Chapitre XXXXV : Ready Or Not

J'ouvris les yeux.

Partout, jusqu'à l'horizon et au-delà, les ténèbres s'enroulaient sur elles-même avec paresse.

Un soupir s'échappa de mes lèvres. Il semblait que j'étais de retour dans la dimension des Nox. Me relevant, je palpais mon corps. Comme la fois précédente, une tunique grisée faite dans une matière à mi-chemin entre le lin et la laine recouvrait mon torse et mes membres tandis que mes armes, ma chemise et mes bottes à talons s'étaient volatilisés. Autant je regrettais l'absence de mes stylets, autant je n'allais pas verser une seule larme pour la disparition de mes instruments de torture en forme de chaussure. Toutefois, ce ne fut pas cela qui me surprit. Car plus que mon changement étrange de tenue, ce fut mon absence de blessure ou de douleur qui confirma mon impression d'être dans un autre monde.

Bienvenue chez toi. Je n'étais pas sûr que tu y arriverais.

Sentant la présence de Sokar à mes côtés, je me tournais vers lui. Comme à son habitude, il ressemblait à l'enfant impie entre un Détraqueur et Slenderman. Ce qui devait sans doute déjà exister dans un coin obscur d'Internet ou dans les scénarios d'un studio hollywoodien en manque d'imagination et d'argent. Mais aucune production, même avec la meilleure volonté du monde (et un budget SFX approprié), ne pourrait reproduire les deux lueurs d'un bleu glacé trouant son visage là où devrait figurer les yeux sur un être humain, ni la complexité des ombres composant son corps. Fascinée par ce spectacle en constante évolution, je laissais errer mon regard le long de ses arabesques brumeuses tout en le questionnant.

Et pourquoi donc ? Qu'est-ce qui a changé entre cette fois et la précédente ?

Son immense corps d'ombre cessa de se mouvoir un instant. Les fumerolles de ténèbres se tétanisèrent, attendant avec patience le bon vouloir de leur maître. Mon divertissement soudainement interrompu, je levai les yeux vers son simulacre de visage. Il mit du temps à répondre, au moins autant que si les mots qu'il devait assembler coûtaient aussi cher qu'une sculpture faite de voitures Ferrari neuves compressées.

Lors de notre rencontre précédente, je ... J'ai dépensé beaucoup d'énergie pour te faire venir ici. Cela m'est impossible désormais. Cette fois-ci, c'était à toi de faire l'essentiel du chemin. Heureusement, tu as réussi.

Mes sourcils se froncèrent. Le ton de Sokar était étrange, inhabituel pour lui. Je n'arrivais pas à mettre le doigt sur l'adjectif approprié ... Si ! Je savais ce qu'il m'évoquait. Ses pensées avaient une note hâtive, comme s'il était impatient. Curieux pour un Dieu avec l'éternité devant lui ...

Que veux-tu dire par "cela m'est impossible" ? De plus, je n'ai pas eu particulièrement l'impression de chercher à rejoindre ce lieu.

Les volutes recommencèrent à se mouvoir le long du corps de Sokar. Mais ils n'étaient plus fluides tel le ballet que j'avais observé, leurs mouvements se faisaient saccadés et irréguliers. Si le Nox était une horloge, je la déclarerai déréglée. Dommage, ce ne serait pas moi qui effectuerai les réparations. Les seuls mécanismes que je comprenais étaient ceux de mon arbalète. Le reste était aussi obscur pour moi que la notice d'Ikea d'une table basse. Oui, j'ai toujours une table à trois pieds devant mon canapé dans mon appartement et ce n'était pas près de changer.

Je possède une réserve d'énergie limitée et chacune de mes actions l'épuise irrémédiablement, me répondit toutefois Sokar. C'est pourquoi je dois prévoir mes gestes avec minutie. Quant à ta volonté de rejoindre ta dimension, elle n'a pas nécessairement à être consciente. Tant que ton for intérieur trouvera refuge en ces lieux, il y reviendra.

Cette explication n'était pas suffisante pour satisfaire ma curiosité. Pourquoi possédait-il une réserve d'énergie limitée ? Était-ce une spécificité des Nox ? Si oui, pourquoi ne m'en avait-il pas parlé ? Si non, quelle pourrait bien en être la cause ? Était-ce lié à mon état ou alors à d'autres Nox comme nous ? Peut-être cela avait un rapport avec les mystérieux ennemis lumineux aperçus durant mon souvenir. Mais, me retenant, je ne lui posais pas. Sa réticence à répondre m'avait fait comprendre que ce sujet mériterait plus de développement lorsque tous les autres événements seraient achevés. Je rangeais donc mes questions dans un coin de mon esprit et me concentrais sur la deuxième partie de sa réponse.

En quoi ai-je trouvé refuge ici?  Parce que me réveiller dans un lieu inconnu avec des vêtements différents que ceux portés la veille, ce n'est pas exactement ma définition de la sécurité. Et puis, cela n'explique toujours pas pourquoi je peux rejoindre cette dimension alors que mes pouvoirs sont bloqués.

Tout en répliquant, je tentais d'interagir avec les ombres autour de nous. Avec précaution, j'avançais un index curieux dans leur direction. Contrairement à la fois précédente, elles acceptèrent effleurer ma peau une microseconde avant de s'enfuir. Génial. J'étais une pestiférée même auprès de choses non-conscientes. Sokar, indulgent, me laissa finir mon expérience avant de me répondre.

