Chapitre XXXIV : Keeps Gettin' Better

Je ne sus pas comment, quelques minutes plus tard je me retrouvais en blouse blanche coincée entre une naine renfrognée et une nahual au sourire plus grand que son chapeau, déjà assez impressionnant. Je levai la tête afin d'observer l'étrange décor. La pièce faisait partie de la suite reconvertie en quartier général par l'ACE et l'on voyait encore les traces des marteaux utilisés pour casser les murs et agrandir l'espace disponible. Néanmoins, cela ne les avait pas empêché de redécorer la salle. Un paravent bariolé séparait en deux l'espace, créant d'un côté un coin plus personnel avec un simple lit et un atelier enfoui sous l'équivalent de la consommation annuelle d'antidépresseurs de Lana Del Rey en tissu et de l'autre, ce qui se pouvait se rapprocher d'une clinique en temps de guerre avec deux lits, une table d'opération et une cinquantaine d'outils aiguisés à faire pâlir d'envie Dr. House. Cependant si je supposais l'endroit réservé à Eci, c'était sans doute à cause des centaines de chapeaux accrochés aux murs, reposant négligemment sur les lits et recouvrant même le sol en piles touffues, laissant à peine un chemin pour circuler. Ainsi cohabitait et se superposait casquettes, hauts-de-forme, turbans, bonnets, feutres, képis et plus encore que je ne savais nommer. Aucun ne ressemblait à un autre, créant ainsi une explosion de formes, de couleurs et de textures pouvant s'assimiler à un Nagasaki de la chapellerie. Je dus m'arrêter un instant, clignant furieusement des yeux pour leur laisser le temps de s'accommoder. Je me fis la réflexion que l'on pouvait considérer cette avalanche de couvres-chef comme l'ultime défense de l'ACE pour protéger ses blessés. Si un assaillant arrivait à pénétrer jusqu'ici, il perdrait immédiatement la vue suite à l'implosion de ses globes oculaires face à ce spectacle.

Mais cela ne dérangeait en rien la propriétaire qui gambadait joyeusement au milieu de ce foutra en heurtant quelqu'uns de ces chapeaux sur son passage. La naine lui emboîta le pas de sa démarche lourde en ronchonnant tout en ramassant derrière la nahual les malheureux couvres-chef et les remit sur le côté. Ne sachant que faire, je les suivis à mon tour. Eci s'arrêtait de façon sporadique pour examiner un élément ayant capté son attention, qu'importe son emplacement et provoquait ainsi moult avalanches de chapeaux. La personne de petite taille (oui, j'eus une brusque poussée de politiquement correct très perturbante) ne broncha pas et continua de ranger inlassablement derrière la toujours-aussi-distraite féline. Ce petit manège cessa lorsque Eci hurla de joie. À la vue du pauvre objet broyé par son étreinte et de ses petits sautillements accompagnés de piaillements en tout genre, elle venait de trouver ce qu'elle cherchait. Mais avant que j'ai pu apercevoir ce qu'elle serrait dans ses bras, la nahual s'élança vers la partie de la pièce consacrée aux soins. La naine (ouf, j'étais guéris de ma crise de politiquement correct aiguë ) et moi ne purent que la suivre de nouveau, espérant qu'elle ne pile pas brusquement. J'avais la furieuse impression, au vu du comportement de mes deux accompagnatrices, que cela n'était pas inhabituel pour elles et me demandais si je devais considérer ça comme positif ou négatif. Dure, dure question. Et en plus, je n'avais même pas le droit à la calculatrice.

Après avoir contourné le paravent, je pus enfin entièrement voir la portion de chambre reconvertie en hôpital. Et sentis mon sang se glacer en voyant l'état de Maxen, gisant sur une table recouverte d'un simple drap blanc. Nathan était assis sur une chaise, près de lui et regardait le mourant d'un air grave. Quelqu'un, peut-être lui, avait ôté le haut du jeune homme et révélant ainsi à tous l'ampleur de ses blessures. M'approchant lentement, comme effrayé par ce que je pourrais voir, je m'arrêtais juste à côté du fae. Je levais une main, hésitante, et attrapai son poignet presque aussi pâle que le tissu sur lequel il reposait. Son pouls, qui auparavant était bas, était désormais à la limite du perceptible. Me retournant pour invectiver Eci de le soigner au plus vite, je fus heurtée de la voir perchée sur la table d'opération, ses jambes se balançant négligemment dans le vide et son regard fixé sur ce que je devinais être l'objet qui la ravissait précédemment. Ses prunelles semblaient chercher à mémoriser chaque détail de cet étrange chapeau, son doigt suivant les décorations dorées qui le bordait. C'était un chapeau melon, fait de satin mordoré et parsemé de perles. En le regardant de plus près, on pouvait voir qu'elles évoquaient des petits os avec leur couleur ivoire et avaient été cousues de sorte à reproduire un squelette humain sur tout le couvre-chef. C'était une véritable œuvre d'art et chaque seconde passée à l'observer révélait de nouveaux détails. Mais cela ne valait pas une vie.

