Midi.

Je suis à table avec mes parents. Leurs yeux sont partout sauf sur moi. Pourtant, je sais qu'ils me portent une attention détaillée à travers leur vision périphérique. Ils le cachent mal.

J'ai la gorge nouée. Je voudrais faire des efforts, je voudrais intégrer la purée, la saucisse et les brocolis qui gisent dans mon assiette, mais c'est plus fort que moi ; je suis bloqué. Cela fait dix minutes que je fixe mon plat en faisant tourner les aliments en rond de ma fourchette. J'apporte nonchalamment un brocoli à mes lèvres, entrouvre la bouche, mais mon mouvement se stoppe. L'odeur attaque mes narines. Rien que l'idée de l'aliment sur ma langue, qui irait descendre le long de ma gorge, me donne envie de vomir.

Je relâche le morceau, feignant d'avoir soif et de prendre mon verre d'eau à la place.

Je bois beaucoup trop d'eau.

C'est aussi une habitude que j'ai prise. Ça me permet de ne pas devenir fou, que la faim soit toujours comblée de manière imaginaire. Et puis, dès que j'avale quelque chose, il y a cette impression que je dois nettoyer, nettoyer, nettoyer.

Noyer, noyer, noyer la matière pour qu'il n'en reste plus rien, pour qu'elle fonde.

Je n'arrête pas de fixer mon assiette. Mes parents sont de plus en plus impatients. Ils ne font pas exprès, et tentent de ne pas le montrer. Mais je le sens. Au tout début, avant qu'ils ne comprennent comment adopter les bonnes manières d'agir en ma présence, il arrivait qu'ils me fassent des remarques.

"Allez, Jungkook, c'est pas compliqué ! Tu as juste à mettre dans ta bouche, à mâcher et à avaler. Je ne comprends pas."

Pour mes insomnies, ils ont été un peu plus compréhensifs. Je sais qu'il arrive à ma mère d'en faire aussi, depuis le drame.

Je retiens ma respiration, et prends sur moi. Il faut tout de même que je me nourrisse si je ne veux pas me retrouver entre quatre murs blancs, à me lamenter sur un garçon aux cheveux châtains qui m'attend, pour finir par repartir la tête basse.

J'arrive à manger mes brocolis, un peu de purée et une bouchée ridicule de saucisse.

Puis je me lève pour débarrasser, sentant déjà la sensation affreuse de mon corps qui reprend des forces et me retire cette sensation de mort que j'aime tant. Je remets mes restes dans les plats, et sans que je ne comprenne pourquoi, une larme roule le long de ma joue.

Putain, pourquoi faire une chose aussi simple et quotidienne que d'avaler est si dure ?

"Jungkook..." murmure ma mère.

Mais je l'ignore, monte dans ma chambre, et me roule en boule sur mon lit.

Je crois que le pire, c'est l'après.

Mes bras s'enroulent autour de mon estomac. J'ai l'impression que ma lourdeur va transpercer le matelas, que je vais m'enfoncer, m'enfoncer, m'enfoncer toujours plus loin. Je serre fort mon étreinte, ferme les yeux et essaie d'ignorer le mal de ventre atroce qui pointe le bout de son nez.

J'ai mal. La douleur n'est pas intense, mais mon cerveau me fait croire l'inverse. Il me fait croire que c'est la douleur la plus insuportable qui puisse demeurer. Comme si de grosses aiguilles me perçaient la peau, au niveau de mon nombril pour me narguer ; "Tu n'aurais pas dû autant manger."

Je ne lâche pas mon étreinte autour de moi même jusqu'à ce que la douleur se dissipe. Elle s'étale et prend soin de laisser derrière elle un arrière goût de regret.

Un "Tu y étais presque, et avec tout ce que tu as englouti, tu as tout gâché."

Presque ? Presque quoi ? Presque mort, c'est ça ?

Un "Tout est bien plus simple lorsque tu sautes les repas."

Simple ? Jusqu'à quand ? Jusqu'à ce que je craque ?

Ces petites phrases tournent en boucle jusqu'à m'assommer.

Je voudrais fondre en moi même.

Et c'est ce qui arrive, lorsque je trouve un sommeil agité, agrémenté de toutes ces petites croyances au fond de ma tête qui me gâchent la vie depuis que tu es partie.

༄༄༄

Heyyy

Qu'avez vous pensé de ce petit chapitre ?

À partir du prochain, ça devrait s'accélérer !

Je ne sais pas combien de chapitres cette fanfiction aura, mais sûrement bien moins que SDTM par exemple. Le déroulé du plot se fera bien plus rapidement, mais j'espère que ce format vous plaît aussi !

À + <3

-Elise-