Je dois avouer que cela me rend perplexe aussi ... Car si quelqu'un t'empêche d'avoir accès à l'Animus, cela devrait être aussi concerner ton esprit. Que tu puisses voyager spirituellement mais pas manier les ténèbres n'a pas de sens. À moins que ...

Sa brusque interruption me fit regagner un vif intérêt pour ses paroles.

À moins que quoi ?

La forme sombre de Sokar commença à s'agiter alors qu'il réfléchissait en un comportement presque humain. Enfin, si l'on tolérait que la version Nox de marcher en rond s'apparentait à fusionner avec les ombres environnantes en s'étendant à travers la dimension. Presque pareil en somme.

Reprenons le raisonnement de zéro. Tu ne peux pas utiliser tes pouvoirs car un inconnu t'en empêche l'accès.

Certes, enfin c'était ce qu'il m'avait dit lui. Et je trouvais qu'il avait éliminé les autres possibilités un peu vite.

Comment sais-tu que c'est une personne et pas, hypothétiquement, un objet animé, un mortel, un Dieu ou même un blocage psychologique de ma part ? Cela serait cohérent avec ma perte de mémoire, non ?

Sokar balaya mes propositions plus vite que Blanche-Neige le parquet.

Puisque nous ne connaissons pas les conséquences de ton amnésie, cela aurait pu être une bonne hypothèse. Mais lorsque je communique avec toi, je sens ... une empreinte différente sur ton esprit. C'est la trace de l'Animus utilisé pour limiter tes pouvoirs. Il charrie des effluves immortels, mais je ne saurai t'en dire plus, je ne connais pas assez les créatures arpentant ce monde pour les différencier.

J'arquais mon sourcil fétiche. Sa dernière phrase avait éveillé ma curiosité. Non, c'était faux, elle ne dormait jamais et avait juste trouvé une excuse pour s'exprimer.

Tu ne connais pas ce monde ? N'es-tu pas censé être un Aspect, une divinité de l'ombre, n'ayant que ça à faire pour occuper ses innombrables, et surtout sans fin, années d'existence ?

Ma question venait de toucher un point sensible plus violemment qu'un nahual dévore sa proie. Sokar s'immobilisa un instant, interrompant son déplacement cognitif. Ses mots résonnèrent dans mon esprit avec un ton incertain teinté de regrets.

Si j'étais encore celui que j'ai été, peut-être ... mais ce n'est plus le cas. Mais cela ne nous avance pas sur ton problème, rappela t-il en ajoutant de la fermeté à ses propos. Comment ton esprit peut-il à la fois être bridé et ne pas l'être ?

Il était marrant celui-là. Comme si, après avoir retourné la question dans mon cerveau plus de fois qu'une succube dans une maison close, j'allais trouver miraculeusement

Je ne sais pas, peut-être ai-je une double personnalité. Au moins cela justifierait mon abonnement à mon psychiatre ...

Vous sentez comme une pointe de sarcasme ? Juste une pointe alors, voyons, ce n'était pas mon genre.

Ne dit pas n'importe quoi, c'est absu—

Sokar s'interrompit en plein milieu de sa phrase en s'immobilisant. Sauf que contrairement à la dernière fois, toutes les ombres environnantes se figèrent en même temps. C'était effrayant, me donnant l'impression d'être le seul être vivant dans une dimension entièrement vide. Les lueurs glacées des yeux du Nox ne faisait qu'accentuer cette impression et me rappelait qu'en dépit de mon effronterie, c'était bien avec un dieu que je parlais. Peut-être aurais-je prendre plus de précaution et user de plus de tact. Puis mon instinct de survie me dit qu'il en avait marre, que c'était un mec sérieux lui et qu'en tant que travailleur consciencieux, il ne se contenterait pas d'un contrat à temps partiel avant de claquer la porte. Attendez, mon instinct de survie venait de démissionner ? C'était possible ça ? Le Nox, inconscient de mes défections intérieures, sortit de son mutisme et laissa la dimension se remettre en mouvement.

As-tu déjà mesuré ton animus ?

OK. Cette question semblait tellement sortie de nulle part que Sokar venait de faire du saut à la perche entre le coq et l'âne. Si c'était pour m'interroger là dessus, il aurait pu rester immobile. Au moins aurait-il fait une jolie statue. Ou plutôt, un joli épouvantail pour effrayer les alentours.

Les traces que je laisse après avoir utilisé mes pouvoirs ? Non, je n'en vois pas l'intérêt.

Honnêtement, l'idée m'avait déjà traversée l'esprit. Cependant, puisque mes pouvoirs provenaient d'une source inconnue et étaient uniques en leur genre, il était peu probable qu'un simple scan d'Animus révèle mon identité ou mon ascendance. Et disposant d'une empreinte aussi singulière que mes capacités, cela aurait éveillé une attention malvenue. C'eut été dommage d'avoir échappé aussi longtemps à Luc et ses sbires pour leur signaler ainsi ma présence de façon plus voyante qu'un rhinocéros à une compétition de patinage artistique.

Si j'ai réussi à te retrouver, c'est justement grâce à ton Animus. Lorsqu'il a été enregistré dans la bibliothèque, j'ai reconnu un bribe de ton empreinte.

Trouvant une faille dans son raisonnement, je levais un index triomphant.

Et pourquoi pas avant ? Ce n'est pas comme si je n'avais jamais utilisé mes pouvoirs !

