Chapitre 6

Cinq ans plus tôt...

Ma rentrée au collège se passa de manière très paisible. Les cours n'étaient pas trop difficiles pour ne pas dire pas du tout. Mais pour ce qui était du reste... Comme je l'ai dit plus tôt, je me servais d'un ordinateur dans certaines matières tout d'abord. J'en exclus les maths parce que je n'étais pas assez familiarisée avec l'outil pour taper les formules, le français, allez savoir pourquoi, l'art plastique, la musique évidemment et la technologie.  Ce qui fait qu'il n'en restait pas beaucoup. Quelque chose comme l'histoire-géographie, la SVT et l'anglais. J'ai pesé une fois mon sac cette année-là et je ne pense pas que ce soit le jour où il a été le plus lourd. Mais enfin, j'ai pesé : 9,5 kilos. C'était parce que je prenais non seulement mon ordinateur mais encore tous les cahiers qu'il me fallait pour les matières où je ne l'utilisais pas. Autant dire que mon sac n'a fait l'année que de justesse avant de se disloquer.

Mais ce n'est pas le plus important de cette année. J'étais dans un collège où je ne connaissais que très peu de monde pour ne pas dire personne. La seule élève que je connaissais un peu, je ne l'avais pas vue depuis peut-être quatre ans et notre seul lien était la chorale où nous avions été ensemble pendant trois ou quatre ans. Mais cette fille avait déjà des amis qu'elle connaissait. Je ne vais pas reparler de la solitude du premier rang parce que je l'ai déjà évoquée.

À ce moment, si je parvenais à être à l'aise, pour ne pas dire nonchalante, avec les professeurs, je n'avais pas la même aisance avec les enfants de mon âge. Je n'osais pas dire non, j'étais timide et par dessus tout, je n'étais pas bavarde. Ne me demandez pas comment mais je réussis quand même à me faire quatre connaissances que je de signais par ce grand mot « amies » : celle de la chorale, une amie à elle et deux autres filles (une blonde et une rousse) qui étaient elles aussi amies entre elles. Parmi ces quatre filles, au moins une ne m'aimait pas : la petite blonde que j'ai retrouvé chaque année par la suite parce que nous prenions les mêmes options. Les autres, je crois qu'elle m'aimaient au moins un peu puisque encore aujourd'hui, je peux les considérer comme, je ne dirais pas amies, mais bonnes connaissances.

Enfin bref, les deux premières, je les côtoyais seulement. Je considérais rapidement les gens comme amis je crois. Quand à la fille rousse, la seule qui m'appreciait peut-être un peu, elle avait une autre amie qui ne m'aimait pas non plus. Alors, chaque fois qu'elle allait avec elle, la rousse m'adressait un regard éloquent et j'étais censée partir. Si naïve que je fus, je ne l'étais pas assez pour me dire que ce comportement était normal. Et pourtant, qu'est-ce que j'ai dit ? Rien. Qu'est-ce que j'ai fait pour que ça change ? Rien.

Et je vous en parle parce que de mon point de vue, c'était évidemment mes lunettes, qui me faisaient des yeux énormes, et mon nystagmus qui horrifiaient autant. Mais ce ne sont que des suppositions. Vous connaissez ces regards ? Ceux qui vous fixent, curieux ou scrutateurs, emplis de pitié ou de dégoût ? Non ? Moi oui. Ça venait beaucoup d'enfants ou d'adolescents. Mais parfois, c'était des adultes et c'était ça qui faisait le plus mal.

Une fois, au ski, nous mangions dans la salle hors-sac et j'ai entendu quelques rires à côté de nous. Ce n'était même pas discret. Les adultes me jetaient des petits regards et les enfants me fixaient carrément. Je l'ai dit en chuchotant à moitié à ma mère et elle m'a dit :

— Pas les adultes quand même...

Elle a regardé. Ils avaient dû m'entendre parce qu'ils ne pipaient plus un mot.

À cause de ces regards et de ce rejet inconscient peut-être, j'ai passé quelques repas seule. Je me souviens particulièrement d'une fois où le même regard éloquent m'avait clairement expulsé. J'avais envie de pleurer mais j'avais surtout faim alors j'ai attendu dans la queue pour le self. Et là, une fille en cinquième vient me voir et me dit :

— T'es pas la sœur à [insérer le nom que vous voudrez et gardez-le en tête] ?

— Si...

— Et tu es toute seule ?

Évidemment. Et elle s'est aussitôt indignée en pestant contre mon frère qui me laissait manger seule... Je pensais ne rien lui devoir à mon frère et encore moins une place à sa table. Il faut dire qu'au collège, on s'ignorait quand on se croisait. Mais je n'ai pas refusé quand elle m'a proposé de manger avec elle et ses amies.

Mais enfin, manger seule ne me dérangeait pas, c'était plutôt le rejet de la part d'une personne que je considérais comme mon amie. Je ne peux cependant pas dire que je n'y étais pour rien : mon manque de sociabilité me poussait à rester seule, après le repas (peu importe avec qui j'avais mangé) pour lire. Parfois seule, parfois avec cette même amie qui m'embêtait parce que je ne lui parlais pas. Ou sinon j'essayais de dessiner comme elle. Ça c'était plus drôle parce qu'elle était un génie et moi. Mais je n'ai jamais été bavarde et j'adore lire alors le livre l'emportait. Et il est clair que ça n'aidait pas. Mais en contrepartie, tous les mardis et vendredis, nous finissions à quinze heures et comme elle n'habitait pas loin du collège, j'allais chez elle. J'avoue que je lui dois toutes les séries que je connais et notamment ma préférée et une amélioration certaine de ma culture cinématographique, jusqu'alors alors tout-à-fait catastrophique.

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