Chapitre XXXXIV : Blood, Sweat & Tears

Même si je mourrais d'envie de faire un pied de nez au karma, il me fallait d'abord éviter de mourir tout court. N'ayant pas assez de temps pour élaborer un rudiment de plan, ni pour quelque réflexion que ce soit, je me laissai glisser sur le sol. Abandonnant à contre cœur mon arbalète devenue inutile puisque dénuée de carreau, j'attrapai mon stylet et avant que le démon ne réagisse, je le projetai dans son œil gauche. Malheureusement pour moi, il s'agissait d'un soldat immortel entraîné et il n'eût aucune hésitation, continuant de courir dans ma direction. Tant que sa tête ou son cœur n'étaient pas touchés, le démon ne s'arrêtait pas. Ce qui était plutôt louable en temps normaux, mais qui me tapait sur le système actuellement. Esquivant de justesse sa charge, je me relevais avec une roulade souple. Le tintement clair du métal heurtant du métal me tira une grimace. Si c'était à la fois une bonne nouvelle car cela signifiait que Faelan venait d'entrer en action, cependant c'était aussi une mauvais puisque le résultat d'une rencontre entre une hache et un espadon était regrettable pour le dernier. Ne perdant pas de seconde supplémentaire en pensées inutiles, je dégageais un deuxième stylet de ma manche. Avant d'être percutée à la tête par le frère de M.Crânes-FashionWeek. Ouch. Sonnée, j'eus le réflexe de me laisser tomber pour éviter le second coup. Rebonjour le sol. Roulant loin de mon opposant, je me redressais en chancelant. Ma tête pulsait légèrement, me désorientant temporairement. Mes doigts libres effleurèrent mon crâne. J'espérais ne pas avoir de commotion cérébrale. Mais la demi-douzaine de démons supplémentaires qui s'avançaient dans le couloir dissipèrent mes inquiétudes. J'en avais d'autres plus immédiates. Me retournant, j'eus la surprise de voir que Faelan avait défait son adversaire, même s'il arborait une entaille en cours de cicatrisation sur le bras droit.

— Derrière moi, vite ! m'apostropha t-il.

Obéissant à son ordre, en combat le moindre instant d'hésitation pouvait mener à la mort, je me précipitais dans son dos. Bien me prit puisque aussitôt le demi-dragon psalmodia une courte d'incantation :

— Adhain, Incarnat !

Son espadon se couvrit instantanément de flammes, seule la garde restant intacte. Crispée, je ne pus complétement me retenir de sursauter. Néanmoins, son petit tour de magie eut l'effet escompté. Face à cette démonstration pyrotechnique les démons eurent un mouvement de recul, réflexe conditionné par leur Immortalité. Cependant, ils reprirent très vite leurs esprits et, fort intelligemment, décidèrent de reculer. Ainsi, au lieu de courir s'empaler en file indienne sur Incarnat, ils laissèrent leurs camarades magiciens et archers nous arroser de projectiles. Le vampire et moi nous nous retrouvâmes au pied du mur, dans le sens propre comme au figuré. N'ayant pas envie de me transformer en brochette, je m'élançai derrière le mur et récupérais au passage mon stylet dans l'œil du cadavre. Une courte prière traversa mes pensées, espérant ne pas récolter une flèche. Apparemment, le gestionnaire de mes prières était le même que celui de mon karma puisque je fus tout de même heurtée au mollet.

Aïe.

Mais j'étais en relative sécurité avec un mur derrière mon dos, je n'avais pas à me plaindre. À l'aide d'un de mes stylets, je coupais la tige de la flèche et ne laissais que la pointe dans la chair. Pendant ce temps là, Faelan m'avait rejointe. Bien qu'un peu haletant, il décida de rester levé tandis que je gardais une position accroupie afin d'offrir le moins de surface à un possible projectile perdu. Lui jetant toutefois un bref coup d'œil afin de m'assurer de son état, j'écarquillais les yeux. Son côté gauche était parsemé de flèches à l'empennage multicolore qu'il enlevait méthodiquement, facilitant ainsi sa guérison. Les avantages de l'Immortalité. Si je faisais de même, j'aurais une hémorragie en moins de temps qu'il me faut pour finir un pot de Nutella.

— La prochaine fois, préviens moi avant de ton absence de pouvoir, grommela t-il.

J'en levais les bras au plafond.

—Je ne le fais pas exprès, OK ? Moi aussi je préférerais les avoir !

Nous fûmes interrompus par une flèche qui se planta à nos pieds. Visiblement nos ennemis tentaient de nous toucher en essayant de faire rebondir leurs projectiles contre les murs. À première vue, cela aurait pu sembler être une bonne technique si ils n'affrontaient pas un Immortel. Car à moins d'un incroyable coup de chance et que la flèche ricoche dans son cœur, aucune des blessures ne le tuerait, ni même l'incapaciterait. Certes, moi oui, mais ils n'étaient pas sensés savoir que j'étais mortelle. Puisque nous ne disposions que d'armes de corps-à-corps sans mes pouvoirs, cela était soit un moyen de nous épuiser avant une future attaque, soit une diversion. Cependant Faelan interrompit mes réflexions.

—Tu devais bien le savoir que tu avais puisé trop d'Animus tout de même ! déclara t-il tout en surveillant nos opposants.

Mes dents se serrèrent.

—Ce n'est pas un problème d'Animus.

Il se retourna pour me dévisager, interloqué.

—Comment ça ?

J'avais incroyablement envie de ne pas lui répondre. Mais puisque nous avions incroyablement peu de chance de survivre à cette rixe, je lui concédais une réponse.