-Hé, cela te dérangerait de faire ton boulot ? Je pense que ton chapeau survivra la nuit, ton patient non, l'apostrophé-je sèchement en désignant le corps de Maxen.

-Et ? me répondit-il en commençant à faire tourner le chapeau autour de son doigt.

-Et cela m'embêterait. Beaucoup. Or, j'ai tendance à régler mes problèmes en tapant. Beaucoup.

Eci daigna me regarder et écarquilla ses yeux pers.

-Oh, tu vas pouvoir écrire un livre alors.

Je soufflais d'exaspération et de colère mêlées. Entre Nathan et elle, il y en avait pas un pour rattraper l'autre. Cependant, alors que j'allais lui expliquer de façon plus physique mes dires, la naine sentit mon énervement et donna un ordre à la nahual :

-Eci, enlève ton chapeau. Maintenant, dit-elle d'un ton ne souffrant d'aucune contradiction.

La jeune fille ne réfléchit pas et n'hésita pas plus. Automatiquement elle ôta le couvre-chef de sa tête. Aussitôt ses traits perdirent l'expression ingénue pour se raffermirent et sculptèrent son visage, lui donnant un air plus âgé. Eci écarta son ancien chapeau et sauta de la table, puis se rapprocha de Maxen.

-Diagnostic, somma t-elle de répondre à la naine.

-Son nez et sa pommette sont éclatés.Une côte cassée a percé son poumon droit. Son coude gauche est brisé, et il a des traces de lacérations sur tout ses bras, son torse et ses jambes. De plus, des traces de brûlures couvrent son dos. Au vu de son état global et du fait que certaines plaies ont l'air d'avoir été guéries pour être rouvertes ensuite, je dirais qu'il a été torturé pendant deux, voire trois jours. Cependant, je ne suis pas habituée à soigner des mortels donc il se peut que je me trompe, conclut-elle après avoir récité ses observations. Je conseille le képi vert pour d'abord réparer les os brisés puis enchaîner sur le chapeau melon squelette pour accélérer la guérison de l'épiderme.

Elle m'adressa un regard critique du haut de son mètre vingt d'expertise médicale et ajouta :

- Cela nous permettra d'enchaîner sur le traitement de l'autre patient. Si j'en crois l'hémoglobine qui tâche sa blouse, nous allons en avoir besoin.

La nahual hocha la tête pour approuver et ôta le képi vert cité plus tôt d'un lit proche avant de le poser sur son crâne. Immédiatement, son expression changea de nouveau. Son regard se fit plus acéré, ses traits plus cyniques. Mais cela faisait étrange sur son visage, comme si ses mimiques n'étaient pas les siennes. Elle se mouva ensuite, plaçant ses mains sur le corps de Nathan et plus précisément sur ses membres brisés. Alors que je me demandais ce qu'Eci allait faire, la naine s'interposa entre nous deux et m'obligea à m'assoir sur une des couchettes inutilisées.

- Ne faites pas de bêtises, cela va être rapide. Si le seigneur Calas peut encore être sauvé, alors Ecila le saura très vite. Sinon, elle s'occupera de vous plus vite que prévu.

- Comment pourrait-elle y faire quelque chose ? Il faut trop de magies différentes pour le soigner... à moins que ses changements de comportement aient un sens plus grand qu'ils ont l'air, conclus-je en suivant mon instant.

La naine sourit d'approbation.

- Vous n'êtes pas trop stupide, vous savez vous servir de votre cerveau, c'est rare, dit-elle avec un air appréciateur accroché à son visage. Effectivement, Ecila est une Chapelieuse, une catégorie spécifique de sorciers. Elle peut lier la personnalité mais surtout les pouvoirs d'une personne à un chapeau. Dès lors, il lui suffit de le mettre sur sa tête pour les utiliser.

