Grand Inconnu

Salut tout le monde,

J'avais un peu de temps devant moi et je pouvais me permettre une petite pause dans ma réécriture alors me revoilà pour un thème supplémentaire dans le challenge. Je devrais peut-être les cocher au fur et à mesure... 

Choisissez votre plus grand secret, nommez le ou non et écrivez lui une lettre.

Musique proposée : Lullaby - Low. (En média).

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Salut Grand Inconnu, 

Je me suis longtemps demandé comment j'allais t'appeler, comment j'allais m'adresser à toi sans te nommer et j'ai fini par trouver ça. C'est pas très original, mais ça te va bien. Personne ne te connais après tout, je suis le seul. Personne ne t'a jamais découvert et je t'ai jamais présenté. Même pas à lui, même pas à elle. Surtout pas à elle. Alors ça fait de toi un Grand Inconnu. Le plus grand inconnu de ma vie.

J'aurais pu t'appeler "Putain d'Inconnu" aussi, parce que t'es un bel enfoiré, mais faut pas dépasser les limites, faut rester dans le politiquement correct, pas vrai ? C'est drôle, c'est moi qui ai inventé ce thème, moi qui ai choisi d'y répondre, pourtant je suis pas foutu de trouver un truc à te dire. Je crois que je suis même à deux doigts d'effacer tout ça et de pas répondre à ce thème. Pourquoi pas d'en faire un autre, j'en sais rien. 

C'est étrange de te parler, j'ai pas envie de t'adresser la parole. J'ai pas envie de m'adresser à toi, pas après tout ce que tu m'as fait. Pas après tout ce que tu continues de me faire. Et puis t'es constamment avec moi, constamment dans ma tête, constamment dans mon corps, alors j'ai pas besoin de te donner encore plus d'importance, tu crois pas ? C'est tellement bizarre, cette sensation que j'ai avec toi. J'ai l'impression de te haïr, mais pas d'une rage explosive. Si je t'avais devant moi, je pourrais pas te fracasser la gueule contre un mur, tu vois ? Si je t'avais en face de moi, j'aurais plus tendance à me détourner, à baisser les yeux, à sentir la honte m'envahir. Parce que j'ai été con, parce que je le savais, parce que ça ne pouvait pas se passer autrement. Pourtant j'ai foncé, j'ai pas hésité et je crois même qu'on peut dire que j'ai aimé ça, sur le coup. 

J'ai aimé ça, toute cette apesanteur, tout cet espoir, toute cette illusion d'un monde meilleur. J'ai adoré ça. Sauf que faire semblant de respirer, c'est pas très efficace quand on a pas d'oxygène. Parce que y'a forcément un moment où on étouffe, y'a forcément un moment où on tient plus, y'a forcément un moment où c'est notre corps qui nous lâche et qui nous dit que vouloir quelque chose, ça suffit pas toujours. Et une fois qu'on en a conscience, une fois qu'on se prend la réalité en pleine figure, on se rend compte à quel point l'impact est violent. On se rend compte à quel point le sang s'échappe de partout, à quel point les blessures sont à vif et à quel point ça fait mal. 

Et c'est ce qui s'est passé avec toi, j'ai plongé la tête la première sans regarder à quelle hauteur de sautais et sans prendre en compte le fait que je savais pas nager. Donc forcément, une fois dans l'eau, une fois seul face à ma connerie, j'ai coulé. C'est pas hyper étonnant quand on y pense et c'est pour ça que je pourrais pas soutenir ton regard si t'étais là, en face de moi. Parce que j'aurais quoi comme légitimité si je t'accablais ? D'accord tu t'es servi de moi, d'accord tu m'as fait miroiter des trucs un peu trop beaux pour être vrais, mais c'est moi qui ai pris la décision de te suivre. C'est moi qui t'ai donné les clés pour me détruire. C'est moi qui t'ai filé la dernière chose qui m'appartenait vraiment. Tu m'as pas mis le couteau sous la gorge, tu m'as obligé à rien et je pense même que si j'avais pris le temps de bien t'observer, j'aurais pu me rendre compte du pot aux roses. Alors qu'est-ce que j'aurais à te dire ? De quoi je pourrais t'accuser ? 

Au final, c'est à moi que j'en veux, je m'en veux de m'être fait avoir, je m'en veux d'être sorti à découvert, je m'en veux de t'avoir offert mon corps en pâture, comme ça. Je m'en veux d'avoir été aussi influençable et de m'être fait manipuler par ce bonheur de surface dégueulasse. Je m'en veux à moi d'avoir céder à mes faiblesses et je te déteste toi d'être ce que tu es. Je te déteste, tu me répugnes, mais je peux pas t'accuser de tout. 

Tu pourrais pas me dire à partir de combien de temps t'arrêtes de faire effet, par contre ? Parce que ça commence à faire long, là. ça va faire presqu'un an maintenant, tu pourrais peut-être t'en prendre à quelqu'un d'autre, tu crois pas ? Tu pourrais peut-être aller torturer quelqu'un d'autre. Je dois plus être trop intéressant maintenant, t'as dû avoir le temps de la visiter de fond en comble ma honte. Ma douleur aussi. T'as dû avoir le temps de les connaître par coeur et t'en nourrir comme il fallait pour reprendre des forces, non ? Je t'en prie, fais-moi une fleur, accorde-moi au moins ça. Je suis fatigué de tout ça, de toute cette merde. Je suis fatigué de me sentir comme un objet que tu t'appropries quand tu t'ennuies un peu trop. Je suis épuisé de tout ce dégoût que t'as fait naître en moi. Tu m'as fait perdre tous mes moyens et j'ai l'impression que j'arrive pas à récupérer ce que tu m'as volé, comme si ça m'appartenait plus, comme si je serais plus jamais en mesure de reprendre le contrôle. 

Mais je devrais avoir l'habitude, tu me diras, qu'on prenne le contrôle de mon corps, qu'on me vole ce que je pensais impénétrable. T'es pas le premier à l'avoir fait et t'as pas été le dernier non plus. 

La différence, c'est qu'à toi, je te faisais confiance. 

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