—L'accès à mes pouvoirs est bloqué, lui répondis-je les dents si serrées que mes mots étaient des sifflements. Je ne peux pas y avoir accès.

Une boule de feu s'écrasa à moins d'un mètre de nous, interrompant notre dialogue. Nos adversaires s'amélioraient pour viser. Dommage pour nous. Faelan leur jeta un bref regard avant de se protéger de nouveau derrière le mur.

—Ils sont motivés en plus, pesta t-il en oubliant notre sujet de conversation. Il est l'heure de revoir notre plan d'attaque.

—Non, tu crois ? Je me demande bien pourquoi, déclarais-je sarcastiquement. La situation ne pourrait être meilleure.

—S'il te plaît, concentre toi sur le sujet, me réprima sèchement le vampire. Je vois deux possibilités. Soit nous tentons de les contourner en espérant que les couloirs auxiliaires nous amèneront à leur position, soit nous faisons une attaque frontale.

—Je ne vois pas en quoi arriver sur eux par les côtés plutôt qu'en face changera quelque chose, répliqué-je plus glaciale qu'un unseelie. Leur ouïe est presque aussi bonne que la tienne, ils entendront forcément nos déplacements. Quant à la charge frontale, à moins que tu veuilles mourir en héros, je ne suis pas très motivée. Sauf si tu peux adopter ta forme de dragon, là nous aurions une chance.

Il contracta la mâchoire. J'attendis une réponse. À la place, je dus éviter une volée de flèches ayant rebondies contre le mur derrière nous. Pestant contre ma perte de pouvoir et mon absence de carreau, j'envisageais presque de leur retourner leurs flèches en les lançant à la main. Presque. Cela n'aurait aucune utilité mais au moins, je me sentirais moins impuissante. Trouvant que la réponse du vampire se faisait tarder, je levai les yeux vers lui. Qui ne vînt pas plus. Il se contenta de me retourner lr regard. Comprenant enfin ce qu'il n'osait me dire, je le dévisageai, éberluée.

—Non ? Sérieusement ? Et après, c'est moi que tu engueules...

Ma remarque fit mouche et le tira de son mutisme.

—La différence est que nous n'avons pas basé tout notre plan sur ma capacité à me métamorphoser, rétorqua t-il avec sécheresse.

J'en levais mon sourcil adoré. Le demi-dragon voulait partir sur ce terrain là ? Très bien mais je n'avais certainement pas l'intention d'être fairplay.

—Certes, mais tu ne m'as pas avertie non plus, lui rappelai-je.

Faelan ouvrit la bouche pour me contester, toutefois je ne lui en laissai pas le temps et l'interrompis aussitôt.

— Ne fatigue pas ton cerveau, cela fait un point partout. Mais j'enlève le tien.

—Pourquoi ?

—Parce que je suis mauvaise joueuse.

Une flèche rebondit, nous poussant à nous écarter de sa trajectoire.

—Rappelle-moi comment j'arrive à te supporter, arriva néanmoins à me demander le vampire.

—Tout simplement parce que ceux d'en face sont moins drôles que moi, lui répliquais-je avec un grand sourire. Ou alors parce qu'ils ont une furieuse envie de détacher ton crâne du reste de ton corps. Mais afin de ménager mon estime personnelle, je vais choisir la première option.

Le demi-dragon n'arriva pas à me répondre, se contentant d'ouvrir la bouche d'ébahissement. Je savais que j'étais formidable. Cependant son état d'éblouissement n'aller pas nous aider à trouver une solution.

Bon. Il était temps pour moi de lister les avantages et les désavantages de notre situation. Cela me permettrait de positiver.

Dans les points positifs, il y avait le choix du lieu de notre affrontement dans un couloir et le fait que nous étions tous les deux armés.

Dans les points négatifs, les démons avaient intelligemment décidé de quitter le couloir pour nous obliger à devoir en affronter plusieurs à la fois tandis qu'ils étaient onze armés à la fois d'armes distance et corps-à-corps. Sans oublier que, contrairement à nous, ils pouvaient utiliser de la magie et que je comptais pour une moitié de combattant puisque le moindre coup risquait de m'achever en tant que mortelle.

Finalement, faire une liste n'était pas une si bonne idée. Cela me déprimait.

— En attendant, nous n'avons toujours aucun plan d'action, rappelais-je à Faelan. À moins que tu sois motivé pour encaisser une demi-douzaine de boules de feu et l'équivalent de la jungle amazonienne en flèches.

— Oui.

Je cillais, déconcertée.

— Pardon ?

— Oui, je charge, articula t-il distinctement. Reste bien derrière moi et essaie d'être utile.

Un florilège d'insultes jaillirent spontanément de ma bouche. Cependant le demi-dragon ne put pas apprécier toute la richesse de mon vocabulaire fleuris comme un mois de mai. En effet, il avait déjà dégainé Incarnat et se ruait sur les ennemis en hurlant. Je me retins de justesse d'effectuer un facepalm devant cette démonstration de débilité virile et le suivis tant bien que mal en espérant ne récolter aucune flèche perdue. Mes stylets dégainés, je me glissais furtivement dans son sillage.