Sokar entreprit de se mouvoir de nouveau, avec plus de lenteur cette fois-ci. Cela signifiait que je pouvais presque le suivre du regard. Presque.

Peut-être, mais je ne l'ai jamais senti aussi fort précédemment. Je soupçonne le maître espion de ne t'avoir envoyée que sur des dimensions pauvres en Animus pour éviter que tu laisses des traces trop évidentes et ainsi limiter les probabilités que tu fasses repérer. Quelques rares apparitions m'ont permis de détecter des échos de tes pouvoirs, rien de plus. Cependant, je n'y avais jamais prêté attention mais ton Animus est ... étrange.

Tournoyant sur moi-même pour tenter de le dévisager, sa réponse me pétrifia, l'obligeant à s'arrêter à son tour.

Comment ça ? Qu'est-ce que tu veux dire ?

Ma question sembla le plonger encore plus profondément dans ses pensées. Je sentis qu'il faisait un véritable effort pour m'expliquer le plus simplement possible quelque chose d'intuitif pour lui.

Il est ... irrégulier. Même s'il reste sensiblement identique, il change constamment. Par exemple, entre celui enregistré dans le bibliothécaire et celui que tu as fourni pour y accéder,  j'ai relevé des irrégularités. Cela ne m'a pas inquiété jusque là mais c'est peut-être  un indice permettant d'expliquer pourquoi tu ne peux user de tes pouvoirs et accéder  à cette dimension.

Je me renfrognais. Un indice ? Je ne voyais pas le rapport avec mon problème. L'Aeternam était toujours très frustrant pour moi puisque n'y étant pas née, j'avais du mal à appréhender tous les enjeux et les conséquences d'une action. Cependant, cette frustration atteignait des sommets lorsque je communiquais avec Sokar. En effet les rares bribes de connaissances que j'avais réussi à accumuler avec difficultés en cinq années devenaient aussi utiles qu'une tapette à mouche pour affronter un vampire. C'était pire qu'un mur de verre.

Tu es bien mignon, Sherlock, mais je ne vois pas du tout ce que cela éclaire. Surtout que l'Animus d'une personne est censé être immuable, donc qu'est-ce que cela révélerai sur moi ?  Une maladie ? Serais-je atteinte d'une sorte de cancer magique qui altère mon empreinte ? Dans ce cas-là, excuse-moi de ne pas être aussi ravie que toi par la nouvelle ...

Mes interrogations semblèrent agacer le Nox. Lui aussi était frustré par notre situation. Frustré de ne pas avoir trouvé la Tana de ses souvenirs, frustré de devoir m'expliquer ce qui aurait dû m'être évident, frustré de ne pas avoir affaire à l'Aspect de l'Obscurité.

Bien sûr que non, arrête de t'affoler avec tes dérisoires inquiétudes de mortelle, elles sont ridicules. Quant à l'Animus, il est le reflet de l'être. Donc si ton être change, ton empreinte change aussi. Puisque les Immortels ne vieillissent pas, leur Animus reste suffisamment identique pour que leurs sens imparfaits ne fassent pas la différence.

Je m'étonnais de ne jamais en avoir entendu parlé avant. Les différences de perception entre les Immortels et les Dieux étaient si élevées ? Quelles pouvaient bien être celles entre les mortels et eux alors ...

Donc pour que mon Animus change, il faut que mon être change aussi. Très bien. Sauf que je n'ai absolument pas changé en cinq années d'existence.

Enfin, c'était ce que mon miroir me révélait. J'avais pris des muscles et peut-être (très sûrement en fait) pris du poids dans mes périodes d'inactivité mais cela ne semblait pas être un changement majeur.

Et c'est là que tu enrichies ma théorie sans en avoir conscience. Confirmes-tu ne pas avoir de souvenirs au-delà de la demie-décennie précédente ?

Le ton de Sokar, même s'il restait empreint de son détachement caractéristique, se colorait d'une légère teinte fébrile. Comme s'il avait du mal à se retenir de me faire part de ses conclusions immédiatement.

À de rares exceptions, c'est vrai, lui répondis-je avec réticence. Récemment, un souvenir m'est revenu. Mais je ne vois toujours pas la corrélation entre mon Animus fluctuant et mon accès "oui-mais-non" à la magie. Toutefois, je te laisse continuer tes petites théories, cela a le mérite d'être très divertissant. Indice, je suis quasi-certaine que Faelan est reptilien, après je n'ai pas décelé de triangle prouvant qu'il est illuminati, néanmoins je continue de chercher.

L'évocation de la bataille agita le Nox. J'aurais parié ma main droite et mon arbalète qu'il savait parfaitement quelles étaient les créatures, et peut-être même qu'il avait participé au conflit qui semblait les avoir opposé aux Aspects de l'Obscurité. Cependant le reste de ma tirade l'ensevelit dans sa propre confusion.

Ce que tu dis n'a aucun sens. Qui est ce ... Faélanne ? Et qu'est-ce qu'un reptilien ? Une espèce particulière de reptile ? Et un illuminati ? Est-ce le nom d'une lampe ? Dans ce cas-là, quel est le rapport avec un triangle ? Mais tu nous éloignes du sujet. Ce que tu dis ne fait que renforcer mon hypothèse.

J'en levai mon sourcil.

Alors révèle-moi les théories concoctées par ton esprit tortueux, ô divine créature des ténèbres originelles.

Sokar eût un instant d'immobilisation.

