Chapitre XV : I Bet My Life

La meilleure façon d'amorcer un dialogue poli et distingué, c'est de gifler vigoureusement votre interlocuteur. Surtout avec votre belle-mère. Comment avez-vous deviné que je n'ai pas beaucoup d'amis ?

Ce fut donc avec une joue rouge tomate éclatée assortie au magnifique bleu naissant sur sa tempe gauche que le tout juste sacré roi de mes emmerdes reprit la parole.

-Aïe, sucre d'orge, fallait me le dire si tu préférais le faire à la dure. J'aurais amener mon...matériel, ajouta t-il avec un regard suggestif.

Son commentaire servait en réalité à dissimuler une tentative plutôt vicieuse de sa part pour se libérer. Une deuxième gifle, sur la joue droite cette fois, interrompit ses mimiques grivoises. J'adore la symétrie, pas vous ?

-Sucre d'orge ? Pourquoi pas ma poule tant que tu y es ? lui rétorquai-je.

-Si tu veux, bébé. Je suis prêt à te donner tous les noms que tu veux.

-Et pourtant tu es incapable d'en reconnaître dans la bouche d'une femme.

Il eût un sifflement appréciateur.

-Jolie pirouette sémantique.

-Presque aussi joli que l'état de ta figure quand j'aurai fini de la refaire.

-C'était vulgaire ça, sucre d'orge.

-Et violer quelqu'un, c'est quoi ?

-Une expression de mon mode de vie épicurien ? répondit-il avec aplomb. Je cherchais en vain une trace de regret dans ses yeux. Peine perdue, j'aurais mieux fait de chercher une trace de santé mentale chez le Joker.

-Mauvaise réponse.

-Tu aurais préféré que je m'excuse ? Mais elle l'a cherché, sucre d'orge. Je l'ai accueillie chez moi, n'importe qui aurait attendu une rétribution. Moi, je lui demande juste un peu de bon temps, conclut-il avec un rictus.

Une torsion de stylet et trois entailles sur le visage et la gorge plus tard, le monarque des Faunes put enfin reprendre la parole. Finalement la symétrie, c'était très surfait.

-Sucre d'orge, on va pas pouvoir continuer notre relation comme ça, tu as trop de haine en toi. Il faut que tu apprennes à t'accepter, arriva t-il à haleter avec difficulté.

-T'as raison, je vais prendre un rendez-vous chez un psy pour couple. Je pourrais même y inviter ta femme, riche idée non ?

-Elle risque de ramener son amant elfe, tu sais comment ils sont arrogants et prétentieux... ça ne serait pas drôle.

-Tu sais ce qui serait drôle ? Te voir décéder dans d'affreuses souffrances. Essaie de me motiver de te laisser en vie, pour voir.

-Facile. Je sais où est ton ami Maxen.

-Prends moi pour une idiote. Le temps que je vérifie, tu auras filé.

-Je suis un roi Fae ne l'oublie pas. Ma parole a plus de valeur que ma propre vie. Faisons un marché.

-Pour que tu me répondes quelque part ou alors le nom d'une dimension plus grande que les fesses de ta mère ? Non merci ça ira. Soit tu me dis tout ce que tu sais maintenant, soit je te débarrasse de ton agaçante tête.

-Allons sucre d'orge, soit raisonnable. On ne va pas...

Je rapprochais le stylet de ce qu'il lui restait de coeur avec la délicatesse d'un papillon champion de MMA.

-Attends ! Je vais tout te dire ! Je veux juste être sûr que tu ne me tueras pas. Ta parole me suffira, ajouta t-il d'un air doucereux.

-Je jure de ne pas te tuer...

La victoire s'affichait déjà sur son visage.

-Durant les prochaines vingt-quatre heures sauf si j'estime que tu représentes une menace pour mon intégrité physique et morale ainsi que celle de ceux qui m'entoure.

Si ses émotions pouvaient être affichées au-dessus sa tête, un magnifique émoticône déçu trônerait tel une auréole.

