Chapitre 12
Cinq mois plus tôt...
J'ai dû avoir trois semaines d'arrêt de sport. Même la musculation m'était interdite. J'avais un peu mal quand j'appuyais sur la blessure ou quand je forçais sur la jambe mais ça allait. Le pire c'était les dolipranes que je devais prendre, le pansement à changer tous les deux jours et les points de suture à enlever ensuite. Trois semaines durant lesquelles j'avais l'impression d'être droguée. Je prenais sept cachets par jour sans compter les gouttes dans les yeux.
Et finalement, ça a été terminé.
Ou pas... D'habitude, j'ai équitation le mercredi. Mais cette fois-ci, j'avais un cours le samedi pour rattraper ceux que j'avais manqué les mercredis précédents. J'ai à peine eu le temps de faire ce cours d'équitation. La nuit du samedi au dimanche, je me suis réveillée vers minuit. J'avais une terrible douleur au ventre. Mais terrible dans le sens où mes règles n'étaient rien du tout à côté. Je n'ai pas pu dormir plus de deux heures après. Et encore, je me considère comme chanceuse.
Pourquoi ne pas avoir réveillé mes parents ? J'y ai pensé plein de fois pendant cette interminable nuit. Et je m'étais dit que je leur causais déjà bien assez de stress comme ça. Que je n'allais pas en rajouter juste parce que j'étais un peu malade...
Le lendemain, j'ai refusé d'avaler quoi que ce soit, même si j'avais faim. Et mon père, qui s'était déclaré professionnel détective de l'appendicite m'a examinée. Selon son examen, je l'avais. Autant dire qu'on est aussitôt parti aux urgences. Même si ce n'était pas nécessairement grâce à lui. Nous sommes donc arrivés aux urgences et on a mis du temps à me prendre en charge. Urgences et service public font rarement bon ménage apparemment. On m'a mise dans une chambre et on m'a fait faire un test d'urine, un scanner et une radio. Ensuite, le gentil médecin a demandé à ma maman de sortir et m'a demandé de but en blanc si j'étais enceinte. C'était vraiment agréable de sa part mais non, je ne l'étais pas. Et donc ensuite, ils m'ont dit qu'ils allaient essayer de m'opérer dans la soirée mais que ce n'était pas sûr qu'ils aient de la place et que dans tous les cas, j'allais devoir rester aux urgences. Et bien moi qui voulait passer un bon week-end, c'était clairement raté.
Donc finalement, j'ai été opérée le soir-même. Entre temps, j'avais patienté avec deux tomes du « Manoir » et cette insupportable douleur qui se calmait à peine sous l'effet des médicaments.
En salle d'opération, j'ai juste dormi. En salle de réveil, je me suis réveillée, complètement dans les vapes. Et ça, j'ai détesté. Ils ont demandé où étaient mes parents. Qu'est-ce que j'en savais moi ? Je crois que je leur ai dit qu'ils allaient arriver. Mais je ne garantirais même pas que j'étais réveillée alors...
J'ai ensuite été conduite dans une chambre du service pédiatrie où mes parents sont arrivés bien après. J'étais nue, à moitié réveillée, à moitié consciente de ce qui se passait autour de moi et surtout, la douleur dans le ventre ne s'était pas calmée. Je me sentais tellement mal, tellement vulnérable. Exposée à la vue de tous, même si ce n'était que des infirmières et mes parents. Je voulais juste me blottir dans mes draps et dormir. C'est finalement ce que j'ai fait mais seulement ce qui m'a semblé être très longtemps après, quand ils m'ont tous laissé tranquille.
J'ai passé deux jours à l'hôpital, je suis sortie le mardi soir. Je n'allais quand même pas rater la remise des diplômes du Brevet ! Par contre, j'ai raté sans hésiter le piano et le solfège, allez savoir pourquoi. Entre temps, à l'hôpital, je n'avais rien d'autre à faire que de regarder les informations. C'était la période des graves inondations dans l'Aude où habitent mes grands-parents et aussi du remaniement. En plus, pas internet et j'avais finis l'intégrale du « Manoir ». Alors oui, je m'ennuyais ferme et j'ai tout fait pour sortir le plus tôt possible. Mais je ne suis pas allée au lycée de la semaine, surtout que c'était celle d'avant les vacances.