Cependant je n'étais pas la seule à jurer et les démons durent brusquement changer d'arme afin de faire face à ce demi-dragon assoiffé de sang. Puis le tintement du métal contre le métal m'avertit que Faelan avait amorcé les hostilités. Sachant pertinemment que je ne pouvais pas l'aider de façon directe, je bifurquais de son sillon pour planter l'un de mes stylets dans la gorge d'un démon aux iris cuivrés. Mais le temps qu'il réagisse, j'avais déjà retiré ma lame de sa gorge et avais effectué une roulade pour atteindre les jarrets de deux de ses camarades plus grands et recouverts de fourrure. Si je ne pouvais pas les tuer directement, j'allais les incapaciter. Car Immortel ou non, tout le monde avait besoin d'un jarret pour marcher. Cependant ma technique manquait d'efficacité puisque les stylets étaient conçus pour transpercer et non pas trancher. Et s'ils étaient particulièrement efficaces contre les cottes de mailles, ils étaient parfaitement inutiles contre leurs cuirasses de cuir clouté. Ne pouvant atteindre leur cœur, j'adoptais un style de combat très rapide. Je me forçais à être en permanence en mouvement afin de diminuer les chances d'être touchée, enchaînant tour à tour roulades, sauts et pointes de vitesse. N'étant pas Immortelle, mon cœur commença à protester tandis que ma respiration abandonnait toute tentative de cohésion. L'effort se faisait sentir, tout comme les innombrables entailles et blessures récoltées en dépit de mes acrobaties. De plus, les démons s'étaient enfin décidé à optimiser leur stratégie d'attaque et avaient décidé de se diviser en deux groupes, afin d'utiliser au mieux l'avantage de leur nombre. Six d'entre eux s'occupaient de Faelan pendant que les quatre autres se retournèrent vers moi avec la ferme intention de mettre fin à mon existence. Fort intelligemment, ils venaient de nous séparer. Si je voulais rejoindre le vampire, il me fallait tuer huit têtes cornues, sans compter les autres qui interviendraient. Pourquoi n'avaient-ils pas été absents à la remise des neurones, ceux là ?

J'eus à peine le temps d'entrapercevoir que le demi-dragon avait des difficultés pour se débarrasser de ses assaillants avant qu'une hache ne manque de me décapiter. Mon instinct me sauva en me soufflant de me baisser et je profitais du déséquilibre de "M.Hache" pour le pousser au sol d'un vigoureux coup de pied. Cependant ses amis avaient aussi utilisé mon court temps d'arrêt pour se rapprocher. Je me mis donc à courir, m'éloignant de Faelan pour emprunter des couloirs plus étroits. N'ayant jamais été une excellente coureuse, j'espérais que leurs armures les ralentiraient suffisamment pour me donner de l'avance. Malgré mes poumons ayant dépassés le feu pour devenir de la lave, je continuais de filer à travers ce dédale de pierres. Pourtant, à mon grand regret, les échos de mes poursuivants ne semblaient pas s'éloigner avec la distance mais au contraire, ils se rapprochaient de moi. Je serrais les dents mais même l'adrénaline ne suffisait plus pour compenser. Mes jambes faiblissaient tandis que des points noirs commencèrent à danser à la lisière de ma vision.

Pourquoi t'accrocher ainsi, Tana ?

Je faillis interrompre ma course tant le voix de Sokar me déconcerta. Heureusement pour moi, mon corps avait envie de vivre et continua donc sa course effrénée et sans fin.

M'accrocher à quoi ? À ma vie ? Désolée de ne pas être pressée de rencontrer la Grande Faucheuse, pensais-je sarcastiquement en espérant qu'il m'entendrait. Par contre, comment cela se fasse que je puisse t'entendre alors que je n'ai pas accès à mes pouvoirs ?

Je ne parlais pas de ta vie, je parlais de ta forme de mortelle. Elle te limite, cela n'a aucun intérêt d'y rester attaché. Quant à tes pouvoirs, ils sont bloqués mais toujours présents. Je peux même te dire qu'ils ont été provisoirement scellés par un Immortel.

Je fus tentée d'attraper une table pour me cogner la tête dessus. Cependant l'absence de mobilier et les quatre démons désirant l'utiliser comme ballon de basket m'en dissuadèrent, alors que j'effectuais un dérapage à un embranchement. Agrippant un coin de mur avec mes mains moites de sueur pour me stabiliser, je lui pensais ma réponse.

C'est sûr que cela m'avance beaucoup, ce n'était pas comme si ce bâtiment était rempli à ras bord d'Immortels, lui rétorquais-je avec une (légère) pointe de moquerie. Et quant à ma forme de mortelle, je l'aime beaucoup et compte la garder encore longtemps, merci.

Une flèche frôla mon oreille, causant simultanément l'ébauche d'un arrêt cardiaque et un nouveau pic d'adrénaline à travers mon corps. Il semblerait que mes poursuivants se soient lassés de courir, préférant utiliser des méthodes plus efficaces. Je serrais les dents, guettant un nouvel embranchement tout en commençant à zigzaguer pour casser leur ligne de mire. Cela ne fit qu'aggraver mon souffle déjà saccadé et me fit perdre un peu de ma précieuse avance. Cependant, j'arrivais à l'extrémité du couloir. Happant les jointures entre les pierres du mur pour ne pas perdre mon élan, je tournais subitement sur la gauche. Mauvais choix.

Une flèche percuta mon omoplate, manquant de me propulser contre le sol. La douleur se répandit à travers mon système nerveux et dus faire appel à mes derniers lambeaux de volonté pour ne pas m'effondrer. Je m'obligeais à continuer d'avancer, un pied après l'autre.

Pour une simple mortelle, ta volonté m'impressionne. Je pensais que tu t'arrêterais.

Il avait le don de choisir ses moments.

Au lieu de critiquer, cela ne te dirait pas de m'aider ? lui demandais-je. Après tout, tu es un Aspect toi aussi et tes pouvoirs ne sont pas scellés comme les miens.