-Tu croyais vraiment que je n'avais encore jamais traité avec des faes ? dis-je, moqueuse.

Effectivement c'était le cas, néanmoins j'avais beaucoup potassé le sujet. Comptez sur moi pour tout savoir sur les questions de vie ou de mort. Ça compensait ma quasi absence d'instinct de survie.

Le roi se ressaisit rapidement et enfila de nouveau son masque de charmeur.

-Tu allies beauté et intelligence, sucre d'orge. Cela ne te dirait pas de venir faire un petit tour avec moi, histoire d'apprendre de nouveaux trucs ?

-On n'apprend pas au vieux singe à décapiter des rois. J'ai respecté ma part du contrat, à vous d'en faire de même.

Il soupira.

-Tu es dure en affaire, sucre d'orge. D'accord, Maxen est encore dans le château.

Il se tut. J'attendis la suite. Elle ne vient pas. Je décidais de l'attirer à moi en jouant de mon couteau comme d'un archet sur le violon de son cou.

-La suite ? demandais-je, un sourire angélique plaqué sur le visage.

Le faune déglutit. Il semblerait que mon sourire ait été moins angélique et plus démoniaque que je le voulais. Puisqu'il ouvrit la bouche, je considérai le but premier de cette contorsion faciale accompli.

-Sucre d'orge, il semblerait que tu sois moins maligne que tu me l'as fait croire. Un marché est un marché. Tu m'as demandé où il était en échange de ma vie, et c'est ce que nous avons fais.

-Certes mais tu oublies un paramètre de notre marché. Je t'ai promis de ne pas te tuer mais elle n'a rien dit, déclarai-je en pointant du doigt son ex-victime. Or, selon les termes de notre marché, je peux légitimement croire que son intégrité physique et morale pourrait être mises en danger par votre faute.

Cette dernière s'était recroquevillée autour de ma dague. Peut-être manquait-elle de jugeote quant au choix de ses compagnons de pérégrinations dans des lieux obscurs mais elle avait au moins un bon réflexe : toujours attraper une arme qui traîne. Après, au vu de ses jambes serrées et de ses bras tendus, la jeune femme ne savait pas s'en servir. Une étape à la fois me morigénai-je.

-Donc tu me racontes tout ce que tu sais et j'éviterai éventuellement de faire de toi un jambon ibérique.

-Et je suis pas d'origine ibéri-

J'adorais faire tourner le manche de mon stylet, vraiment c'était presque orgasmique.

-Arrête, arrête ! D'accord je vais tout te raconter. Ça a commencé hier, peu de temps après mon arrivée. Je venais de m'installer en toute quiétude dans mes quartiers quand soudain j'ai entendu des coups à la porte. Mes courtisans n'étant pas dans ma suite et les valets trop occupés à défaire les bagages, j'eus la bonté d'aller ouvrir la porte moi-même. Mais à peine avais-je repoussé le battant qu'un Maxen ensanglanté s'effondra à mes pieds.

Il fit une pause, ménageant le suspense avec l'expérience d'un comédien bègue d'une troupe amateure.

-Naturellement, je décidais de le soigner, reprit-il après un court, mais néanmoins gênant, silence. Son corps était recouvert de griffures et sa joue était marquée d'un signe étrange...je ne le connais pas mais je peux le décrire.

-Allez-y, lui dis-je en soupirant. Encore une énigme qui n'allait me mener nulle part.

-C'était une forme bizarre, un demi-cercle englobant un petit ovale, lui même reposant sur une figure en amande. Un petit triangle cassait la ligne droite du demi-cercle et s'inscrivait au dessus de l'ovale. Cela t'évoque quelque chose ?

-Non, rien du tout. Continues ton histoire.