Je décèlerai comme une pointe de sarcasme dans ta voix ...

Sans blague.

Juste une pointe alors ...

Le Nox s'agita quelque peu puis cessa d'essayer de comprendre, revenant à notre sujet avec la délicatesse d'un opus de Transformers.

Tana, en assemblant toutes les informations ainsi que les indices que j'ai glané, je suis parvenu à une conclusion. Cette dernière mériterait d'être plus enrichie mais me parait aussi être la plus probable. Je pense que tu possèdes le corps d'une mortelle. S'il te plaît, Tana, accepterais-tu de le rendre à sa propriétaire et de reprendre ta forme immatérielle de déesse ?

Je m'étranglais en entendant sa théorie. Respirer ne me semblait plus être une priorité finalement tandis que je battais des bras pour reprendre ma respiration. Sokar m'observa, circonspect.

Pourtant, j'ai dit "s'il te plaît". Ce n'est pas comme ça que font les mortels ?

Son incompréhension était si profonde que j'aurais pu me noyer dedans. À la place, je tentais déjà de me remettre de sa première bombe, plus explosive que Little Boy. Réussissant l'exploit d'inspirer puis d'expirer, je pus rassembler mes pensées éparses pour lui répondre.

Si, mais rares sont ceux qui doivent annoncer à quelqu'un qu'il est un cas de possession, non pas démoniaque, mais divine. Une petite question, cela t'arrive souvent ? Car si c'est le cas, je te conseille d'être un peu moins direct la prochaine fois.

L'ironie sous-jacente lui échappa complétement.

Non, c'était la première fois. Je ne comprends pas ta réaction, ma théorie est pourtant étayée de nombreux arguments.

J'allais lui sortir des arguments pour lui prouver de A par Z en passant par 42 qu'il était une poule, il allait la comprendre ma réaction. Non mais. Cependant, ayant envie de comprendre, j'esquissais une révérence parodique en lui demandant :

Et quels sont-ils ? Car là, je suis encore plus perdue qu'auparavant.

Sokar ne me regardait pas, m'évitant d'avoir à justifier mon soudain manque d'équilibre et ma génuflexion qui se métamorphosa en mime de mouette.

C'est simple. Quels sont les cas où l'Animus d'une personne change rapidement ? Lors d'une possession. De plus, les personnes possédées n'en ont généralement pas conscience et les pertes de mémoire sont très fréquentes chez elles. Leur hôte est censé prendre le dessus. Or, tu n'as vraiment aucun souvenir, du moins jusqu'à maintenant. Sauf que cela commence à te revenir me diras-tu. Uniquement ceux provenant de ta vie d'Aspect.Je pense que cette possession inédite dans l'histoire des Nox a été accompli au prix d'immenses efforts qui se sont soldés par une presque dissolution de ton être. Cette mortelle s'est donc retrouvée ta locataire involontaire, perdant sa mémoire en même temps que toi la tienne. Et si tu ne peux utiliser tes pouvoirs, c'est parce qu'il s'agit de l'accès de l'humaine à tes dons qui est scellé. Dès lors, puisque seuls les Nox peuvent atteindre ce lieu, tu peux le rejoindre tandis que la mortelle reste coincée dans une dimension physique. Voilà pourquoi ton esprit accède à cet endroit alors que ton corps ne peut manier les ombres.

C'est qu'il était sérieux en plus, le bougre. Je dépliais l'index et le majeur de ma main droite.

Deux secondes ! réclamais-je.

Ta remarque est inutile, la notion de temps est altérée en ces lieux.

L'absence totale de tonalité dans ses mots me fit comprendre que Sokar avait vraiment pris mon expression au premier degré. Je soufflais  bruyamment mon exaspération.

... je veux juste un instant pour réfléchir, c'est possible ? Ou alors il faut que je demande une autorisation signée en trois exemplaires par le Conceptuel de la Pensée ?

Ce serait un gaspillage d'énergie, il ne te répondrait pas puisqu'il n'a pas conscience de ton existence. De plus, la simple action de tenir un stylo lui est impossible.

Un jour, nous arriverions à nous comprendre. Si je m'acharnais suffisamment. Pas sûre que cela en valait la peine.

Wouah. C'est surtout celui de l'Humour qui t'a abandonné.

Sokar s'agita, me signalant qu'il allait parler. Je l'interrompis avant même qu'il ne débute en levant une main devant moi.

Ne t'avise surtout pas de répondre !

Le Nox se pétrifia de nouveau, visiblement déconcerté par mon comportement. Que les mortels lui semblaient nébuleux, eux et leur vie ! Pas de chance, je n'allais pas l'aider à nous comprendre. À la place, je préférais reprendre sa théorie point par point.

Donc, si je résume, ta théorie c'est que Tana, Aspect de son état et Déesse de l'Obscurité, aurait pour une raison obscure, et c'est le mot, décidé de fusionner avec une mortelle. Or, puisque ce n'est pas quelque chose pour laquelle les Nox ont été créé, cela s'est, pour une raison X ou Y, mal passé même si l'objectif initial aurait été atteint. Bilan de l'opération : deux êtres dans un seul corps, une possession inhabituelle et une réduction sur l'amnésie puisque pour une achetée, la deuxième offerte. Et puisqu'un petit malin d'Immortel s'amuse à sceller mes pouvoirs, ce serait en réalité le lien unissant l'esprit de Tana et d'une humaine malchanceuse qui serait obstrué. Et en dépit de tout cela, une seule question demeure dans mon esprit.