Elle s'arrêta un instant et nous contemplâmes toutes les deux la lueur verte s'échapper des doigts de la nahual pour baigner le corps de Maxen.

- Tous les chapeaux de cette endroit correspondent à une personnalité, à une utilité. Cependant, elle doit faire attention. À force d'utiliser le caractère des autres, elle risque de finir par perdre le sien. C'est le plus grand danger menaçant les Chapelieurs, reprit-elle après un court moment de silence. Mais la probabilité d'être capable de manier tous les pouvoirs existants est trop enivrante pour renoncer. Puis, elle est bien trop utile à l'ACE.

Un petit rire sarcastique ponctua sa déclaration. Cela ne l'empêcha pas de reprendre la parole en voyant Nathan s'agiter nerveusement sur sa chaise.

- Au moins, c'est l'une des rares membres dont les motivations sont connues.

- Et quelles sont-elles ? demandé-je, curieuse.

- L'appel de la science, bien sûr. Ecila voudrait savoir si elle pourrait faire un chapeau avec la personnalité de Lucifer. Ainsi elle atteindrait le but de tous les Chapelieurs : créer le chapeau le plus puissant, pouvant donner la capacité d'utiliser tous les pouvoirs existants.

Sur cette assertion fiévreuse, la naine termina de me parler et vint s'assurer du bon cours de l'opération auprès de la table des opérations. Entre temps, Eci avait ôté son képi pour jucher sur sa chevelure rousse le chapeau melon couleur mordorée qu'elle avait récupérée précédemment. De nouveau, l'expression sur son visage changea, perdant en cynisme pour gagner en passion scientifique. La curiosité éveillée par ce nouveau cas se lisait dans ses yeux alors que la nahual contemplait le corps de Maxen. Cependant elle se remit rapidement au travail, si bien qu'une dizaine de minutes et des lueurs bleues plus tard, elle recula et expira bruyamment.

- C'est fini. Ce fut dur, certainement l'un des cas les plus compliqués de ma carrière mais il devrait s'en sortir, diagnostiqua Eci avec une joie manifeste sur son visage.

La naine ne lui fit pas remarquer que ni médecin ni chirurgien n'était sa carrière et me désigna du doigt.

- Il te reste encore un cas à traiter, Eci. Mais il devrait être bref, ce ne sera pas aussi complexe que le précédent.

Ses mots brisèrent l'espoir de la nahual et ce fut à contrecoeur qu'elle approcha pour me guérir. Sa mine déçue devait sûrement être très convainquante sur un scientifique dans la cinquantaine mais sur elle, cela faisait juste penser à une gamine ayant perdu sa sucette aux fraises. Elle me fit signe de m'allonger sur le lit et me palpa brièvement le corps. Eci grommela quelques phrases sur l'imprudence des jeunes puis me conseilla de me préparer à encaisser la douleur.

- Je n'ai pas eu besoin de le dire à votre ami puisqu'il était dans le coma mais vous pourriez ressentir un léger inconfort, crut-elle bon de préciser. Attention, je commence.

À peine avait-elle finit sa phrase qu'Eci fit rayonner ses mains et les appliqua sur ma côte fêlée. Aussitôt une souffrance intense m'envahit, à tel point que mes yeux se révulsèrent et mes doigts déchirèrent le drap sous moi dans leur tentative se s'accrocher à quelque chose. Je tentais de lutter mais pour la seconde fois depuis le début de ce séjour, je tombais dans l'inconscience pour échapper à la douleur.

Et dire que j'avais failli pardonner Maxen.
_________
Hey !
Ça fait deux chapitres que je ne termine pas en plein milieu d'un dialogue, ça se fête xD
Non, plus sérieusement, je dois vous informer qu'il s'agit du dernier chapitre d'Umbra... pour les deux semaines à venir (pas folle non plus, écrire cette fiction m'éclate toujours autant :3). En effet, je passe un concours dans deux semaines (exactement la même période de temps, c'est fou comme le monde est bien fait !#sarcasme) et suis donc en révisions plus qu'intensives. Normalement, je n'aurais même pas du publier ce chapitre mais que voulez-vous, je vous aime trop pour vous abandonner ainsi ^^
Je continuerais de répondre aux commentaires entre deux fiches de révisions mais ne serais pas très active, malheureusement :/
En espérant que vous ne serez pas trop déçu et que je vous retrouverez dans deux semaines,

Chocolat ❤

Kelewana

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