-Où en étais-je déjà ? commença t-il avant de brusquement retrouver sa mémoire face à mon sourire angéliquo-démoniaque. Ah oui, après l'avoir soigné avec l'aide de mon médecin personnel, je décidais de le laisser se reposer. Lorsque je revins une heure plus tard, le lit était fait et une note reposait sur les draps. Notre connaissance commune me remerciait pour mon aide et me prévenait de me méfier des membres de notre petite réunion. Il avait la certitude que c'était l'un d'entre eux qui l'avait trahi. Je ne le revis plus puisque c'est à ce moment précis que les gardes vinrent nous chercher pour nous amener dans l'abri.

Son récit me laissait perplexe. Il comportait plus de nouvelles interrogations que de réponses. Je laissai ma première question franchir la barrière de mes lèvres.

-Pourquoi est-ce en toi qu'il a eu confiance pour le soigner parmi tous les invités et serviteurs ?

Le roi me fit une remarquable démonstration de haussage de sourcil gauche. C'était officiel, je le détestais.

-Enfin voyons, l'ennemi de ton ennemi est ton ami, sucre d'orge. C'est la base en politique, et je ne crois pas qu'il ait beaucoup de personnes qui déteste l'Empire Pandémoniaque plus que moi.

Cela me semblait étrange comme motivation pour un homme blessé se traînant à la seule force de sa volonté, mais je lui laissais le bénéfice du doute. J'irai tout de même enquêter autour de sa suite, peut-être trouverai-je un passage ou un indice.

-As-tu des idées ou indices sur l'identité du traître ?

-À part la marque sur son visage, aucun. Nous avons tous des griefs et des morts à reprocher à l'Empereur et ses sbires.

Génial. En plus de mes problèmes, je devais dénicher un traître au sein d'une assemblée composée d'inconnus. Joie et félicité n'étaient pas les mots les plus appropriés pour décrire mon humeur.

Ma tâche accomplie, j'interpellais la jeune femme.

-Eh, toi ! Viens par là.

Hésitante, elle avança à petits pas dans ma direction. La lueur bleuâtre des pierres magiques me dévoila son identité. Sa peau d'un brun café chaleureux recouvrait des traits fins encadrés de cheveux sombres évoquant l'ébène. Elle était belle comme un cœur et surtout terrorisée. C'était la jeune femme qui avait remis en cause les capacités de Ian à diriger la cérémonie. Je grimaçai. J'avais donc une gamine, à priori humaine puisque ses bleus n'avaient pas guéri durant le petit interrogatoire du faune, n'étant pas au courant des enjeux cachés que dissimulait cette affaire. Voyant qu'elle hésitait à se rapprocher plus, je l'apostrophai de nouveau.

-Allez, viens ! N'ai pas peur, le Grand Méchant Loup est inoffensif maintenant.

Pour appuyer mes propos, je donnai un vigoureux coup de poing dans le ventre de son agresseur. Son grognement me conforta sur la validité de mes capacités physiques sous ma forme mortelle.
Cela sembla la rassurer et elle parcourut les derniers mètres un poil plus vite que sa vitesse précédente de gazelle effarouchée.

-Quel est ton nom ?

J'avais essayé de prendre un ton doux et rassurant. Résultat mitigé puisqu'elle esquissa un pas en arrière avant de parler.

-T...Tina.

J'avais trouvé la mystérieuse inconnue de la liste. Et la raison de sa présence dans la suite du roi ci-présent. Par contre je ne savais toujours pas pourquoi elle avait décidé de venir.

-C'est un très joli prénom. Tina, voilà ce que je vais te proposer. Ce connard est désormais inoffensif mais ce ne sera que provisoire. Donc je t'offre l'opportunité de te venger de la façon que tu veux.

Le faune ouvrit grand les yeux et commença à se débattre.

-Hé mais je suis pas d'accord moi ! J'ai coopéré !

Un bon coup de pommeau derrière l'oreille le sonna momentanément. Je repris la parole et lui susurrai :

"-Une action égoïste ne compense pas une mauvaise action. Tu vas nous laisser te donner une leçon que ta mère aurait du t'apprendre il y longtemps et en silence, sinon tu regretteras les pires bourreaux des Maginarchies. Suis-je claire ?