Je m'interrompis afin de ménager le suspense, jetant un regard en biais vers Sokar pour m'assurer qu'il suivait toujours. Ce dernier attendait sagement que je termine, se contentant d'étendre ses fumerolles aux ombres environnantes. Je supposais qu'il s'agissait du comportement typique du Nox qui patientait, espérais très fort que ce soit vrai et complétais ma tirade.

Qu'est ce que t'as pris pour formuler une théorie pareille ? Je ne sais pas ce que c'est mais ça à l'air de faire sérieusement planer. T'aurais pas une dose qui traîne pour m'aider à détendre mes nerfs ?

Sokar cessa de s'étendre, laissant son corps s'affaler.

Cette phase de déni caractéristique de la mortalité est particulièrement agaçante.

J'allais lui en coller de la mortalité dans la figure, oui.

Désolée mais mon misérable esprit de mortelle a bien besoin de ce déni pour appréhender ton hypothèse. Parce que ce que tu n'as pas envisagé dans ta petite théorie, c'est que je sois l'esprit de la mortelle et que j'use des pouvoirs de Tana.

Les ombres du corps du Nox s'accélérèrent, dessinant une chorégraphie complexe le long de ses membres.

Impossible. Tu es une déesse, une mortelle ne pourrait avoir le dessus.

Faisant un pas dans sa direction, je m'avançais vers lui.

En es-tu sûr ? Car ce n'est pas la Tana de tes souvenirs devant toi. Et peut-être que selon ton expérience une mortelle ne gagne jamais face à une déesse, sauf si tu réfléchis à l'état de cette dernière. Car une déesse certes, mais une déesse ayant accompli une opération magique particulièrement dangereuse et encore jamais vue. Qui aurait mal tourné, selon tes propres mots.

Sokar enfla, absorbant les ténèbres alentours.

Cela ne saurait être possible ! La volonté d'un Nox ne peut être pliée par celle d'un mortel !

Je continuais de marcher calmement malgré sa silhouette menaçante. Chacun de mes pas était assorti d'une volée de mots assénés à son refus vain.

Pourtant, tu ne peux que concédé que ma théorie a aussi ses arguments. À moins que ton faible esprit d'Aspect n'arrive pas à l'appréhender ?

Ma réplique l'acheva. Il laissa son corps se déployer, accaparant tout l'espace m'environnant.

Et comment justifies-tu ton souvenir ? À moins qu'une mortelle puisse imaginer en détail un conflit entre les Nox et les Lumen ! Surtout qu'il s'agit d'un moment très spécifique du passé de Tana ...

Un rictus décora mes lèvres. Il se débattait, perdu dans son déni. Chacun son tour ...

Et pourtant, si je suis ta logique, le mystérieux Immortel devrait avoir scellé le lien reliant ma partie Nox et ma partie mortelle. Or, lorsque j'ai eu ce souvenir, je n'avais plus accès à mes pouvoirs. Donc il semblerait que ce soit ma partie mortelle qui ait assimilée la déesse, et non l'inverse. De plus....

Je me figeais en plein mouvement, interrompant mon raisonnement tandis qu'une partie de ses paroles atteignait mon cerveau. Lorsque je repris la parole, ce fut avec un ton nettement différent.

" À moins qu'une mortelle puisse imaginer en détail un conflit entre les Nox et les Lumen ! Surtout qu'il s'agit d'un moment très spécifique du passé de Tana ...", répétais-je en singeant le ton quasiment aplani de tout sentiment du Nox. Comment connais-tu le détail de mon souvenir ? Je n'ai jamais décrit ce dont je me suis souvenue. À aucun moment.

La menace sourdait de mes pensées, plus effilée que le fil d'un rasoir. J'étais peut-être face à un Nox mais toute chose avait ses faiblesses et j'étais prête à trouver les siennes. Qu'importe le temps que j'y consacrais, mon esprit était ce qu'il me restait de plus précieux. Autant savais-je Valentia limitée par Maxen, autant Sokar était un dieu sans aucune contrainte. Je ne pouvais pas prévoir ce qu'il était prêt à faire pour accomplir ses objectifs puisqu'il semblait n'avoir aucune valeur ou morale communes à ce que je connaissais. Imaginer qu'il pouvait y faire ce qu'il voulait ... cela me terrifiait.Perdre de nouveau la mémoire était mon pire cauchemar, ma hantise la plus profonde.

Vraiment, tu pensais que le contenu de tes réflexions demeurerait opaque ? commenta t-il avec une pointe de dédain. Ton esprit est dénué des protections les plus élémentaires, n'importe qui peut y entrer, même ces pitoyables Immortels !

Mes poings se crispèrent tout comme ma mâchoire. Il me fallait recourir à tout mon sang-froid pour ne pas l'attaquer immédiatement. Ma raison avait beau savoir que ce serait inutile puisque je n'avais aucune arme, mon cœur, lui, me poussait à me venger de ce bafouage de mes droits naturels.

Sors. De. Ma. Tête.

Sokar était désormais gigantesque, ayant envahi l'espace en un court laps de temps. Sa silhouette sombre se faisait oppressante tandis que les ténèbres autour de moi s'épaississaient. Seuls ses deux lueurs glacées se détachaient du fond obscur. Si j'avais été dans un état normal, peut-être aurais-je au moins ressenti une pointe de frayeur. Après tout, il était un Aspect doté de pouvoirs tandis que je n'avais même pas d'arme pour me défendre, non pas que cela m'eut été utile dans cette situation. Mais la colère qui m'habitait me prévenait d'éprouver la moindre peur.

