Chapitre 11

Six mois plus tôt...

Et puis la rentrée du lycée est arrivée. Elle s'est plutôt bien passée. Dans ma classe, je ne connaissais que deux garçons. J'ai donc eu droit aux habituelles questions mais pas à la solitude du premier rang ! Enfin... Pas trop. Parce qu'un des garçons ne connaissait que moi et je l'appreciais plutôt bien. Alors il s'est mis à côté de moi pour presque tous les cours. Des amis ont essayé de nous mettre ensemble mais ont lamentablement échoué... Enfin bref. Le cycle sport musculation commence. Pourquoi j'en parle ? Parce que c'était l'un des seuls que j'aurais pu faire dans l'année. Et bien raté ! Les hôpitaux vont entendre parler de moi...

D'abord, il y a eu le rendez-vous à Toulouse avec une nouvelle qui tombe, implacable : on va devoir opérer. Mais en attendant, tu dois prendre des médicaments. Un contre le glocaume et un complément alimentaire. Bon et bien je n'ai pas le choix, je prends ce qu'on me dit.

À ce moment là, je ne me suis même pas dit : mince, tu peux devenir aveugle ! Je ne me suis pas dit : qu'est-ce que tu ferais si ça t'arrivait ? Tout ça parce que le mois de décembre me paraissait si loin !

C'est ma mère qui m'a ouvert mes yeux sur la négligence de la chirurgienne. Elle semblait ne pas accorder beaucoup d'importance à l'opération. Comme si n'importe qui pouvait la faire. En plus, elle était fixée pour la dernière semaine de cours avant les vacances de Noël. Or, mon suivi nécessitait un contrôle une semaine après l'opération. Pendant les vacances donc. Alors déjà, ça n'était pas pratique pour nous mais en plus, en pleines vacances, surtout de Noël, il n'y avait personne. Que le service d'urgence et des internes. Je n'ai aucun doute sur leurs compétences mais, pour s'occuper de moi, il faut un minimum connaître le dossier.

Alors ma mère a parlé autour d'elle. Et quelqu'un lui a conseillé une chirurgienne spécialisée en glocaume et en pédiatrie. C'était pile ce qu'il me fallait. Mais c'était à Paris.

Heureusement, nos cousins habitaient non loin et ont accepté de nous loger à chacun de nos voyages qui allaient se faire fréquents. Nous sommes donc montées sur Paris pour notre premier rendez-vous. Comme elle a un cabinet privé, c'est passé bien plus vite qu'à Toulouse. Mais bon, c'était plus cher, on ne pouvait pas tout avoir.

Je me souviens encore de la tête de la chirurgienne lorsqu'elle a vu mes yeux. Enfin, je n'avais pas mes lunettes donc je ne me souviens pas de sa tête, mais plutôt de sa réaction :

— Ah ouais...

D'un air impressionné et pas rassurant du tout. Elle a d'abord demandé :

— C'est bien l'œil gauche qu'on opère ?

Avec un air tellement suppliant que j'ai vraiment compris à quel point l'œil droit était difficile. Alors, elle est revenue à mon œil droit avec un air déprimé.

Nous sommes rentrées, moi et ma mère. Le week-end suivant, nous avions une sortie à vélo à Carcassonne avec mon grand-père. Je n'étais pas motivée, je n'avais pas envie. Et pourtant je l'ai faite.

J'ai connu de nombreuses balades à vélo où je me suis fait peur. Il ne m'en fallait pas beaucoup : un chemin un peu étroit qui descendait et ça suffisait. En fait, à vélo, je ne savais pas aller droit. Je suppose ma vue mais c'est peut-être aussi de la maladresse. Mais bon, comme tous les autres y arrivent, je présume. Donc un chemin étroit, ça me fait peur. Mais pour cette balade, ils ne l'étaient même pas toujours. Il n'empêche que j'ai accumulé : crevaison avec un énorme trou sachant que nous n'avions rien pour réparer évidemment. C'était mon père qui avait tout et lui et mon frère étaient partis pour faire un tour plus grand. Bon, heureusement, deux charmants anglais nous ont sauvé et nous avons continué notre route.