Son hochement de tête épouvanté m'assura de sa coopération. Une bonne chose de faite, je me retournai vers Tina tout en gardant d'une main ferme mes appuis sur mes armes.

-Maintenant il est à toi, fais-en ce que tu veux.

Ses yeux sombres étaient tourmentés par le doute.

-Je ne sais pas quoi faire ! Je...je, paniqua t-elle avant d'éclater en larmes.

Comprenant que cela allait durer un bon bout de temps, j'assommais son agresseur dans un soupir et me levai pour la rejoindre.

-Là, là, oui c'est bien ma belle. C'est fini maintenant, tu le sais ? Il ne pourra plus jamais te faire de mal.

-C'est vrai ? me demanda t-elle dans un hoquet.

-Mais oui. D'ailleurs, rends moi mon arme, je vais t'en donner une autre plus adaptée pour te défendre.

Le visage baigné de sanglots, la jeune femme me tendit ma dague et je glissai entre ses doigts un stylet en acier.

-Tiens, c'est un stylet. C'est un poignard à lame triangulaire très fin. Cela permet de faire des blessures profondes avec un minimum d'effort. Attends, je vais l'accrocher à ton poignet.

Enroulant d'abord mon bracelet autour de son bras, je lui montrai le fourreau caché et y fis glisser la lame. Mes gestes parurent la rassurer peu à peu, ses hoquets disparaissant progressivement.

-Voilà, c'est fait. Comme ça, si jamais tu te sens en danger, n'hésite surtout pas et frappe avec ton point serré autour du manche. Entraîne toi à le dégainer vite pendant vingt minutes ce soir et tu pourras te défendre de n'importe qui.

Je ne compris pas pourquoi mes paroles ravivèrent ses larmes. Face à mon air interloqué, elle tenta de m'expliquer entre deux balbutiements.

-C'est que...normalement je dormais dans la suite réservée aux faunes mais ce n'est plus possible.

Tina redoubla ses pleurs et je lâchais un nouveau soupir.

-Ne t'inquiètes pas, tu peux venir dormir dans ma suite si tu veux. J'ai plusieurs lits en plus.

Elle me regarda avec un espoir plus grand que mon orgueil dans les yeux.

-Je peux ? Vraiment ?

-Mais oui, puisque je te le dis.

Elle se détourna aussitôt, un doute tordant son beau visage.

-Qu'est ce qu'il y a, Tina ? Tu peux me le dire, lui déclarai-je avec plus de guimauves dans la voix qu'il y en a dans un chocolat chaud de luxe.

Elle se mordilla la lèvre avant de prendre la parole.

-Et bien, puisque vous êtes gentille, est-ce que vous pourriez m'apprendre à...combattre ?

Son ton se fit suppliant sur le dernier mot. Avoir une humaine traumatisée presque aussi dénuée d'instinct de survie que moi en tant qu'apprentie alors que nous sommes en plein territoire ennemi sans alliés et sans mes pouvoirs ? Il n'y a qu'une seule réponse dans ce genre de cas.

-J'accepte.

_______
Hey :) !

Juste un petit message pour vous demandez ce que vous pensez des dialogues/interactions entre les personnages dans ce chapitre et surtout, est ce qu'ils sont cohérents. Le personnage de Tina me tient particulièrement à coeur car il aborde un thème grave (souvent traité avec maladresse) et je ne sais pas si son comportement paraît logique, de même avez-vous l'impression que la violence à l'égard de Roman le roi des Faunes est exagérée ou alors qu'il aurait du être encore plus "puni" ?
Voilà, je me permettais juste de vous adresser ce petit message car ses questions m'ont beaucoup travaillé l'esprit et c'est ce qui a ralentit l'écriture :/ (tout du long j'avais l'impression de marcher sur des oeufs, le sujet étant beaucoup trop grave pour être pris à la légère)
Merci d'avance pour vos réponses et en espérant que la lecture n'a pas été trop horrible,

Kelewana

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top