Même si je le faisais, comment pourrais-tu le savoir ? Tu n'en as pas conscience. C'est l'une des raisons qui me motivent à te convaincre d'abandonner la mortalité, les Nox disposent d'une protection mentale naturelle. Au moins cela te permettrait de faire face aux attaques mentales les plus élémentaires. Tana, tu sembles ne pas saisir à quel point ta forme actuelle est faible et pitoyable.

Une vive douleur suinta de mes paumes. Surprise, je baissai les yeux et découvris que je m'étais entaillée la paume avec mes ongles. Sous mes yeux ébahis, des filaments de ténèbres recouvrirent mes plaies superficielles avant de faire disparaître les minuscules marques en croissant de lune.

Voilà un autre des désavantages des corps physiques, ils sont abîmables, pire, périssables. Ton obstination, Tana, n'est qu'une forme d'égoïsme. Voilà bien le seul trait que tu partages avec les mortels ...

Heureusement pour lui qu'il était immatériel sinon cela ferait bien longtemps que je lui aurai arraché sa langue.

Arrête avec tes "Tana" par là, "Tana" par ci, le prévins-je avec un agacement perceptible dans ma posture. Ce n'est pas en répétant ce prénom en permanence que tu arriveras à me persuader que je suis la Nox de tes souvenirs, quoi que tu en penses ...

Et pourquoi pas ? Je suis lassé de devoir toujours faire attention à ne pas froisser ta mortalité, devoir communiquer par mots et adoptant même un genre et une apparence anthropomorphe. Le plus vide tu accepteras, le mieux ce sera.

Ma réserve éclata.

Parce que tu crois que je l'ai voulu ta présence ? C'est toi qui t'es imposé à moi ! Je n'ai rien demandé, moi ! Quant à ton comportement "adapté", ce n'est pas moi qui t'ai obligé à l'adopter, c'est toi qui l'a choisi ! Peut-être considères-tu que je fasse preuve d'égoïsme, bien que je ne vois pas en quoi, mais toi tu sembles incapable d'assumer tes choix !

Sokar éclata à son tour. Mais ce ne fut pas seulement mentalement, ce fut aussi physiquement. Son corps, si large qu'il en cachait ce monde, implosa, se dissolvant dans les ténèbres. Méfiante, j'esquissais un pas en arrière avant de sentir des fumerolles d'ombres m'étreindre. Je commençais à m'agiter, cherchant vainement à me débarrasser de leur emprise. Ces dernières, insensibles, continuèrent d'arpenter ma chair, glissant en un étrange ballet. Lorsque les pensées du Nox résonnèrent de nouveau dans mon esprit, elles étaient distordues, anormales.

Ne vois-tu pas en quoi tu es égoïste ? Je vais t'y aider alors. Il semblerait que mon avertissement n'ait pas été suffisant ...

Puis, à une vitesse effarante, les ténèbres convergèrent en un point, comme attirées, avant de former une sorte de minuscule trou noir à hauteur de mon front. Me rappelant des événements de la bibliothèque, et surtout de la douleur, je tentais de l'esquiver en me jetant sur le sol.

Tenter.

Mais le trou noir fut plus rapide, me percutant en plein front alors que j'avais à peine ébauché un mouvement. Ma tête fut projetée en arrière tandis qu'une vive douleur parcourut mes membres. Le froid m'envahit peu à peu, gelant la moindre partie de mon corps. Mon esprit s'engourdit tandis que mes terminaisons nerveuses s'endormaient, me plongeant dans une sorte de demi-sommeil apathique.

Puis je me perdis dans les souvenirs de Sokar.

Il avança, forme à peine plus sombre sur le fond des ténèbres de leur dimension bien-aimée, Djeser. En dépit de ses nombreux voyages, aucun autre lieu dans l'Aeternam n'égalait sa magnificence dans son âme. Même les splendeurs de Pairidaēza, avec ses colonnades de marbre exquises et ses crépuscules aux couleurs du vieil or,n'avaient pas suffit à dissiper cette gangue de langueur qui enveloppait son cœur dès lors qu'il s'éloignait de la dimension des siens. Ses volutes de ténèbres délicats, si fragiles qu'un simple souffle pouvait les briser, la profondeur insoupçonnée de ses ombres formant des tableaux à la complexité envoûtante ou encore son silence, d'apparence simple, mais élaboré de mille et une subtilités, tout respirait la perfection. Djeser, c'était aussi leur havre de paix et le seul lieu où les Nox pouvaient se permettre d'être enfin eux-même. Eloignés de la lumière aveuglante et cuisante des autres dimensions, ils s'épanouissaient dans ses ténèbres bienfaitrices. Pour leur peuple, il s'agissait du présent le plus précieux que leur avait offert leur créateur, le Primordial de l'Obscurité.

