Nouvelle #2 : The teacher is always right (Elmah et Sylvain) (2/5)

Ce soir-là, Elmah était magnifique et donnait l'air bouillonnante. Ses formes étaient moulées et sculptées dans des vêtements sensuellement sobres, et elle avait fait son maximum pour paraître la plus mûre possible. Peut-être pas de là à se donner l'air d'une cougar – difficile de se faire passer pour une cougar à quinze ans tout frais, mais au moins à se donner l'air plus mature que moi. Ce soir-là, en plus de détenir le pouvoir qu'elle comptait sur moi exercer, Elmah détenait aussi le savoir qu'elle comptait m'enseigner. Et d'ailleurs, ce soir-là, j'allais avoir intérêt à ne jamais l'appeler Elmah. Ni même Emily, le prénom de son personnage. Elle ne se laisserait sûrement même pas tutoyer. Pas de favoritisme – politesse et discipline avant tout.

Elle avait vraiment disposé dans sa chambre, à plusieurs mètres de son lit, sa table de bureau, sur laquelle il restait une lampe balayant une clarté intimiste sur le pot à crayons rempli et les quelques feuilles noircies qui y étaient également posés ; ainsi qu'un tableau en ardoise et quelques craies blanches avec lesquelles elle jouait déjà à faire cours quand elle était petite.

Elle était depuis quelques secondes parvenue derrière son bureau, tenant fermement une longue règle en bois d'une main, portant fréquemment une pomme rouge à sa bouche de l'autre. Elle venait de croquer une nouvelle bouchée ; elle se laissa du temps pour terminer de savourer ce nouveau morceau avant de se courber un peu plus sur son bureau, s'adressant à moi :

« Sylvain, je ne suis pas du tout satisfaite de toi, tu ne t'es même pas levé quand je suis entrée. »

Mon dieu. Et j'avais été suffisamment idiot pour commettre une telle impolitesse. Cette fois-ci je pouvais en être sûr, elle allait me corriger aussi durement qu'une mauvaise copie.

« Pardon, Madame. »

Suite à cette excuse remplie de sincérité, je me levai de ma chaise – enfin du lit – et restai debout quelques secondes, tête baissée, avant qu'Elmah m'indique de me rasseoir.

Peut-être que je me ferais punir encore plus durement si elle découvrait que je la désignais par son prénom dans mon récit. Voulant éviter cela, je me corrigeai de moi-même : je restai debout quelques secondes, tête baissée, avant que la maîtresse m'indique de me rasseoir.

Elle sembla contente de moi cette fois-ci, puisqu'elle me sourit et déclara, encore une fois à mon attention :

« Sors tes affaires.

– Oui Madame.

– Madame comment ? »

Après une seconde de réflexion – elle voulait que je l'appelle par le nom de son personnage, pas par le sien, oui, c'était bien cela –, je répondis :

« Oui Madame Walles. »

Je sortis comme demandé par ma professeure, mes affaires de cours, que je disposai sagement sur mes genoux – mon bureau.

Ce soir-là, la prof était magnifique et donnait l'air aussi glaçante que bouillonnante. Sur ses hauts talons de femme mûre et sombre, elle fit quelques pas pour se placer devant son bureau. Je voyais ses mollets voilés de collants transparents, ses cuisses et son corps jusqu'au milieu de la taille masqués d'une jupe crayon noire, et son décolleté découvert par l'ouverture de quelques boutons de sa chemise blanche. Elle croisa ses bras derrière son dos et croisa sa jambe droite devant l'autre, occupée à me survoler d'un regard hautain et dominateur.

Ce regard que je sentais peser sur moi, je ne pouvais que le deviner ; jamais je n'aurais osé relever mes yeux, clairs comme la noisette, pour les plonger dans les siens, sombres comme le café. Elle passa sa main au poignet entouré de quelques bracelets dans sa crinière noire pour la remettre un peu en place sur son crâne : avant de dresser des élèves, cette dompteuse à l'allure fauve dressait chaque matin des cheveux en furie. Je parvenais à voir, dans le flou de ma vue qui avait eu l'audace de se lever un peu plus vers elle, ses longs ongles vernis d'un rouge presque noir, avec lesquels elle avait, je l'espère, l'intention de me griffer sauvagement.

Le silence pesait depuis plusieurs longues secondes – elle domptait aussi le silence pour pouvoir rendre l'atmosphère encore plus frissonnante. Cependant, un nouveau rictus traversa ses lèvres maquillées de violet, et elle redressa correctement sur son nez cette paire de lunettes, qui la rendait si irrésistible dans son rôle, avant de se remettre à me parler :

« Bien, Sylvain, tu sais que si je t'ai convoqué ici, c'est parce que tu as des résultats assez faibles en anglais. Mais plutôt que de te refaire concrètement un cours sur la langue, j'ai décidé d'étudier avec toi, les différentes et très nombreuses manières de travailler pour faire ses devoirs au mieux. »

La vérité, vous la voulez ? Je suis super fort en anglais – je suis bon un peu partout, enfin surtout en maths –, j'ai toujours beaucoup de points sur mes contrôles, mais que voulez-vous... quand on aime, on ne compte pas.

Je me tus suite à sa remarque, me contentant de hocher la tête. C'était elle l'actrice à la fin, c'était à elle de me faire cours après tout. Je n'avais certainement pas mon mot à dire, pas pour le moment en tout cas. Cela d'ailleurs, elle l'avait très bien compris, puisqu'en commençant à m'expliquer sa leçon du jour, elle déclara :

« Maintenant, je te montre, et tu regardes. Je parle, et tu tais. Je t'explique, tu poses des questions si tu as besoin, je te réponds, puis je t'interroge, et là c'est à toi de me répondre. Je fais, tu subis. J'enseigne, tu apprends. »

Compris, Madame.

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