Chapitre VIII : Toxic
Première chose à faire si votre maison/appartement/palace de mille mètres carré a été fouillé, c'est de vérifier si les indiscrets sont toujours présents sur les lieux. Pour cela, j'ai mis à profit la semi-pénombre qui régnait dans la suite pour me couler dans mon aspect de Ténébreuse.
Immédiatement j'étais liée aux ombres des environs. Je ne peux pas étendre ou voir ce qui se passe non loin d'une ombre, quoi qu'en pense les rumeurs, mais j'ai une sorte...d'instinct qui m'alerte vers certaines zones.
Malheureusement aucun de mes pillards n'avaient décidé de faire un petit somme ou de bêtement s'assommer pour que puisse les trouver. Vraiment, on ne pouvait plus compter sur la bêtise des malfaiteurs de nos jours, les valeurs se perdaient.
Mais en inspectant les pièces, je me rendis compte que j'avais parlé un peu vite. Dans le salon, une étrange tâche sombre avait capté mon regard. Là. Sur le sol.
Je me suis accroupie et ai palpé du doigt. C'était du sang. En levant la tête je pus voir la cause de la coupure.
Un tableau était accroché légèrement de biais et camouflais un creux dans le mur. Sauf que Maxen n'était pas aussi stupide pour dissimuler un bien précieux dans une cachette aussi répandue. Non, à la place il avait installé un piège magique et enchanté le sol pour qu'il absorbe la moindre goutte de sang s'écoulant d'une coupure. Si j'étais quelqu'un d'honnête, je l'aurais fait grimpé d'une ou deux places dans mon classement d'intelligence. Mais puisque je me considérais plutôt comme quelqu'un de foncièrement injuste, cela lui a juste permis de consolider sa place.
Maintenant que l'on a passé la première étape, vient logiquement la troisième. Oui, car la deuxième étape, appeler un membre des forces de l'ordre, était quelque peu déconseillée et surtout impossible. Dans les petits plaisirs de devoir vivre dans l'équivalent d'un dictature, ne pas savoir différencier mafias organisées et police était en bonne place, et surtout s'appliquait à mon problème. Donc j'ai pris mon idée, l'ai recouverte d'un mouchoir (en dentelles brodées à la main) et ai posé l'Empire State Building dessus.
Cette fameuse troisième étape porte aussi le charmant surnom de "j'avais rangé ça où, déjà ?". Bref, je me suis retrouvée à devoir faire le tri, plier, ranger toutes les affaires de cette suite. Et ce fut long. Très long. Beaucoup trop long. J'eus un petit moment de satisfaction en voyant que ma valise magique scellée qui m'avait coûtée les yeux de la tête, un rein et trois jambes avait survécu et eut un frisson de bonheur envoyant que mon arbalète y était toujours rangée.
Douillettement installée dans son étui de velours, mon arme favorite reposait en paix. Je l'attrapais et la contemplait avec béatitude. Vous vous dites que j'en fais peut-être beaucoup, que cela reste seulement un objet. Mais vous avez tort. Pour moi, mon arbalète est ma meilleure amie, celle sur qui vous pouvez compter à toute heure du jour et de la nuit. Elle ne m'avait jamais déçue. Et désormais lorsque je la maniais, elle était une extension de ma volonté et non un banal objet. Composée d'une subtile alchimie entre métal, ébène et corde, mon arbalète était d'un noir velouté avec quelques inscriptions en argent sur la crosse. Tout en elle était harmonieux avec ses poulies et ses quatre branches, ses courbes qui auraient étaient d'une volupté indécente sur une silhouette féminine et l'aura de danger mortel qui l'entourait. Car oui elle était comme moi, pleine de surprises. Il s'agissait d'une double arbalète, permettant de tirer deux carreaux simultanément.
Ce fut le cœur empli de regret à l'idée de devoir me séparer à nouveau d'elle que je la sortis de la valise pour la dissimuler derrière le tableau. Pourquoi ? Et bien parce que l'unique raison qu'elle ne m'ait pas été dérobée, est que les voleurs n'étaient pas assez bien équipé pour faire sauter les verrous magiques ni pour déplacer son imposante masse. Et quoi de mieux qu'un endroit où ils avaient déjà fouillé pour cacher mon arbalète. J'ajoutais tout de même quelques précautions de mon cru. Un sourire machiavélique découvrit mes canines. Le prochain qui toucherait ce tableau aurait une très mauvaise surprise.
Toutes ses bonnes choses de faites, je m'affalais dans le divan de cuir qui régnait majestueusement dans le salon. Il fallait vraiment que j'établisse un plan d'action. Je me massais le haut du nez en réfléchissant.
Première interrogation, comment Lucifer avait appris pour la réunion secrète ? Bon je suppose que si j'étais une impératrice maléfique avec des envies d'hégémonie, je ferais surveiller un minimum mes principaux ennemis. Et que la majorité de leurs conseillers décident brusquement de s'enterrer en pleine cambrousse pour une quelconque cérémonie était plus qu'étrange. Mais ne pourrait-il pas y avoir aussi quelques traîtres au sein des invités en plus des espions de Lucifer ? Le problème était que je ne connaissais personne ici et que j'allais devoir tâtonner le terrain le plus discrètement possible. Je mis à jour mon post-it mental en rajoutant comme tâche "voler la liste des invités". J'en profitais pour gribouiller le plus salement possible sur le "féliciter Maxen pour son service de sécurité".
C'était d'ailleurs une de mes plus grandes interrogations. Comment Ian avait réussi à conquérir l'endroit ? Que Lucifer se soit défait d'un de ses plus fidèles hommes (pardon, démons) était déjà risqué mais en temps de guerre comme maintenant, il ne devrait pas pouvoir s'octroyer le luxe de se passer d'une légion. Or en vue de la rapidité du combat et du nombre de soldats, c'était ce qu'il avait fait. Il me fallait vérifier cette histoire, ne serait-ce qu'en effectuant un rapide survol des troupes. J'allais devoir aussi essayer de trouver les sales fouineurs de ma suite car même si je soupçonnais fortement que ce soit les démons, cela pouvait être un invité ayant profité de la confusion quia suivi le début de l'attaque.
Restait le dernier mystère, la place de Maxen dans cette histoire et ce qu'il lui était arrivé. Je ne voyais pas pourquoi on aurait tenté de le tuer mais il est vrai qu'il a pu être un dommage collatéral lors de la prise du palais. Je fronçais les sourcils. Non ce ne pouvait être ça, sinon Ian aurait su ce qu'il lui était arrivé. À moins qu'il ait un intérêt à ce qu'on croit Maxen en vie ? Tout cela était bien mystérieux, d'autant plus que je ne savais pas exactement qu'elle aurait du être la place de mon mage préféré si tout c'était déroulé comme prévu.
J'en projetais un coussin de frustration. Cette situation m'apparaissait comme un puzzle de mille pièces monochromes dont on m'avait volé la moitié des pièces, et spécialement les quatre coins. Je sentais que j'allais perdre des neurones sur cette affaire. Mais puisque ma vie en dépendait potentiellement, je décidais de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Non, je blague. Je décidais que la meilleure défense c'est l'attaque et sortis en sautillant gaiement à la recherche d'une innocente victime. Que voulez-vous, on ne change pas sa nature.
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