Un pas. Un autre. Serrant mes stylets à m'en blanchir les jointures des mains, j'essayais d'insuffler de l'énergie dans mes jambes. Ma concentration se réduisit à un mot. Courir.

Je ne te critiquais pas, je te complimentais. Les mortels confondent-ils toujours les deux ?

L'écho des pas de mes poursuivants se rapprochèrent. J'avais l'impression d'être talonnée par une bête affamée, monstrueuse, faite de bruits et d'acier. Les mots de Sokar me semblaient lointains, comme les murmures du vent.

Quant à intervenir, j'en suis incapable. Je n'ai plus d'accès à l'Animus.

Un rire grinçant rebondit contre les murs. Il me fallut un instant pour saisir qu'il s'était échappé de ma gorge. Évidemment, le monde aurait été trop simple sinon. Si je n'étais pas aussi exténuée, je lui aurais demandé ce que cela faisait à son égo d'être réduit au même niveau qu'une simple mortelle. Mais je n'avais ni l'énergie, ni le temps de lui répondre. Mes poursuivants avaient enfin rattrapé leur retard tandis qu'un de leurs confrères continuait de m'arroser de flèches. Ma peau devint hypersensible alors que je m'attendais à recevoir un coup à tout instant.

Tu ne vas pas pouvoir continuer de courir ainsi, me déclara Sokar, indifférent à mon mutisme. Tu vas de voir te battre.

Sa remarque réveilla ma colère.

Me battre ? C'est facile à dire pour toi mais en tant que "simple" mortelle devant affronter quatre démons armés d'épées et de haches alors que je dispose de seulement trois stylets. La réalité n'est pas si limpide.

Ils ne sont pas quatre mais trois, répondit aimablement le Nox. L'archer s'est arrêté pour améliorer sa visée.

Je faillis en lever les bras au plafond. C'était censé me rassurer ? Génial, j'allais être épinglée à un mur puis serais déchiquetée en morceaux trop petits pour être reconnaissables. Et c'était si j'avais de la chance...

Cependant, je décidais de continuer à courir. C'était tout ce que je pouvais faire et il était hors de question que j'abandonne. Si ils voulaient ma tête, ils allaient devoir payer de leur sang pour l'avoir. Les taches sombres s'étendirent devant mes yeux, ne laissant plus qu'un point visible. Je ne savais pas même vers où je courais, je ne sentais presque plus la pierre sous mes pieds. Mes sens semblaient étouffés, même la douleur sourdant de mes blessures me parvenait comme avec du retard. Seul le goût ferreux envahissant ma bouche tranchait avec mon engourdissement progressif. Autour de moi, les ombres semblaient s'étirer, devenant plus profondes que des abysses. Une pensée traversa mon cerveau épuisé, regrettant de ne pouvoir me fondre en elles.

Les pointes des flèches sont empoisonnées, tu n'en as plus pour longtemps avant de t'évanouir. C'est déjà un miracle que ton organisme ait tenu jusque là.

La voix de Sokar peina à percer mon brouillard léthargique.

Arrête-toi, lève ton stylet gauche à hauteur d'épaule, et FRAPPE.

Surprise par son ordre, je lui obéis machinalement. J'interrompis ma course, mes jambes tenant difficilement droite sans élan. Néanmoins, je ne réfléchis pas et frappais à l'aveuglette à hauteur d'épaule. Un éclat d'étonnement troua mon état d'hébétement alors que ma lame transperçait un démon. Mue par l'habitude, je retirais aussitôt mon arme de sa chair et esquissais un pas de côté.

C'est bien, tu as touché son cerveau. Son Immortalité va mettre du temps avant de le guérir. Maintenant, abaisse ta tête et effectue un arc de cercle sur ta droite avec ton autre stylet.

Guidée par sa présence intangible, je fis ce qu'il me demandait. Esquivant une attaque courbe vers mon cou, je poignardais la jambe de mon adversaire avant de faire un volte-face. Je ne perdis pas de temps et lui assénais un choc au visage avec le pommeau de mon stylet gauche tout en retirant mon autre lame de son genou.

Achève-la avec une attaque en biais légèrement au dessus de son cœur, c'est le défaut de son armure. Ensuite effectue un pas sur ta droite.

Mon stylet traversa l'armure clouté comme dans du beurre, se glissant dans l'interstice entre deux lamelles de cuir avant de se ficher dans sa chair. La démone hoqueta, écarquillant ses yeux verts de surprise. Je ne lui laissais pas une chance de riposter et tournais la lame d'une demie-torsion de poignet, mettant fin à sa vie d'Immortelle. Laissant le cadavre s'effondrer, je me décalais sur ma droite... et une autre flèche se ficha près de ma colonne vertébrale. Je m'étranglais de douleur, le choc me déséquilibrant vers l'avant. En prime, je sentis la hache du troisième démon mordre ma hanche gauche. J'eus beau serrer mes dents, cela ne fut pas suffisant pour empêcher mes larmes de couler.

Si tu ne t'étais pas décalée, tu aurais perdu ton bras. De plus, ton esquive t'as permis d'éviter l'essentiel de l'attaque, tu n'as été que superficiellement touchée. Maintenant, dépêche-toi de riposter avant que le démon n'arrive à dégager son arme.

Je ne fis pas savoir à Sokar que c'était dans mon corps  qu'était fichée cette hache et mordis ma langue pour ne pas hurler de douleur en levant mon bras pour poignarder au visage le démon couvert de fourrure. Malheureusement ce dernier avait appris des erreurs de ses compagnons. Il évita donc mon attaque et en profita pour retirer son arme d'un geste sec.