Ironie de la vie qui m'a adressé une question que j'aurais préféré ne pas entendre :
— Et avec ceci ? Qu'est-ce que je vous sers ?
Avec ceci ? Rien. Mais avec ce que j'avais déjà, j'avais presque oublié mes yeux, mais ceux-ci n'ont pas tardé à se rappeler à moi. C'était bien aimable à eux, je m'en serais passée. Un autre rendez-vous à Paris et nous étions en novembre. Novembre, c'est un mois avant décembre. Mais, c'était encore loin. Et puis, après ce rendez-vous à Paris, nous avons annulé tout ce qui était prévu avec Toulouse. Nous avions le choix entre une chirurgienne qui me connaissait mais avait l'air de s'en ficher et une qui ne me connaissait pas encore et qui avait l'air de trouver cela très compliqué. On a préféré celle qui dramatisait, juste au cas où. Et donc il a fallu y aller encore deux fois à Paris, avant de programmer la date d'opération. Le 24 Janvier 2019, ma vue (ou ma vie, ce qui revient à peu près au même), allait se jouer. Et c'est là que j'ai commencé à avoir peur. J'ai eu peur de ce qui allait se passer. Peur de devenir aveugle. Je ne me projetais même plus après l'opération. Je n'y arrivais pas. Ça m'était totalement impossible.
J'ai commencé à voir au jour le jour. C'est-à-dire que j'essayais de graver chaque chose que je voyais dans ma mémoire. Chaque visage, chaque émotion. Chaque personne surtout. Alors que pourtant, ce n'était pas ma vie que je jouais. Mais quand je disais que ça revenait au même...
Si encore j'étais née aveugle, ça ne m'aurait pas dérangé. La question ne se serait même pas posée. Mais là, j'y voyais assez ! J'y voyais et je ne pouvais pas renoncer à ce pouvoir qui m'était accordé envers et contre tout.
Ma mère m'a conseillé d'aller consulter les psychologues scolaires. Je l'ai fait. Je ne veux plus. La première que j'ai vue m'a simplement permis d'y repenser alors que j'étais dans le déni. La seconde, pareil. Alors j'ai dit stop. Je sortais de là les larmes aux yeux. Parler n'avait rien changé.
Un mois plus tôt...
Noël est passé, le nouvel an aussi. J'avais presque oublié. C'était si beau, si parfait que j'avais oublié. Mais ça nous rattrape toujours.
J'ai eu peur du noir pendant la période de l'opération. À tel point que j'avais peur d'éteindre mon téléphone. Je ne voulais pas ne plus voir, j'avais le sentiment qu'après, j'ouvrirais les yeux sur le noir.
J'ai commencé à pleurer pour rien, à être épuisée. À la rentrée, il me restait à peine trois semaines. Une semaine, un rendez-vous à Paris, une semaine et au bout, l'opération. Il n'y avait rien d'autre. Rien d'autre ne comptait que ça.
Ça peut paraître étrange mais je n'en ai jamais réellement parlé avec mes amis de la vie réelle. Et je pense que j'en ai trop parlé pour le bien être de ceux qui étaient sur internet. En même temps, il m'était plus facile de me confier derrière mon écran. Et mes amis semblaient si peu concernés, si peu intéressés, à peine compréhensifs... Et puis j'ai réalisé que ce n'était pas de leur faute. Je n'avais rien dit non plus. Certains découvraient l'opération le mardi d'avant mon départ pour Paris. Et la veille de mon départ sur Paris, je me retrouvais sur mon lit, l'écran de mon téléphone allumé en train de pleurer. Qu'est-ce que j'allais devenir ?
Et puis finalement, ça y était. La veille de l'opération, j'ai dû faire un shampooing à la bétadine. Je ne conseille pas, c'est mauvais pour les cheveux. Le lendemain, jour J.
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