Le soleil matinal caresse mon visage. Il entre et chatouille mon bureau, ma chaise et les lames régulières de mon parquet. Mes paupières papillonnent un moment pour s'habituer à cette douce lueur. J'ai dû oublier de fermer mon store hier soir en rentrant. Je me suis écroulée sur mon lit, dans mes vêtements de la journée, sans avoir le temps de réfléchir un instant.

Je me relève en grimaçant. Je saisis mon téléphone, avant de me rappeler qu'il est déchargé. Je le branche machinalement, et l'écran s'allume. Je souris.

Dix messages. Six de Raphaëlle qui invente des théories plus folles les unes que les autres pour expliquer mon absence. Un message de Maël pour me proposer un cinéma tous ensemble, et un autre pour m'expliquer qu'il n'est finalement pas disponible.

Maël et ses changements d'avis me feront toujours rire.

Les deux derniers viennent de Celia et Barmé, pour me proposer de se voir au parc. Le texte est exactement le même. Ils n'ont jamais su s'organiser.

Je réponds à tous avant d'ouvrir mon carnet et de dégainer mon stylo. Il est temps de commencer à écrire. J'ai tout mon temps. Mes parents ne rentreront pas avant vingt heures ce soir, et je n'ai aucune obligation.

Les idées fusent sur le papier. C'est pour ces moments que j'aime les mots, quand le crayon fonctionne tout seul, que je tourne et retourne les phrases. Je décide d'intégrer un nouveau personnage mystérieux à mon roman. Il aura des yeux d'étincelles.

Il aidera Olympe dans sa quête des sept Lueurs qui lui permettront de restaurer la paix dans son Royaume. Ce sera parfait. Je me demande comment réagiront mes lecteurs à l'arrivée de ce nouveau protagoniste. Je suis sûre qu'ils l'adoreront.

Je ne m'arrête plus. Déjà deux chapitres terminés depuis ce matin. Je ne sais pas d'où vient cette inspiration soudaine, mais pour l'heure j'ai besoin de respirer un peu. Je repose mon cahier, et rejette la tête en arrière. Déjà midi, le soleil tape contre la vitre. J'ai besoin de sortir.

Je dévale les escaliers tout en consultant mes messages. Rien de neuf, j'espère que quelqu'un est disponible. Je compose le numéro de Maël.

— Allô ? soufflé-je.

— Oui Ciellette ? Un problème ?

— Ce surnom est si niais, t'exagères... Aller au parc, ça te dit ?

— Pas trop, désolé, je suis un peu occupé, là.

Il a un sourire dans la voix.

— D'accord pas de problème, désolée de t'avoir dérangé, à plus !

— Ouais, salut.

Puis je raccroche. Je sors en soupirant. Je réessaie avec Barmé et Celia, mais ni l'un ni l'autre ne répond. Ils y sont peut-être déjà. C'est possible, après tout. Ou peut-être qu'ils ont simplement autre chose à faire. On ne sait jamais.

Je hausse les épaules.

Je prends le chemin du parc, solitaire. Le temps est grisonnant pour cette fin de mois de juillet. On ne voit pas de nuages. Juste une luminosité sale et éblouissante. Je flâne dans les rues, m'arrête de temps en temps pour regarder les vitrines colorées, bariolées de promotions et avantages absolument inestimables.

Je profite de ce moment de répit pour envoyer quelques messages à Raphaëlle.

Je soupire d'aise lorsque je vois se profiler le bout de la rue, et ainsi les premiers buissons. Il a l'air absolument désert. Je ne discerne aucun des visages que j'aurais voulu voir. Ni Maël, ni Barmé, ni Celia. Personne, ou presque.

Céleste est adossée à un arbre. Elle regarde sa montre d'un air affairé. Est-ce que c'est moi qu'elle attend ? Un doux espoir s'infiltre dans mon esprit. Elle lève les yeux vers moi, et son regard s'illumine. Elle se dirige vers moi.

— Salut Nuage ! Contente que tu sois enfin arrivée.

Je hausse un sourcil.

— Tu m'attendais ?

— En fait, j'attendais quelque chose. N'importe quoi.

Je baisse les yeux vers le sol. Je détaille les fleurs piétinées.

— Donc je suis n'importe quoi ? interrogé-je.

Elle lève les yeux au ciel. Étincelle se retourne et me fais signe de venir. Je reste un moment figée, puis je la suis.

— Où va-t-on ?

— Quelque part, lance-t-elle.

Je hausse les épaules et nous partons.

— Donc, qu'est-ce que tu aimes faire ? m'interroge Céleste en tordant la carte du café dans lequel elle m'a emmenée.

Nous sommes attablées en terrasse. La rue est déserte, à peine parcourue par un vent léger. Depuis un quart d'heure, je la regarde siroter son café viennois en discutant.

— J'écris, et je lis principalement.

— Tu écris ? Mais c'est génial ! s'exclame-t-elle en reprenant une gorgée.

— Oui, c'est un peu ce que tout le monde dit, rétorqué-je avec malice.

Elle lève les yeux au ciel.

— Un peu de modestie, non ? sourit-elle. Et tu écris quoi ?

— En ce moment un roman de fantasy.

Céleste penche un peu la tête sur le côté, pensive. Une légère brise soulève ses cheveux courts et un peu de café s'est déposé aux commissures de ses lèvres.

— Et toi ? reprends-je.

— Principalement de la musique, du violoncelle ! Et j'aime les livres.

— D'accord, je vois...

Elle laisse son regard se promener sur la table.

— Et qui est ton auteur préféré ? questionne-t-elle à nouveau.

— Absolument aucune idée, je n'ai pas vraiment la mémoire des noms à vrai dire. Je ne saurais même pas en choisir un en particulier, disons juste que j'aime les passionnés...

— Personnellement j'ai une grande admiration pour une grande auteure répondant au doux nom de Cyrielle...

C'est à mon tour de lever les yeux au ciel, un rictus amusé trahissant ma bonne humeur. Elle me regarde avec une malice non-dissimulée, puis regarde sa montre.

— Oh, je dois déjà y aller ! Je peux avoir ton numéro ?

— Non, je communique uniquement par pigeons voyageurs...

Etincelle glousse. Elle semble réfléchir un instant.

— Parfait dans ce cas, je te laisserai des mots dans l'arbre au parc. Il y a un trou de chouette, tu le trouveras !

Elle se lève, rassemble ses affaires et s'en va. Elle se retourne une dernière fois dans un tourbillon de cheveux cuivrés, éparpillant un peu de son parfum dans l'air. Son visage rayonne encore. Fossettes.

— À la prochaine petit Nuage !

Je lui adresse un signe de la main et lève mes iris vers le firmament. Le temps est magnifique.

Une douce journée.