Chapitre XVIII : Wanderers

Si je participais à une compétition de poker, j'aurais bluffé tous mes adversaires avec mon visage impassible malgré le battement raté par mon cœur. Mais le vampire ne fit qu'accentuer son sourire car aucun Oscar ne pouvait dissimuler mon rythme cardiaque brusquement irrégulier. Ce fut néanmoins d'un voix calme, trop calme même, que je lui répondis.

-Que savez-vous exactement ?

Seul un idiot aurait manqué la glace dans ma voix. Faelan me prouva qu'il possédait au moins autant de neurones qu'un caniche géant du Pérou. Son sourire se fâna tandis qu'il se redressait, méfiant. Il rapprocha lentement sa main droite de la poignée de l'épée accrochée à son dos. Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'aucune vitesse surnaturelle ne le sauverait de mon poignard dans son cœur.

-Je sais que vous n'êtes pas Auxanne Fuabal, commença t-il en détachant ses mots comme un gourmet appréciait un repas, à petites bouchées prudentes.

Je raffermis, presque avec nonchalance, ma main gauche sur la poignée de ma dague. Le vampire s'arrêta un instant et me dévisagea comme il le ferait avec un chaton montrant brusquement des prédispositions pour la physique nucléaire. Quoique, je ne suis pas sûre qu'il sache ce qu'est une bombe atomique. Peut-être que je lui ferai une petite démonstration pratique si il était gentil.

-Je sais aussi que vous n'êtes pas une banshee, même si c'est une découverte plutôt récente, ajouta t-il avec ironie. Je dois avouer avoir eu des soupçons dès votre petite démonstration dans l'abri. Comprenez moi, effectivement les banshees peuvent amplifier leur voix mais ce n'est pas ce que vous avez fait. Non, vous avez fait plus étrange encore. Vous avez accentué accentué l'écho de vos paroles.

Il m'adressa un coup d'œil suspicieux tandis que je me retenais d'effectuer un facepalm tout en gagnant le championnat olympique de lancer de dague dans macchabée. Évidemment qu'il savait que je n'étais pas une banshee après avoir bu mon sang ! Les sangsues pouvaient connaitre votre origine rien qu'en buvant une goutte de votre hémoglobine adorée mais aussi savoir si vous êtes malades ou si vous êtes en bonne condition physique. J'avais pris la décision de ne pas laisser en vie ce témoin gênant lorsqu'il interrompit mes réflexions.
-Attendez ! Nous pourrions nous entraider ! s'écria t-il. Un échange d'information, peut-être ?

J'arrêtai mon bras mais ne relâchai pas mon attention pour autant. J'avais usé de cette technique trop souvent.

-Vous avez quoi comme information ? Balancez-les avant que je ne change d'avis, lui rétorquai-je vivement.

-Je sais où sont réunis les membres de l'A.C.E.

Je fronçai les sourcils.

-L'Aïsse ?

Au vu de son regard, j'eus l'impression qu'il venait de tomber sur sur mon trophée de championne régionale de bowling avec têtes de chatons.

-Mais qu'est ce que vous faites là ? Seigneur Calas ne vous a pas recrutée pour vous faire rejoindre l'Alliance Contre l'Empire pandémoniaque ? me demanda t-il, abasourdi.

Je me drapai dans ma fierté blessée et lui répondis d'un ton plus sec que le désert des Milles Larmes.

-Si, évidemment. Il devait m'informer des détails avant sa...disparition, déclarai-je tout en notant soigneusement dans un coin dans ma tête que Faelan avait appelé Maxen "Seigneur".

-Et bien il a été fort imprudent. Donc si je comprends bien, vous êtes engagée dans une partie où vous ne connaissez ni les pions, ni les adversaires et à peine le plateau de jeu. Finalement vous allez peut-être devoir utiliser votre dette plus tôt que prévu, termina t-il avec un petit sourire en coin.

Haussant mon sourcil droit, je l'épinglai au mur en lançant trois de mes poignards et profitais de son immobilité pour lui chuchoter à l'oreille.

-Ne me sous-estime pas, blondinet. J'ai autant de raisons, si ce n'est plus, d'être ici que n'importe quel autre invité.

Collant une bise espiègle sur sa joue, je retirai mes armes du mur presque aussi vite que les y avais plantées et m'éclipsai dans ma suite. Je refermai la porte sur une vision des plus satisfaisantes, un vampire sidéré et cloué comme un papillon sous une loupe.

Cependant, les sanglots provenants de la salle de bain me ramenèrent à une réalité plus sombre.

Je fus face à la porte en quelques pas et toquai avec le plus de délicatesse possible sur le battant finement ouvragé. J'eus le temps d'en contempler les moindres détails et pouvais désormais reproduire les dauphins en acajou sans hésitation avant que Tina arrive à sécher ses larmes.

-Je peux entrer ? demandai-je en prenant garde à rendre ma voix plus douce que la caresse d'une mère.

