La musique m'accompagne

Hey, 

On se retrouve pour un nouveau texte du challenge. J'espère qu'il va vous plaire.

Racontez un souvenir et mettez le en scène.

Musique proposée : New Horizon - Michael Ortega. (En média).

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La fête, la musique, les gens, tout ça, c'est tout ce que je déteste. Tout le monde sourit, tout le monde s'amuse, tout le monde boit et moi, je reste là, dans mon coin, à les observer. Est-ce que je m'amuserais comme ça, moi aussi, quand je serai grand ? Est-ce que moi aussi, je finirais par aimer qu'on me touche comme ils le font tous ? Est-ce que je finirais par m'acclimater au bruit, aux cris, à la musique dix fois trop forte ? Est-ce qu'un jour j'aurais moins peur des autres, de mon corps et de moi-même ? Je me demande si je finirais par être normal, je me demande si un jour, j'arriverais à être comme eux. A être comme mon frère, comme ma sœur ou comme n'importe lequel des dizaines de bout d'ados défoncés qui traînent au bord de la piscine. 

Ils m'ont proposé plusieurs fois de venir les rejoindre dans l'eau, mais ce qu'ils ne savent pas c'est que je ne sais pas nager. Ce qu'ils ne savent pas c'est que je ne serais pas capable de me déshabiller devant tout le monde comme ça, alors je me suis éloigné. Je suis parti loin, j'ai quitté le jardin pour rentrer dans la maison, cette maison immense dans laquelle je rêverais de vivre. Elle est incroyablement silencieuse et ça fait du bien. La musique résonne de l'autre côté des baies vitrées, deux trois mecs que je ne connais pas se refilent une espèce de cigarette mal roulée à côté des voitures pas trop bien garées et ma bulle protectrice finit par se reformer autour de moi. 

Je monte la petite marche qui mène à la salle à manger, juste en-dessous de la mezzanine et m'assoie sur le banc sombre, juste devant le piano. Il parait qu'il n'est pas très bien accordé, mais ça m'est égal, il est beau quand même. Il me plaît quand même. J'effleure ses touches blanches et noires du bout des doigts en fermant les yeux, revoyant les paumes maladroites de ma sœur le parcourir avec bien plus d'aisance que je n'en aurais jamais. Je me remémore les touches exactes qu'elle pressait pour jouer ce morceau que tout le monde connaît, une histoire de lettre à quelqu'un, un truc comme ça. Je revois la position exactes de ses mains fines et reproduis les même gestes. Après quelques tentatives, j'arrive à maîtriser les notes de la main droite, mais ma mémoire me fait défaut et je suis incapable de me rappeler ce que je dois faire à gauche. 

Je ne sais pas combien de temps je reste là, à jouer ce bout de partition encore et encore sans jamais pouvoir le finir, mais je me sens bien. Je me sens à l'abri devant cet instrument si majestueux. J'appuie un peu n'importe où maintenant, j'essaie de créer de jolies mélodies et me rends compte que certaines touches ne s'accordent pas très bien les unes avec les autres. Je m'amuse même à jouer le morceau que m'avait appris Poly, la petite sœur de mon meilleur copain. Je me sens tellement serein que j'en oublierais presque que je suis encore complètement seul, que je suis encore le gamin bizarre, le laissé-pour-compte... 

Au loin, j'entends une porte claquer. La porte de la cuisine, celle qui mène au jardin. J'essaie de ne pas y prêter attention, je ne veux pas que la bulle éclate et que l'angoisse s'empare de nouveau de moi. Je me concentre sur le piano et sur la lettre que je n'arrive pas à écrire. Un garçon que j'ai déjà vu allait se servir du vin, mais il s'est stoppé net quand il m'a entendu jouer. Il se cale contre l'embrasure de la porte de la cuisine, à une dizaine de mètres de là, mais je ne daigne pas lever la tête vers lui. Je m'acharne sur le pauvre clavier qui me fait face, alors que j'entends ses pas s'approcher. Mes doigts se mettent à trembloter, tandis que je sens son regard sur moi. 

Il prend place à mes côtés, mais ne dit rien. Étrangement, il ne me demande pas d'arrêter, ni de m'en aller, il se contente de me regarder quelques secondes avant de jouer avec moi doucement. Plus nous jouons, plus je me détends et, au bout de quelques minutes, je le laisse prendre le contrôle du piano pour le regarder, émerveillé. Il finit la lettre, puis passe à un autre morceau en me jetant quelques coups d'œil de temps en temps. Soudain, derrière l'une de ses mèches blondes et bouclés, j'aperçois un sourire se dessiner sur ses lèvres lorsqu'il s'aperçoit que moi aussi, je souris. 

Je me sens bien, là, avec lui. Je ne sais pas comment il s'appelle, je sais simplement que c'est un ami de mon grand-frère et ça me va très bien. Il joue, je le regarde et ce moment me semble magique, comme suspendu dans le temps. Mais, comme tout ce que la vie ravage, cet instant ne dure pas et de nombreux bruits de pas se font entendre dans la maison : la musique a attiré les autres. Le stress m'envahit de nouveau et le garçon fronce les sourcils. Il tourne la tête vers moi pour choper mon regard et intensifie ses mouvements sur le piano pour rattraper mon attention. Je me focalise alors sur les notes de musique et ma bulle n'explose pas. 

Un brun s'empare de la guitare de ma sœur pour suivre le rythme du bouclé et les symphonies se mélangent. Certains chantent, d'autres tapent dans leurs mains ou sur la table, ma soeur danse dans les bras de mon frère et moi, j'écoute, les paupières closes. Je risque parfois un regard vers le blond qui sourit à chaque fois et je me sens bien, presque à ma place. 

Ce soir, je ne suis plus tout seul. La musique m'accompagne.

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