Ma langue fut entaillée jusqu'au sang. Un filet écarlate s'échappa de mes lèvres,

Néanmoins, je me poussais à continuer, levant mes stylets pour former une garde tremblante. Ma tentative tira un rictus à mon adversaire. Je ne m'appesantis pas sur le triste spectacle que je devais offrir, éclaboussée de sang, vacillante, mais décidais de passer en l'offensive en visant les tendons de son poignet. Cependant je ne parvins qu'à l'égratigner tandis qu'il ramenait sa hache vers lui pour amplifier sa prochaine attaque.

Un pas sur la gauche, immédiatement. Sa jugulaire sera à découvert.

Sokar arrivait à saisir les minuscules mouvements précédant un mouvement et pouvait ainsi guider mes ripostes. Je sautais donc sur le côté, évitant une attaque verticale létale puis tranchais avec mon stylet le plus proche la veine exposée de sa gorge. Un flot écarlate s'échappa de sa blessure, maculant sa fourrure et recouvrant son armure d'acier mais cela sembla nullement le déranger. Au contraire, le démon contrecarra aussitôt en balayant la surface devant lui avec sa hache. Je dus m'aplatir au sol pour éviter d'être tranchée en deux, trop proche pour qu'un simple bond en arrière me permette de l'esquiver. Le choc contre les dalles réveilla mes douleurs tandis que je constellais la pierre de taches vermillons. En position de faiblesse, je commençais en plus à sentir les effets du poison conjoints à ceux de mes blessures. Mes membres étaient las, vides de toute énergie et je n'aspirais qu'à une chose : plonger dans un oubli bienheureux.

Résiste, il ne te reste plus que trois à tuer sur les quatre. De plus, cela me gênerait que tu meures maintenant, je ne sais pas si j'arriverais à te retrouver dans un autre corps mortel.

Ai-je déjà parlé de l'incroyable capacité de Sokar à réconforter ? Non ? Normal, il en était totalement dépourvu. Même Sheldon de Big Bang Theory faisait mieux, c'était dire le niveau abyssal du Nox. Cependant, je rassemblais néanmoins les infimes parcelles de force me restant et les mis dans mes bras, poussant contre le sol avec toute ma volonté pour me lever. Et vu mon état physique, cela fut long. Mais l'essentiel c'était que j'avais réussi.

Pour être mieux transpercée par une nouvelle flèche.

Étrangement, elle me fit moins mal que les précédentes. Ou alors était-ce dû à cet état de détachement qui empirait. À l'aide mon stylet, je brisais la tige du projectile, ne laissant que l'extrémité métallique dans mon avant-bras. J'eus vaguement conscience d'un mouvement sur ma gauche et instinctivement, l'évitais en me penchant dans la direction opposée.

Tu es debout, c'est mieux. Nous allons devoir la jouer fine, celui à la hache est toujours envie, son camarade que tu avais envoyé  à la sieste vient de se réveiller et l'archer, visiblement lassé de ta résistance, arrive pour accélérer les choses. La moindre erreur risque de t'être fatale maintenant.

Si je n'étais pas en train de lutter pour ma vie et devant mobiliser chacun de mes muscles pour ne serait-ce que rester debout, je lui aurais fait remarquer que c'était déjà le cas précédemment. Toutefois je préférais économiser mes pensées, j'agrippais donc fermement les gardes de mes stylets en guettant une opportunité.

Poignarde ta droite à hauteur de ventre puis décale-toi en arrière.

Le démon à la hache perdit ses entrailles tandis que j'évitais l'attaque de son collègue épéiste.

Maintenant tu enchaînes avec un coup vertical sur l'escrimeur, essaie d'atteindre son cerveau.

Déséquilibré par son assaut manqué, le démon était légèrement penché en avant, m'offrant ainsi une vue imprenable sur le haut de son crâne. N'y réfléchissant pas à deux fois, je transperçais sa boîte crânienne de mon stylet droit puis profitant de son court instant de paralysie, je fichais ma deuxième lame dans son cœur. Un de moins.

Cependant, l'exécution m'avait contrainte à laisser mon dos à découvert, comme me le rappela cruellement l'épée de l'archer dans mon épaule. Affaiblie, je m'effondrais à genoux, ravagée par la douleur. Son arme s'était plantée dans mon articulation, rendant mon bras gauche inutile. Toutefois, même aveuglée par la souffrance, j'eus la présence d'esprit de dégager la lame du cadavre de ma main droite. Ayant à peine conscience de mon environnement, je l'assénais dans la forme floue la plus proche. Un hurlement de douleur retentit.

Félicitations, c'était le pied du combattant à la hache.

La remarque de Sokar me tira un sourire. Au moins aurais-je arraché ces quelques minutes de vie supplémentaires au prix de leur sang, comme je me l'étais promis.

 Tu t'es bien battue, déclara la voix hésitante de Sokar. Enfin, pour une mortelle je veux dire.

Je sentis l'archer retirer sa lame de mon épaule. La souffrance explosa tandis qu'il relevait ma tête pour faciliter mon exécution.

Brusquement, malgré la douleur, je pris conscience d'une chose.

Je voulais vivre.

En dépit de mes galères, de la menace qui planait au dessus de moi, des morts tachant mes mains et de bien d'autres choses encore, je voulais vivre. Désespéramment.

Non, je n'avais pas encore lutté jusqu'à la fin. Même à genoux, le corps écorché par mes blessures et une épée contre ma gorge, je pouvais encore lutter. Mieux, je devais encore lutter.