À un moment, il y avait une énorme montée sableuse que personne ne pouvait décemment monter à vélo. Et ensuite, une descente très sympathique... Je décide de passer la première parce que ma mère va moins vite que moi (le déclic du ski s'est fait aussi à vélo du coup, mais uniquement quand j'étais sûre de moi) et ma sœur parce que j'avais envie. Donc je vais me lancer et, juste en haut, je freine. Idée totalement stupide puisque j'avais déjà le déséquilibre de la descente. Du coup, j'ai voulu éviter de tomber et j'ai posé mon pied dans un buisson qui se trouvait là par ordre du destin pour que ce soit plus qu'une simple chute. Pour éviter de tomber d'ailleurs, j'ai appuyé sur mon pied gauche relativement fort. Mais je suis tombée quand même, la cheville droite à moitié coincée dans le cadre. Bon, des mains secourables m'ont sorti de là et je sentais confusément que j'avais quelque chose dans la jambe. Je suis pas du genre chochotte alors j'ai voulu l'enlever directement. Heureusement que l'homme qui avait relevé mon vélo m'a dit de ne pas y toucher... Il a examiné et a dit à ma mère d'appeler les pompiers. En fait, j'avais un centimètre de bois qui dépassait de ma jambe sur environ trois centimètres de largeur. Je ne vous raconte pas le temps qu'il a fallu pour connaître nos coordonnées GPS et celui que les pompiers ont mis pour nous trouver. En fait, la route était cinq cents mètres plus loin et les pompiers demandaient aux gens qui passaient s'ils avaient vu un blessé. Et eux répondaient que non !

Moi pendant ce temps, j'avais juste froid. Ma sœur courait partout en criant que c'était horrible et moi j'examinai sans voir parce que ma jambe était à la fois trop loin et trop près. En plus, ma vue n'était plus au faîte de sa puissance. C'est finalement ma sœur qui m'a « sauvée » parce qu'elle est parti plus loin sur le chemin et qu'elle a donc trouvé la route et les pompiers.

Quand ils ont vu ce que j'avais, je crois qu'ils ont regretté de ne pas avoir amené la civière. Moi, je n'avais pas mal, tout juste un peu. Le pompier a proposé de me porter. Et là je me suis dit qu'il avait vu le gabarit de lièvre de ma petite sœur mais qu'il n'avait pas bien estimé le mien... Et j'avais raison. Au début, il m'a porté en style princesse et ensuite, il a renoncé et je suis montée sur son dos. Bref, arrivée aux urgences, j'ai dû patienter un assez long moment. Ensuite, salle opératoire. Ils m'ont administré un gaz hilarant, soi-disant pour me détendre. Et j'avoue que pour être détendue, j'étais détendue. Je riais silencieusement à chaque inspiration. Et sans pouvoir m'en empêcher. Quand j'y repense, ça me fait encore rire.

J'ai néanmoins senti quand ils m'ont planté l'aiguille de l'anesthésie locale et aussi quand ils m'ont retiré le bout de bois. Mais à ce moment-là, j'avais mal sans pouvoir mettre un sens sur le mot. Je flottais entre un couloir blanc et un couloir noir, allongée sur le sol. Mais le sol n'avait pas de consistance et le blanc et le noir se mélangeaient et formaient des éclairs. Je n'étaient pas nette sur le moment. Quand ils ont cessé de me faire respirer le gaz hilarant, j'avais encore envie de rire. Déstabilisant. Et ensuite, ils m'ont montré ce que j'avais dans la jambe. Je vous épargne la photo mais c'était un bâton en lame de couteau de huit centimètres sur trois à son endroit le plus large (hors de ma peau).

Mais tout ça s'est plutôt bien terminé. Seulement trois semaines de repos.

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