Sokar, malgré son jeune âge, mesurait l'importance de la protéger, ainsi qu'il était inculqué à tous les jeunes Aspects des Ténèbres. Les exploits guerriers des Nox se chuchotaient de génération en génération, perpétrant une mémoire dont ni les Immortels, ni les mortels n'avaient conscience. Car si l'amour de Djeser était la première leçon des jeunes Aspects, la crainte des Lumen étaient indubitablement la deuxième. Il suspendit son action un instant, ne pouvant se retenir de frissonner à la simple pensée de leurs ennemis de toujours. Par essence leurs opposés, ils résidaient dans l'Akhet sous l'égide de leur tétrarque, Aten. Si les deux peuples avaient osé espérer de parvenir à atteindre la paix, cela avait été depuis longtemps été effacé du cœur des Aspects des deux dimensions. Quelque soit leur volonté de parvenir un accord, un incident finissait inévitablement par raviver les conflits. C'était comme si une malédiction pernicieuse les poussait à s'occire, fichant une écharde d'ombre dans un Lumen ou un filament de lumière au sein d'un Nox, déchirant les peuples dans la trame même du destin en plus de leur essence. Aapep, le tétrarque de son peuple, avait révélé une nuit à Sokar qu'il se questionnait sur la marche même de l'Aeternam si la dissension opposant la Lumière à l'Obscurité prenait fin. Car contrairement à d'autres Primordiaux, comme le Temps ou l'Espace, ils ne pouvaient exister que dans la négation de l'autre. Une ombre naissait de la lueur d'une bougie tout comme les étoiles ne naissaient que dans le velours nuitée du vide. L'Ancien avait conclu sa réflexion avec une pensée affectueuse envers le plus jeune, l'enjoignant d'oublier ses spéculations stériles et le félicitant de s'entraîner si dur pour défendre Djeser.

Sokar ne s'était pas enorgueilli de ce court louange, malgré son admiration insondable pour Aapep, car il avait aussi parfaitement assimilé la réprimande qui l'accompagnait. En effet, malgré son jeune âge, cela aurait du faire un millénaire qu'il aurait du quitter les champs d'entraînement pour affronter les hordes Lumen. Honte suprême, il avait vu plusieurs générations de Nox plus jeunes partir protéger leur peuple alors qu'il demeurait parmi les néophytes inexpérimentés. Peu à peu, sa situation s'était transmuée en ostracisme, les Anciens le méprisant pour ne pas accomplir son devoir envers Djeser tandis que les Novices l'évitaient de peur d'avoir à partager sa malchance. Car c'était bien le mot qui revenait le plus souvent lorsque son cas était évoqué dans les pénombres les plus lointaines. Si chaque Aspect finissait par découvrir sa particularité, sa façon de manier les ténèbres n'appartenant qu'à lui, Sokar n'y était jamais parvenu. En dépit de tous ses efforts, son acharnement et sa volonté, il se heurtait à un mur épais qu'aucun de ses cours théoriques ne pouvaient entailler. Alors il attendait. Puis recommençait, encore et encore, persévérant dans sa quête personnelle. Une nuit, il y arriverait. Le jeune Nox se l'était promis. La vue des Imparfaits les plus âgés, réduits à l'état d'ombres à peine conscientes, lui servait de source de motivation. Et à chaque nouveau revers, Sokar leur adressait une pensée réconfortante, espérant qu'il pouvait l'entendre en dépit de leur état. Néanmoins, si sa vie n'était pas complétement terne, c'était grâce à sa seconde source de motivation, ses rares soutiens.  Même s'ils étaient peu, leur présence suffisait à compenser chacun de ses échecs. Il y avait d'abord Tsukiyomi, le plus ancien. Son avis était aussi respecté que sa capacité à étendre les ombres quelque soit la luminosité, faisant de lui un ami proche d'Aapep. Venait ensuite le doux Oxomo, à peine plus jeune que moi et doté de l'incroyable pouvoir de se déplacer à travers tout l'Aeternam en se servant des ombres comme de balises pour se repérer. Il était toujours accompagné de Losna, réputé pour son habilité à puiser dans l'Obscurité pour guérir les blessures. Et enfin, Tana, le fier guerrier capable de matérialiser la noirceur en tout ce que son imagination élaborait. Plus que des amis, ils étaient aux yeux de Sokar des parangons, des modèles à atteindre.

Cependant s'il se dépêchait de les rejoindre, ce n'était pas pour une quelconque réjouissance. Au contraire, Aapep soupçonnait les Lumen de prévoir une attaque d'envergure contre eux et il avait fait transférer les Nox les plus faibles dans les recoins les plus noirs et les plus obscurs de Djeser pour assurer leur sécurité. Mais Sokar, en dépit des ordres, ne voulait pas se terrer dans une pénombre. Il voulait combattre pour la défense de leur peuple et de leur dimension, qu'importe son absence de spécificité. Après tout, n'était-il pas un Nox, un Aspect de l'Obscurité et digne représentant des gens d'Aapep ? Ainsi se hâtait-il afin de prendre part aux combats. Toutefois, malgré son apprentissage et ses entraînements assidus, rien de ce qu'il avait vu durant sa courte vie de jeune dieu ne l'y avait assez préparé. La violence brute de ce conflit incessant, le crépitement déchirant des éclairs et la douleur des Nox tombés au champ obscur résonnant dans son esprit, toute son essence fut bouleversée. Cet affrontement exécrable était le quotidien de ses amis, mais aussi de tous les Anciens. Comment ne pouvait-il pas vouloir tenter de les soulager d'une partie de leur fardeau, même à sa mince échelle ? Cependant il se rendit rapidement compte de son erreur lorsque les premiers Nox le repérèrent et, affolés, commencèrent à affecter leur formation pour le protéger. Pénitent, Sokar recula, échappant de peu à la mort. De retour au sein des pénombres les plus reculées deDjeser, cette expérience fut source de réflexions pour lui. Car plus que les liens l'unissant à son peuple, ce furent ceux qui liaient les Nox à Djeser qu'il avait ressenti jusqu'aux tréfonds de son être. Désormais, il mettrait sa volonté au service des siens même s'il ne pourrait jamais arpenter le champs d'honneur. Car le jeune Nox en était désormais persuadé, il trouverait un moyen d'aider les siens. Il le fallait.

