Nouvelle #4 : Promenade dans le Désert (2/2)
Elles marchèrent plusieurs minutes durant. À chaque pas de plus, le désert se faisait plus torride encore, et les deux femmes, malgré leur nudité, virent leurs corps ornés de perles de sueur. Tout en continuant de marcher et de faire fourmiller ses doigts le long des flancs d'Emy pour la chatouiller et la faire rire, encore et encore, Millie déclara :
- Tu sais, chérie... ça me rappelle un peu la dégustation des tartines de miel. Tu te rappelles ? Nos tartines de miel étaient rouges, comme recouvertes de coulis à la fraise.
- Ah, oui, tu parles que je m'en rappelle ! éclata Emy. Mais nous n'en sommes plus là maintenant, hein ? Nous maîtrisons nos pas de mieux en mieux ; nous perdons notre gêne et nous tissons notre confiance.
Millie gloussa en se remettant à rougir, et les deux femmes continuèrent de marcher dans le désert.
Peu à peu, leurs respirations confondues, au rythme de leurs pas, accélérèrent. Dans leur promenade de découverte, leurs mains caressaient de plus en plus le corps de l'autre avec envie. Les jours où elle voyait leurs mouvements déborder d'un short ou d'une jupe ; Millie connaissait les jolies cuisses épaisses d'Emy, et pourtant ce fut comme si aujourd'hui, en les malaxant passionnément entre ses doigts tremblants de désir, elle les découvrait pour la première fois. Quand elle les imaginait sous ses chemises flottantes ou quand elle voyait leur courbe se dessiner dans l'écume de l'eau de mer, à la plage ; Emy connaissait les adorables seins menus de Millie, et pourtant ce fut comme si aujourd'hui, en les palpant fiévreusement de ses mains moites, elle les découvrait pour la première fois.
La conscience des deux femmes, tandis que leurs mouvements devenaient de plus en plus confiants et réguliers, fondit doucement dans la douce chaleur du désert. D'ailleurs leur environnement réel leur échappa ; elles oublièrent qu'elles étaient dans ce désert. Leur conscience alors s'affaissa pour laisser le libre-arbitre à leurs seuls sens en éveil. Leurs yeux voyaient au-delà du désert et du ciel ; si magnifiques fussent-ils à regarder, elles avaient chacune trouvé quelque chose de plus resplendissant encore pour remplir leurs pupilles : elles avaient le regard centré l'une sur l'autre, et elles se contemplaient amoureusement, elles se dévisageaient de haut en bas et de bas en haut avec ardeur, sans jamais songer à tourner les yeux ailleurs.
Les perles de sueur ornant leurs corps libéraient un parfum naturel et humain, un phéromone qui venait pincer leurs nez, plus de douceur que de malaise. Emy reconnaissait l'odeur de Millie ; Millie reconnaissait l'odeur d'Emy. Elles auraient pu s'extirper de leur vue que les choses n'auraient pas été modifiées pour autant. Les perles n'étaient plus la seule affaire de leurs narines : désormais leurs doigts et leurs paumes aussi cherchaient à se les approprier. Elles se touchaient l'une et l'autre là où elles voyaient ou sentaient une peau tapissée d'humidité, comme s'il eut absolument fallu qu'elles gardent une marque l'une de l'autre, pour se souvenir. Et pourtant, elles n'étaient pas prêtes de se séparer...
Leur ouïe était excitée par des souffles lents qui n'étaient pas ceux du vent évanoui dans l'ardeur du désert. S'entendre se gémir l'une au visage de l'autre fut pour elles comme se regarder dans un miroir : Emy reconnaissait effectivement le plaisir qu'elle offrait à Millie dans sa voix, et Millie reconnaissait le plaisir qu'elle offrait à Emy dans sa voix. Enfin, leurs oreilles reconnurent des sons autres que des vibrations de cordes vocales ; des baisers qui se transformèrent presque en suçotements pour certains. Leurs gorges sèches récupéraient quelques perles de sueur mêlées à un peu de salive quand leurs lèvres entouraient leur peau comme des ventouses pour savourer la chair autrement. Elles ne marchaient plus dans le désert ; elles étaient immobiles, tournées en face, occupées à s'affairer l'une sur l'autre.
Comme une oasis dans leur désert, le paysage se métamorphosa soudain. Le sol sous leurs pieds devint doux comme de la guimauve, et enfin, un petit vent de fraîcheur traversa leurs corps brûlants d'un léger tremblement. Lorsqu'elles s'effondrèrent l'une sur l'autre dans un cri d'Emy, elles atterrirent sur un parterre tapissé de plantes qui amortirent leur chute et la firent très agréable. Leurs courbes ondulaient dans un mouvement synchrone. Le creux du ventre plat de Millie fut comblé par le ventre rond d'Emy qui vint se poser dessus.
