Chapitre 13

Maintenant...

La chambre d'hôpital est morbide. Bleu fade, sans couleurs, sans décor. Bien loin de ma chambre d'hôpital en service pédiatrie pour l'appendicite.

On m'a dit de me laver à la bétadine encore une fois. Mais j'ai un mail à envoyer et je veux pouvoir le faire avant. Juste au cas où. C'est ce que je me dis. Mais à ce moment-là, je suis en train de faire mes adieux. Je ne me suis pas dit que c'était triste, que ma dernière vision soit une chambre d'hôpital bleue et laide. Pourtant, ça l'était.

J'ai posé des questions à ma mère. Qu'est-ce qu'ils feraient si ça ne se passe pas comme prévu ? Des questions peut-être un peu bête : est-ce qu'on achetera un chien d'aveugle ? À celle-ci, ma petit soeur a eu cette réaction :

— Oh oui ! Un chien ! Ça serait génial !

Elle ne pensait pas à mal... Enfin j'espère. Mais ça m'avait blessée. Ça serait génial que je devienne aveugle. Parce qu'on aurait un chien.

Dans cette histoire, mon frère et ma sœur ne m'ont pas aidé. Enfin si, lui, au début de l'école primaire. Mais ensuite... Combien de fois m'ont-ils dit :

— Mais t'es aveugle ou quoi ? Ah ben oui, c'est vrai.

Ça les faisait rire... Ils le voyaient comme des blagues. De simples blagues. Mais pour moi, c'était tellement plus.

J'étais le paradoxe entre casse-cou et prudente. Casse-cou parce que, ne voyant pas le danger, je m'en fichais. Et prudente parce que, pour la même raison, je craignais l'inconnu.

Je suis moi et j'ai peur.

Je n'ai pas le temps d'envoyer mon mail. On me demande de retirer mes lunettes. Un infirmier vient pour m'appliquer l'embout de l'intraveineuse. Dans la pièce, il y a ma marraine et ma mère qui me regardent en discutant. Elles essaient bien de me rassurer mais c'est presque plus pour elles que pour moi.

J'ai froid malgré les épaisses couvertures. Je claque des dents, j'ai mal au ventre et mes genoux tremblent. En fait, j'ai froid, mais je stresse surtout.

Une infirmière cette fois vient m'administrer un produit qui devrait faire baisser la tension par l'intraveineuse. Elle me demande si j'ai mal. Sur le moment, je ne ressens pas de douleur, alors je dis non. Mais quand la femme s'en va, la douleur commence à affluer. De l'épaule au poignet, une immense barre de fer m'immobilise le bras. En prime, j'ai des fourmis dans les doigts et partout jusqu'au cou. C'est une sensation très étrange et assez douloureuse.

Un monsieur très gentil vient me chercher. Il m'installe sur un fauteuil roulant, me met une couverture, puis une deuxième quand je lui dit que j'ai froid. Je n'ai plus mes lunettes alors pour moi, c'est déjà le début du rêve. Ma mère et ma marraine me suivent dans les couloirs mais m'abandonnent quand j'entre en salle d'opération. Ma douleur dans le bras n'a pas cessé.

En bloc opératoire, je n'y vois à peine. J' ai l'impression qu'on me perfore bras de toutes part. La chirurgienne et ses aides discutent autour de moi. Une femme très douce me prend le visage et me chuchote de penser à des choses agréables. J'ai pensé un instant à mes parents et à leurs visages qui ne me venaient déjà plus à l'esprit. Mais ça m'a fait peur, alors je me suis raccrochée aux voix de ces innombrables vocaux du Café. C'est la dernière chose à laquelle j'ai pensé consciemment. Ensuite, le masque m'a diffusé son gaz soporifique et je n'avais plus conscience que d'une étrange lourdeur dans le bras. Une lourdeur telle que j'avais l'impression qu'il allait se décrocher, en plus de la douleur.

— Pourquoi est-ce qu'elle ne dort pas ?

Je me disais aussi... Il m'avaient administré le produit relativement longtemps avant. Quoique ma notion du temps n'est plus très fiable en cet instant.

Pourquoi une telle douleur alors que ça n'aurait dû que me picoter ?

Le premier infirmier, censé placer l'embout, avait raté ma veine. La deuxième personne n'avait pas vérifié et m'avait injecté le produit dans les muscles.

J'ai la tête qui tourne même si, sur le moment, je m'en rends à peine compte. Je sens qu'on me triture le bras. Je prends une dernière inspiration. Et ensuite, trou noir.

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