Dans une tentative animée par le désespoir, je tentais de faire appel à cette partie intermittente et obscure en moi. Frustrée, mon esprit se cogna contre une barrière, sentant le doux murmure des ténèbres à travers. Cela devait être une question de volonté me dis-je. Cela avait à être une question de volonté. Malgré tous mes efforts, je n'arrivais pas à briser cette membrane m'empêchant d'user de mes pouvoirs. Sentant le fil de la lame se rapprocher de mon cou, je me mis à forcer frénétiquement, ma conscience rebondissant le long de cet obstacle. En vain. Je ne pouvais pas mourir maintenant, non ? L'acier étincelant sous mon menton me répondit que oui.

Mon futur bourreau réajusta sa prise sur ma tresse et exposa mieux mon cou. Refusant de me laisser faire, je me débattis. Cela ne fit que l'agacer et accélérer mon exécution.

Même à travers mon brouillard de souffrance, je sentis son épée mordre ma gorge, dessinant une obscène balafre le long de ma gorge. Le temps parut ralentir, se figeant presque. Surprenamment, j'avais une conscience aiguë de sa progression dans ma chair. Attrapant la lame de mon adversaire avec mon seul bras valide, je tentais de la ralentir. Cependant la force du démon restait bien supérieure à la mienne et je ne fis que m'entailler ma paume de main.

Soudain j'entendis le bruit d'une cavalcade effrénée puis entraperçus une forme floue percuter mon bourreau. Jurant face à ce nouvel ennemi, l'archer fut forcé de me laisser m'affaisser sur le sol pour s'occuper de cette nouvelle menace. Gisant à moitié sur le dos, j'entendis le démon à la hache jurer copieusement, apparemment dérangé dans sa guérison par ce nouvel adversaire. Avec difficulté, je tâtonnais le sol de ma main droite à la recherche d'un stylet. Là, contre les phalanges, un contact froid, métallique. Resserrant mes doigts, je ramenais la lame contre mon giron.Pendant ce temps, une deuxième forme floue était arrivée et affrontait le deuxième démon. Rassurée par le poids de mon arme contre ma paume, j'essayais d'apercevoir mes mystérieux sauveurs.

Celui qui venait de m'empêcher d'être décapitée, se battait avec une épée rougoyante plus grande que moi et ses longs cheveux blonds attachés en catogan encadraient sa mâchoire déformée par des crocs disproportionnés. Faelan. C'était Faelan. Essayant de tourner la tête pour apercevoir mon deuxième sauveur, je fus obligée de renoncer, à cause de la douleur dans mon épaule brisée. Le simple fait d'obliquer mon corps réveillait mes blessures et ravivait mes souffrances.  Cependant, décidant d'en faire fi, je me forçais à me redresser sur mes genoux. Un hurlement m'échappa mais j'y arrivais. Vacillante, ma vision toujours obscurcie, du sang suintant de mon cou, je demandais néanmoins :

Sokar, peux-tu guider mon bras encore une fois ?

Sa réponse se fit presque hésitante.

Je peux mais pourquoi te battrais-tu encore ? Le poison a progressé dans ton organisme, je ne te donne pas plus qu'une poignée de minutes avant de t'effondrer.

Je ne sais pas exactement quels sont les effets de ce poison mais ils ne m'empêcheront pas de tuer encore un de ces salopards, ripostais-je avec vigueur. Alors au lieu de tergiverser, mettons à profit cette poignée de minutes.

S'il avait pu soupirer, j'étais certaine qu'il l'aurait fait. Mais il était un Nox, une créature de ténèbres n'ayant pas besoin de respirer. Toutefois, je considérais que sa réaction était un accord et levais ma main droite, serrée autour de mon stylet. Face à moi se déroulait un affrontement entre Faelan et l'archer à l'épée. Contrairement à celui que j'avais combattu, le plus cornu des deux semblait être en terrain connu et les deux bretteurs échangeaient des coups à une vitesse ahurissante. Si mon style de combat reposait sur une bonne dose d'agilité saupoudrait d'instinct imprévisible, le leur était étrangement semblable. Les deux anticipaient les actions de leur adversaire, contre-carrant des ripostes d'assauts à peine esquissés. L'acier rougeoyant d'Incarnat illuminait les expressions concentrées des deux épéistes. Feintes, passes et touches se succédaient mais le véritable affrontement se faisait dans leur esprit. L'espadon de Faelan, plus lourd, lui permettait de forcer le démon à reculer selon sa convenance et de bloquer ses attaques.  L'épée à deux tranchants de son adversaire avait une portée inférieure mais compensait avec une meilleure maniabilité. Les deux bretteurs savaient manier leur arme et connaissaient les limites de celle de l'autre. Cependant, je n'arrivais pas à voir clairement le combat. En effet, les taches noires avaient quitté la lisière de mon champ de vision et s'étendaient peu à peu. Soudain la voix de Sokar retentit dans mes pensées.

Prépare-toi, sois prête à viser deux paumes au dessus de ta tête dans l'allongement de ton bras.

Me demandant comment il pouvait arriver à prévoir le déplacement des combattants dans ce duel, je fis comme demandé. Le demi-dragon venait d'effectuer une attaque verticale aussitôt déviée par le démon. Je serrais ma main plus forte sur la garde de mon stylet, sentant ce dernier glisser contre ma paume moite de sueur et sang mêlés.

Encore un peu...

Le démon avait rétorqué avec un coup droit sur le flanc laissé à découvert du vampire, esquivé de peu avec un pas sur le côté mais au prix d'une nouvelle balafre sanguinolente. Mon bras commença à trembler de fatigue, compliquant la visée.

Nous y sommes presque, plus que quelques secondes...