Les souvenirs de Sokar se délitèrent, devenant des bribes de son passé et me laissant avec une prégnante loyauté envers les Nox, mais aussi envers Djeser. Je me sentis sombrer dans l'inconscience tandis que les pensées du Nox, calmé, résonnèrent dans mon esprit.

J'aurais voulu t'en dire tellement plus mais il est temps pour toi de retrouver le monde physique, l'appel de la chair est trop fort. Peut-être essaierons nous de t'aider à retrouver tes capacités la prochaine fois. Même si tu n'es pas Tana, tu détiens ses pouvoirs si étroitement que vos essences sont mêlées. Je ne peux pas te laisser arpenter l'Aeternam avec une telle puissance sans entraînement.

M'accrochant pour lutter contre les limbes de l'oubli, synonyme d'un retour dans ce fichu château, je lui murmurais ces quelques mots.

Malgré tes souvenirs, je ne vois pas en quoi je suis égoïste de refuser mon rôle de Tana si je suis vraiment un Aspect.

La réponse de Sokar fut longue à me parvenir. Je dus lutter de toute mes forces pour ne pas m'abandonner à cette inconscience tentatrice. Et alors que j'étais sur le point de céder, je sentis son souffle dans mes pensées.

Car la vérité que les Anciens évitaient de nous révéler, c'est que notre attachement à Djeser dépasse la simple affection. Cette dimension est autant l'Obscurité que la somme de tous les Nox. Nous nous nourrissons d'elle autant qu'elle de nous, et c'est ensemble que nous sommes les ténèbres dans l'Aeternam. L'un ne peut exister sans l'autre ... Si les Nox et Djeser venaient à disparaître, le Conceptuel de l'Obscurité aussi.

Me laissant sombrer enfin dans le sommeil, je laissais échapper une ultime phrase, comprenant enfin son acharnement et ses buts.

Alors puisque nous sommes les derniers Nox, c'est à nous que revient la tâche de prendre soin de Djeser pour que le Conceptuel de l'Obscurité continue d'exister.

Ses mots m'accompagnèrent dans ma chute dans les bras de Morphée.

Malheureusement, tu devras en prendre soin sans moi, me corrigea t-il avec douceur. Maintenant, il est l'heure pour toi de te réveiller.

Et sur ses dernières paroles terrifiantes, je quittais la pénombre rassurante de Djeser, rejoignant les affres de ma mortalité.

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Hey !

Cela faisait longtemps :D

Oui je sais, j'avais promis de publier plus souvent en juillet x) Mais malheureusement on ne fait pas toujours ce que l'on veut dans la vie et un blocage sur le début du chapitre associé aux inscriptions administratives/recherches de logement pour l'année prochaine me l'ont bien rappelé x)

Bref, en échange vous avez eu le droit à ce beau bébé de +6200 mots, ce qui n'est pas rien avouez le :p (s'il vous plaît, dites oui ;_; )

Et en plus d'être long, ce chapitre est aussi complexe, j'aimerai donc procéder à quelques petites clarifications :

- la phrase "Tana le fier guerrier" n'est pas fausse, c'est totalement normal. En fait les Nox n'ont ni sexe, ni genre, ce qui signifie qu'il y a ni masculin, ni féminin (ce qui est plutôt logique lorsque l'on considère le fait qu'ils sont des bouts de ténèbres divinisées #bestdescriptionever x) ). Sauf qu'en français, il n'y a pas pronom à la troisième pers. du sg. neutre ("on" ne compte pas puisqu'il ne s'utilise pas de la même façon, bref les joies du français :D), donc par défaut c'est "il". Voilà ^^

- je ne suis pas sûre d'avoir été claire sur l'explication de "Tana-sois-polie-et-rends-son-corps-à-la-mortelle" et ses dérivés donc s'il y a des questions, n'hésitez surtout pas ;) (bien que j'espère que vous n'hésitez pas de manière générale lorsque vous avez des qustions à propos de l'intrigue x) )

- j'ai enfin introduit l'opposition Nox/Lumen \o/ (faites pas vos surpris, je suis sûre que vous vous y attendiez depuis longtemps à voir un délire Obscurité/Lumière ;p ), et posé les bases de leurs peuples. Bon, vu les noms des différents chefs et dimensions, j'ai intérêt à ne pas trop tarder de mettre le Lexique à jour x). Mais est-ce que cela vous a quand même plu ? ^^ Parce que ça s'éloigne pas mal du ton habituel de Umbra ^^"

Et avant de conclure, j'aimerai vous remercier puisque Nox, Livre I : Umbra a dépassé les 60k vues ainsi que les 10k commentaires ! C'est énorme ! Donc du fond du cœur, un énorme merci ♥ ! Et je vais essayer de trouver le temps d'écrire le bonus des 50k x) (bien que je pense le faire à la fin du tome I ^^ ). Voilà, en espérant que la lecture a été agréable et qu'elle continuera de l'être encore longtemps, 

Orange (tu ne t'y attendais pas, hein ? ;p )

Kelewana ♥



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