vont tellement à l'église, qu'ils doivent avoir l'impression d'être âgés de 609 ans. Des vampires réincarnés.

En plus, ça me ferait flipper si j'étais lui, tout le monde connaît sa vie dans les moindres détails : quand et où il a fait caca pour la dernière fois. J'appelle ça du voyeurisme. Et faudrait apprendre par cœur ses faits et gestes ? La blague. J'arrive déjà pas à mémoriser mes cours d'histoire, pas besoin de m'entêter sur la vie de Gilbert, 56 ans, décédé sur une croix et qui depuis à « rejoint les étoiles ». Arrêtez de fumer, le monde va déjà assez mal.

Perso un mec qui nous observe depuis les nuages, j'appelle ça un psychopathe et quand j'en croise un, j'appelle la police, je ne lui raconte pas mes problèmes !

Décidant qu'il est temps de me détendre, je bois une première gorgée d'un liquide non identifié mais qui me brûle l'œsophage.

-Depuis quand y a t-il de l'alcool à une soirée organisée par le lycée ?, pensé-je à haute voix.

-Depuis que les élèves ne sont pas surveillés par un adulte compétant, me répond une fille.

Oh my god, une interaction sociale pour Juju ! 1-0 Jésus.

-Tu vois l'adulte qui est là-bas ?

Elle me montre un homme attaché à une chaise qui a l'air bien bourré. Et même si j'ai pas compris ce qu'elle a dit, je hoche la tête. Après tout elle ne peut pas m'avoir dit d'aller danser nue avec lui en pleine mer japonaise entourée de requins.

-C'est un prof, continue t-elle en se servant une boisson dans un de ces fameux gobelets rouges.

Moi qui pensais qu'ils existaient seulement dans les films nunuche où Cristel bouscule Jean-Christophe et qu'il se mettent à s'aimer. Moi, si y'a quelqu'un qui ose me foncer dedans, je lui fais une prise de judo ni vu, ni connu.

-S'ils sont tous comme ça, on va bien s'amuser, lâché-je.

Même si j'imagine qu'ils ont du mettre une substance étrange, du genre drogue, dans sa boisson.

-Au fait moi c'est Rachel, je peux te filer des conseils en amour.

Elle me fait un clin d'œil avant de m'entraîner sur la piste de dance. J'avoue, depuis tout à l'heure je comprends un mot sur deux et j'évite le plus possible toute discussion. Mais je ne le laisse pas paraître, j'imagine qu'elle doit avoir l'impression de converser avec moi.

-Tu viens d'où ?, demande t-elle. De Paris ?

-Ouais.

Mon accent est si pourri que ça ? Nan, j'ai parler français y'a 5 minutes, tout va bien.

-Je vais bouffer un truc, je crève la dalle.

Elle s'en va, me laissant donc seule avec tous ces gens bourrés.

En parlant de ca, je crois bien que moi aussi je sombre du côté obscure de la force. Même si j'ai jamais vu Star Wars, j'adore y faire référence. D'ailleurs à chaque fois que je dis ça, les gens me regardent comme si j'étais une extraterrestres. Moi, ça me va, j'aurais adoré naître dans une autre planète, voyager dans un objet qui vole tout seul et venir envahir la Terre puis la faire exploser et regarder le spectacle (14 juillet à 23h, 50€ la place, rdv sur la lune, avenue du satellite, pour ceux qui sont intéressés).

Quelqu'un vient se coller à moi, et vu mon état critique, je me laisse emporter dans une danse endiablée. Waouh, mon corps se déhanche tout seul comme si les démongorgons l'avaient pris en notage. Dustin va venir le récupérer de toute façon pour l'emmener sous sa trappe, Joyce l'enlèvera de mon corps et Eleven refermera le portail.

Elle a durée un moment, pendant lequel mon cerveau m'a totalement abandonné et m'a dit « tu fais ta vie, je fais la mienne ». Sauf qu'à un moment mes neurones se rallient et ils me lancent une alerte rouge de première urgence. J'entends presque mes cellules parler pour trouver une solution. « Plan sauvetage activé », crie Jean-Yves, le maître des opérations.

Je me retourne, et m'enfuis lâchement. Son visage me serait impossible à reconnaître dans l'instant présent tellement je suis choquée par mes propres actes. J-Y applaudit le premier en lançant un « mission réussie les amis, on peut dormir en paix » puis les autres suivent.

J'ai besoin d'un verre d'eau.

🎨 -Ha bah te voilà !, hurle Rachel dans mes oreilles alors que je suis en pleine conversation avec le garçon plutôt mignon de tout à l'heure.

Elle semble plus très nette non plus, je regarde autour de moi et aperçois le prof toujours sur sa chaise qui dort littéralement, un groupe de chaudasses dansent collées-serrées avec des mecs et Rachel n'arrête pas de s'esclaffer.

-Sorryyyyy, toiiii, crie t-elle au bord du fou rire mortel. Nous partiiiir loiiinn.

Elle m'entraîne par le poignet dans la rue où tout est noir, elle se tient à moi pour marcher mais j'essaye aussi de me tenir à elle. Demain va falloir que je fasse l'hôpital. « Un doliprane pour le mal de tête et de la biafine pour soigner tous les bleus madame, voilà, ça fera 25€ 50 ». En attendant, il faut rentrer à la maison en un bloc.

-Oh mon dieu Justine !, s'inquiète ma mère dès que mon pied a pénétré à l'intérieur.

Tous à l'abri.

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