Mes tremblements empirèrent, rendant mes mouvements presque erratiques. Je tentais de les juguler en contrôlant ma respiration afin de ne pas perturber mon lancer. L'écho d'un cri étranglé, rapidement transformé en gargouillis indistinct, m'indiqua que soit mon deuxième allié, soit le démon à la hache, venait de mourir. J'espérais profondément que la deuxième option était la bonne. Devant moi, les deux Immortels continuaient de se mouvoir à une vitesse surhumaine. L'esquive du demi-dragon avait été presque parfaite mais avait été prédite par son adversaire. Le démon leva son épée et porta une attaque droite impossible à manquer.

Sept, six, cinq, décompta le Nox. Quatre, trois, deux...

Je serrais mon poing de toutes mes forces alors que le vampire encaissait de plein fouet l'assaut son adversaire. Sauf que, au lieu de dévier l'attaque comme je m'y attendais, il se glissa le long de la trajectoire du coup et fit passer Incarnat derrière lui.

Maintenant !

L'ordre de Sokar atteignit mes synapses tandis que Faelan réalisait une impeccable touche derrière le dos, éventrant son adversaire. Ne visant presque pas, agissant à l'instinct, je jetais mon arme. Le stylet, bien que n'étant pas conçu comme une arme de lancer, fusa à travers les airs. La lame n'étant pas équilibrée, il suivit une trajectoire en courbe, effleurant presque le demi-dragon avant de se ficher... dans la partie supérieure du cœur du démon. Ce dernier recula sous l'impact et m'adressa un regard plein de reproches, avant de s'affaisser au sol. Oui, je n'avais pas été honorable et avais interrompu leur duel. Mais en tant que mercenaire, je n'avais qu'un seul credo : vivre. Si pour survivre il me fallait piétiner leurs codes d'honneur à la noix, je ne me gênais pas. Ce fut ma dernière pensée avant de basculer en arrière, ravagée par le poison.

— Tu as rompu notre duel ! entendis-je le demi-dragon s'emporter au loin. J'étais sur le point de gagner !

Glissant paisiblement dans la léthargie, je ne pris pas la peine de répondre.

— À ta place, j'arrêterais de me plaindre et lui adresserais au moins un regard, le coupa la voix de mon deuxième allié. Si tu trouves un quelconque intérêt à la maintenir en vie, évidemment.

À travers les brumes de l'inconscience, je tentais de reconnaitre sa voix. Le timbre me semblait familier mais pas les intonations. C'était étrange...

Le début d'un juron résonna, rapidement étouffé, puis je sentis des doigts écarter mes paupières pour inspecter mes pupilles avant de palper ma blessure à l'épaule. Cela réveilla ma douleur et je m'arquais sous la souffrance.

— Elle a l'épaule gauche brisée, une blessure au cou et à l'avant-bras, sans oublier celle à sa hanche, commença à énumérer Faelan. Il faut que je vérifie son dos aussi... Au moins deux autres flèches ...

— J'ai inspecté le carquois, l'interrompit la voix que je-connaissais-mais-pas-vraiment. Les pointes des flèches sont recouvertes de sjoko.

— Je m'en doutais déjà, mes capacités de régénération sont presque inexistantes, lui répondit le demi-dragon. Cependant, déjà qu'en tant que mortelle elle ne guérit pas vite, mais avec plus de quatre doses de sjoko...

Je crois que le vampire est soucieux pour ta santé. Tiendrait-il à toi ?

La voix de Sokar ressemblait à une brise fraîche contre mon esprit.

Je ne pense pas. Mais, tu sais, il arrive que les gens se fassent du soucis pour des personnes qu'ils ne connaissent pas ou que très peu.

Quelle étrange façon de pensée...

J'admets ne comprendre que très peu ce genre de personne. Mais ils existent.

Mon esprit semblait se détacher progressivement de mon corps. Je sentis à peine que l'on me soulevait, me déposant sur une épaule pour être transportée plus facilement. J'étais déjà à mi-chemin de la dimension des ombres et de Sokar. Cependant, je n'arrivais pas à m'en détacher entièrement et restais en partie coincée à la matérialité. Je n'étais ni tout à fait humaine, ni tout à fait Nox. Les murmures de mes deux alliés se mêlèrent aux dires de l'être de ténèbres.

— ... pas sûr qu'elle y survive ...

— ... au moins essayer de la ramener à Eci ...

Je te comprends pas pourquoi tu t'obstines à rester mortelle, surtout après des événements comme ceux-là.

— ... il faut trouver le roi des Faunes d'abord, les démons risquent de le capturer avant nous ...

Quels peuvent bien être les avantages d'avoir un corps qui justifient que tu souffres autant ?

— ... ils n'ont pas réussi jusque là. Et comment le trouvons-nous sans son aide ? C'est elle qui l'a dissimulé ...

— ... es un vampire, non ? Utilise tes sens pour flairer l'odeur du sang ...

Mais c'est vrai que tu as toujours été comme ça. Je n'ai jamais compris ton attirance pour le monde matériel, Tana, et les autres Nox encore moins.

— ... ne connais pas son odeur. Si je suis le parfum du sang, je peux tout aussi bien nous mener à lui qu'à un lieu d'escarmouche ...

Cela doit être lié à tes pouvoirs. Oh comme j'aimerai qu'Aapef soit là ...

Le temps s'étira tandis que je ressentais à la fois les secousses de mon corps balloté et les ténèbres m'appelant au loin. Soudain, le ballottement s'interrompit et je sentis que l'on m'adossait à un mur. Le grincement d'une porte retentit puis un sifflement appréciateur résonna dans l'espace clos.

— Et bien, il ne faut pas l'énerver celle-là. Et tu dis que c'est une simple mortelle ? Maxen a un don pour dénicher les perles dans la boue...