Roulant sur des feuilles verdoyantes et des fleurs, grimaçant parfois en passant malencontreusement sur une malheureuse épine, le yin et le yang que les deux vestiges de leur intimité formaient fut traversé d'une vague plus violente. Emy et Millie se mordirent doucement les lèvres et le menton et s'agrippèrent contre le dos de l'autre plutôt que de se limiter encore à la soutenir. Leurs ongles s'enfoncèrent à la place de leurs paumes. Leurs cris ne furent audibles qu'un temps, et finirent étouffés dans un long baiser. Quand Millie dégagea la tête de leur étreinte, ce ne fut que pour lâcher un nouveau hurlement avant d'y retourner.
Dans un mouvement parallèle, la main gauche de l'une et la main droite de l'autre s'allongèrent sur le côté pour cueillir un bouquet de fleurs. Sans se décrocher, Emy tendit une botte de roses rouges en direction de Millie et Millie tendit une botte de roses blanches en direction d'Emy. Le corps d'Emy, au dessus, pivota suite à cette présentation en se saisissant des roses blanches, jusqu'à parvenir dans la position inverse de celui de Millie, qui avait quant à elle gardé les roses rouges. Elles commencèrent alors à s'affairer chacune de leur côté sur le bouquet offert par l'autre.
Emy chatouilla longuement les roses blanches à la tige et remonta ensuite jusqu'aux feuilles qu'elle titilla. Millie, doucement mais directement, inséra ses doigts entre les pétales des roses rouges pour venir caresser leur bouton central. Les bouquets tremblaient au rythme des corps, et les deux femmes voyaient se dessiner devant elle, en ce précieux cadeau qu'étaient les fleurs de l'autre, un paradis éphémère mais intense, dans lequel il fallait plonger dès maintenant si l'on ne voulait pas le rater. Alors, bien sûr, elles y plongèrent comme elles plongèrent leurs langues entre les pétales des fleurs, pour savourer la rosée sucrée qui s'amassait en leur centre ; en un élixir de vie au goût amer mais enivrant, exactement comme un excellent alcool, à consommer avec modération, mais dont on attendait l'occasion en se rongeant les ongles tant il faisait du bien à l'âme et au corps. La rosée sucrée qui n'était pas allée se frotter sur les papilles d'Emy et Millie dégoulina le long des pétales en petites gouttes compactes, dont le mouvement s'évanouit aux feuilles ; mais cette rosée était pourtant bien là. La porte du paradis s'était ouverte volontiers, découvrant ses beautés et ses douceurs au couple pour la toute première fois.
Allongées en position inversée sur leur parterre de fleurs, les corps d'Emy et de Millie furent secoués de vagues mystérieuses. Leurs cordes vocales bien sûr furent tant inondées par le plaisir qu'elles se remirent à vibrer plusieurs fois de suite pour leur faire lâcher des cris euphoriques et des gémissements satisfaits ; lorsque ce ne fut pas quelques rugissements éperdus de passion charnelle. Il ne leur manquait rien ; elles étaient ensemble, elles se complétaient, et elles étaient elles-mêmes. Les hurlements avaient été peu nombreux au final, mais tels qu'il fallut se décrocher légèrement pour pratiquer un exercice de respiration chacune de son côté, caressant toujours les roses d'une main de plus en plus absente. La seule chose qu'Emy et Millie purent regretter fut que le paradis s'en fût allé aussi vite. Quel dommage qu'il mît autant de temps à venir pour s'en retirer presque immédiatement qu'on l'avait atteint.
Emy se retourna latéralement et présenta de nouveau son visage en face de celui de Millie. Leurs mains câlines furent soudain emplies d'un grand vide dans lequel se devinait une once de satisfaction : et bien, ça y était, elles avaient fini, elles étaient comblées. Elles se regardèrent bêtement pendant plusieurs longues secondes, et la gêne les reprit soudain. Mais après tout, elles avaient bien toute leur journée devant elles pour réaliser à quel point leur amour avait été exceptionnel cette fois. La brune perçut des petites vibrations contre le sol, et s'assit soudain pour les écouter un peu plus attentivement.
Emy casa un peu plus confortablement son coussin sous son dos et commenta à l'attention de Millie :
- Je crois bien qu'Emilie s'est levée, je l'entends gambader dans la cuisine. Je vais lui préparer ses pancakes, finit-elle en se dégageant de la couverture et en se sortant du matelas.
- Tu me feras un petit café aussi, s'il-te-plaît, demanda la blonde.
- Pas de problème, ma chérie. Je te fais un café et je reviens te l'apporter sur ta table de nuit.
Emy se leva et déposa un tendre baiser dans la nuque de sa femme, changeant d'un sourire son visage caché dans son oreiller.
Ce après quoi la brune se dépêcha de sortir de la chambre à coucher tandis qu'Emilie, dans la cuisine, sautillait en lançant de sa voix perçante de petite fille :
- Mom's, Mam's ? Vous faites encore dodo ?
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