Un petit reniflememt me répondit puis la jeune femme arriva à articuler une réponse.

-Ou...oui, vous...

Sa voix se brisa en plus de morceaux qu'un verre sur le sol. Prenant cette ébauche de réponse comme un acquiescement, j'entrai en ouvrant avec prudence.

La pièce, luxueuse, était composée d'une unique mosaïque aux milliers de pièces, toutes dans des coloris de bleu et de blanc et formant un motif en étoile avec l'immense bassin prétendant être une simple baignoire en son centre. On aurait dit un écrin de luxe pour une perle fissurée. La faible lueur dispensée par les lampes magiques ne parvenaient à en chasser les ténèbres, tapies dans les coins.

Tina flottait dans une eau savonneuse, ses cheveux ternes reposait tristement en corolle autour d'elle. Son teint était plus blafard qu'un fantôme, ce qui était particulièrement angoissant par rapport à son habituelle nuance ébène. Ses bras étaient serrés autour de ses jambes, sa silhouette recroquevillée en position foetale n'arrivaient pas à dissimuler les plaques de peau rouge d'avoir été trop frottée.

Avançant pas après pas, je me rapprochai et m'agenouillai au bord de la baignoire. Je ne savais quoi dire, les mots me semblaient insuffisants. Mes problèmes je les règlais dans des effusions d'hémoglobine, pas avec la subtilité des lettres. Je fis la seule chose qui me venait à l'esprit.

-Je te promets, sur mon honneur, de te venger. Je mets mes lames et mes carreaux à ton service.

Ma proposition souleva ses épaules en un étrange compromis entre le rire et les sanglots. J'hésitai à tapoter maladroitement son dos mais elle arriva à émettre une phrase.

-Vou...vous êtes gentille mais ce n'est pas nécessaire.

Elle s'arrêta de nouveau, agitant nerveusement une main dans l'eau.

-Pourquoi ce ne serait pas nécessaire ? la questionnai-je toujours aussi doucement.

-C'est évident ! s'emporta t-elle.

Son brusque accès d'humeur avait éclaboussé les murs de la salle. Sa colère n'avait cependant pas amoindri les larmes roulant sur la courbe de ses joues.

-Je ne vois pas pourquoi, explique moi.

Mon ton fit fondre ses dernières barrières et un flot d'eau salée dévala son visage. Je pris sa main et la caressa avec lenteur. Tina s'affaissa légèrement sur mon bras et hoqueta une explication.

-C'est...c'est ma faute ! Si je n'avais pas accepté...Oh tout est de ma faute !

Je la serrai dans mes bras avec plus avec plus de férocité qu'une lionne son enfant.

-Ma chérie...c'est un salopard manipulateur. Ce n'est en aucun cas ta faute, tu n'avais pas l'ombre d'une chance. 

-Si j'en avais une ! Oh, pourquoi je n'ai pas écouté mes visions, gémit-elle de plus belle.

-Tes ...visions ? répétai-je bêtement.

La jeune femme ne tiqua pas, plongée dans ses malheurs.

-Oui mes visions. Pourtant elles me montraient aussi heureuse à côté de lui...

-Ce n'est pas parce qu'elle te montrait heureuse que tu l'étais, tentai-je de résonner avec le peu d'information en ma possession.

Tina eût un petit sourire étranglée.

-Je me suis toujours reposée sur mon don, un peu trop. Je n'aurais pas dû.

Ne tenant plus, je la fis tourner vers moi et plantai mon regard dans le sien.

-Non ! Ne crois pas ses mensonges ! C'est lui le responsable, c'est un odieux connard  ! Ton unique responsabilité dans cette affaire est d'avoir cherché du bien en lui. Ne le laisse pas pourrir ton esprit, bats-toi pour lui arracher ce sourire arrogant de son visage ! Nous le ferrons à deux si il le faut, mais sache que son crime ne restera pas impuni.

Je ne sais pas si c'était la chose à faire, les paroles à dire. Mais ce fut le premier pas vers un long et douloureux voyage que Tina allait devoir effectuer dans son esprit : la recherche de la paix.

À force de cajoleries et de paroles apaisantes, la jeune femme accepta de quitter la pièce. Cela ne fut pas sans difficulté, particulièrement lorsqu'elle dut se montrer nue. Cependant nous réussîmes.

Ma nouvelle protégée se pelotonna sous une couette et je restai à ses côtés afin de l'aider à dormir. Comme cette scène aurait fait rire Maxen ! Moi, la Ténébreuse, une tueuse à gage sans pitié, affairée à conter à mi-voix les fabuleuses aventures de Philibert le cheval narcoleptique invisible dans un moyen-âge enchanté à une jeune adulte traumatisée par ses désillusions. C'est dommage pour lui, elle était vachement bien l'histoire de Philibert...En tout cas selon Tina, et c'était la seule personne pour qui cela comptait.

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