— Actuellement la perle est en train de décéder donc hâtes toi de m'aider à déplacer Roman pour pouvoir demander à la chapelieuse de les soigner, l'interrompit sèchement Faelan. À moins que tu n'es peur de tâcher tes ailes ...

Leur conversation fut interrompue tandis que j'entendis le bruissement des vêtements d'une personne se déplaçant. Puis le claquement d'une gifle se répercuta contre les murs.

— Ce n'est pas parce que je tolère les manquements de l'ACE à mon égard que j'accepte que l'on me tutoie, déclara l'autre avec une voix suintante de mépris. Certes, Pairidaēza a clos ses portes mais ce n'est une raison pour mépriser son autorité. Nous autres akeros, ou anges comme vous nous appelez, restons vos supérieurs, sauf si vous voulez affronter l'Ahra Manyu sans l'aide des dieux.

Une sorte de feulement s'échappa de la gorge de Faelan mais il ne dit rien de plus.

— Parfait, je préfère ça. Ne t'inquiète pas, tu finiras par apprendre le respect comme tes maîtres avant toi, le chien des Tepes. Voilà ce qui va se passer maintenant, je vais aller détruire les stèles d'atéléportation avec ce fameux roi des Pans pendant que tu iras soigner la mortelle et prendre le commandement des forces d'infanterie que j'ai délaissées.

— Roman n'est pas en état de faire des recherches, il faut lui laisser le temps de guérir avant ! De plus, vous n'avez aucun droit au sein de l'ACE pour me donner des ordres ! s'emporta le vampire. Les anges perdus, vous n'êtes plus à Pairidaēza justement. La seule légitimité que vous avez est celle que nous vous avons offerte ! Et l'Ahra Manyu n'est pour l'instant qu'un conte pour enfants que vous agitez afin de combler votre absence de puissance !

Seul le bruit de leurs respirations suivit la déclaration de Faelan. L'autre ne dit mot, juste l'écho de ses pas s'éloigna de Faelan et moi pour se rapprocher de la porte ouverte un peu plus tôt. J'entendis le froissement d'étoffes, un hurlement qui se conclut en gémissement et enfin le tintement métallique d'une arme projetée contre le sol. De nouvelles lamentations retentirent tandis que l'ange sortait Roman de sa cachette pour le traîner sans ménagement.

— Le roi de pacotilles guériras, après tout c'est un Immortel, qu'importe si il souffre quelques heures supplémentaires. Tu n'oublieras pas de rendre son jouet à la mortelle, dit-il presque gentiment au demi-dragon. À ta place, je ne tarderai pas trop à la ramener à Ecila pour qu'elle la soigne, après tout c'est la seule utilité de notre chapelieuse. Et, juste un petit conseil, tu devrais faire attention à tes opinions.

L'ange s'interrompit, ménageant la tension.

— Car ce que tu viens de dire ne fait pas que frôler l'insubordination : cela ressemble mot pour mot à un discours démoniaque. Mais après tout, ce n'était pas comme si nous cherchions un traître ...

Et sur cette menace formulée à demi-mots, le bruit de ses pas s'éloignant ponctué des gémissements de douleur du roi des Faunes résonnèrent dans le couloir, avant de s'affadir avec la distance. Lorsque jusqu'à l'écho lui-même eut disparu, avalé par le silence des pierres, Faelan jura avant de hurler de rage.

Ce fut la dernière chose que j'entendis avant de doucement sombrer dans l'inconscience.

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Hey !

Oui, cette fois-ci, c'est un vrai chapitre xD

D'ailleurs je pense qu'il est suffisamment long pour compenser la longue absence ;p. Il fait très exactement 6666 mots (j'avoue avoir ajouté un adverbe afin d'atteindre les "666" xD), ce qui fait qu'il est même plus long que l'OS de Maxen, même s'il s'y passe moins de choses ^^

D'ailleurs, j'ai essayé de m'améliorer sur l'écriture des combats, je ne sais pas si cela s'est ressenti. Vous ont-ils semblé cohérents ? Et est-ce que ce chapitre vous a paru trop long avec cet enchaînement d'affrontements ou alors la tension arrive à garder votre attention ? D'une manière générale, quels sont les points forts ET faibles de ce segment ? Vos retours sont à chaque fois extrêmement instructifs et me permettent de progresser donc merci beaucoup d'avance ;)

Je vous annonce que cette fiction a eu la chance d'être sélectionnée par Wattpad pour être mise en avant dans les "Suggestions" de la catégorie Fantasy. Cela est grâce à vos lectures, étoiles et commentaires donc, une fois de plus, je vous remercie grandement :D. Peut-être que c'est moi qui écrit "Umbra" mais c'est vous qui la faite vivre ;). Vous méritez une pluie de chocolat ^^ (bon après, ce n'est pas le plus pratique à nettoyer xD)

Toujours en rapport avec les remerciements, la récompense ayant le plus de succès pour les 50k est ... le développement d'un point/aspect de l'univers ! (la compétition avec le prologue fut serrée ^^). Donc si il y a des parties de l'univers que vous aimeriez voir être développés, n'hésitez pas et à vos commentaires ^^ (comme d'hab quoi xD). Pour l'instant, je propose un approfondissement des anges/akeros, comment se passe la formation des magiciens, la société draconique, les vampires et leurs coutumes. Cependant, ce sont des propositions et j'avoue être plus qu'ouverte à vos idées xD

Bref, en vous remerciant toujours autant de lire, suivre et apprécier les péripéties de la Ténébreuse,

Chocolat ♥,

Kelewana




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