Chapitre VI : Smile Like You Mean It
Bon. Il me fallait un plan. D'urgence. Je regardais autour de moi, espérant qu'un miracle aurait brusquement décidé de s'incruster à cette petite fête. À la place, je vis la crise d'angoisse d'une invitée qui s'acheva avec son évanouissement. Malgré sa perte de conscience, elle arriva à s'affaler sur une âme charitable, fort embêtée de ce fardeau, sans déranger une seule mèche de son brushing. Quand elle se rendit compte du peu de cas que faisait le public à son propos, elle se réveilla brusquement et s'appuya sur son sauveteur en le collant tellement qu'elle ressemblait à une algue collée à un rocher. J'approuvais son choix. Le mec était mignon avec un visage d'ange et des cheveux d'ébène.
Pendant ce temps là, notre hôte démoniaque s'était débarrassé de l'illusion qui cachait son héritage démoniaque. Désormais il arborait une magnifique paire de corne torsadées couleur vieux cuivre. Quatre crocs très distingués ornait sa denture toujours aussi impeccable. Comme quoi, on peut être un démon et avoir une hygiène dentaire. Il eût un petit rire et précisa :
"-Afin d'assurer votre sécurité, nous avons installé des stèles empéchant la téléportation de l'extérieur vers l'intérieur et...inversement."
Les cris dépités des quelques magiciens qui tentaient encore de tracer un portail à la craie retentirent dans le bunker. Les démons se moquèrent d'eux bien que tout le monde savait qu'ils avaient déjà tenté de se téléporter et échoué encore plus lamentablement que la campagne napoléonienne en Russie.
Ian avait sorti une liste tâchée de sang et déclara de sa voix toujours aussi suave :
"-Bien, maintenant nous allons procéder à l'appel des convives. Merci de bien vouloir vous avancer à la mention de votre nom, vous serez ensuite escorté jusqu'à votre chambre.
Cela me chagrinait que sa liste soit éclaboussée d'hémoglobine car cela signifiait la mort quasi certaine du charmant garde de la porte. Je m'étais démenée pour rien...Et cela faisait un allié potentiel en moins.
-Valentia De Syl, duchesse des Sorciers ! annonça le démon."
La rousse évanouie-pas-si-évanouie-que-ça se dégaga d'un coup d'épaule de l'étreinte de son sauveur et s'avança de cette démarche hautaine innée aux aristocrates. Elle prit la pose en s'immobilisant quelques secondes, permettant à chacun de mieux la détailler. Son cou gracile était arqué afin d'apprécier sa peau pâle, sa silhouette toute en courbes harmonieuses et la longueur indécente de ses jambes à peine dévoilées par son étoffe en soie. La duchesse était l'équilibre parfait entre fantasme masculin et délicatesse aristocratique. La pensée qu'elle usait d'un charme me traversa l'esprit plus vite qu'Usain Bolt un cent mètres.
Ian l'observa un instant avant de ronronner :
"-C'est un honneur, ma chère, de vous savoir parmi nous. Mon seigneur sera ô combien honoré de connaître votre dévouement envers les Dieux lumineux.
-Faites donc, mais n'oubliez pas de préciser avec quelle goujaterie vous nous avez fait patienter dans cette horrible salle ! "
Valentia leva sa robe griffée et sa tête de dédain, puis passa entre les deux joueurs de je-suis-un-arbre sans même leur accorder un regard. Le bras droit de Luc par contre, laissa quelques secondes de plus que nécessaire son regard fixé sur elle. Lorsqu'il fit à nouveau face à l'assemblée, j'aurais juré voir des flammes danser dans ses yeux. Je pouvais féliciter la duchesse pour l'efficacité de son charme.
Mais il s'était déjà repris de son coup de foudre et clama :
"-Roman de Scylla, roi des Faunes et sa reine, Astrée de Céladon !
L'homme qui se dirigea vers Ian était grand et bien bâti, mignon dans le genre Hercules. Aussi châtain que sa femme pendue à son bras, les deux avaient une petite paire de cornes torsadées qui retenait leur couronne. Ce furent de leurs yeux noirs comme l'obsidienne qu'ils fixèrent le démon.
Ce dernier, nullement impressionné, leur adressa un petit mot :
-Si jamais vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas et demandez à un de vos gardes. Pour assurez votre royale sécurité, nous vous avons attribués deux gardes du corps."
Les deux souverains firent semblants d'être enchanté de la présence obligatoire d'espions dans leurs appartements, à peine déguisée, et repartirent d'un pas hautain. Je n'aurais jamais crût que je qualifierais un jour une démarche de hautaine.
Mon étonnement fut de courte durée car aussitôt après que le couple royal ait quitté la pièce, le démon appela Auxanne Fuabal.
Mon unique réaction fut de cligner des yeux. Déjà, autour de moi, l'on cherchait du regard cette mystérieuse invitée. J'étais en proie à la plus grande confusion. Devais-je avancer et endosser cette identité ? Ou alors rester dans l'ombre et me fondre dans la masse ? Rapidement je me rendis compte des problèmes que l'anonymat engendrerait. Je ne pourrai me cacher indéfiniment et tant qu'à présenter une fausse identité, autant que ce soit une solide avec une véritable raison quant à ma présence. Inspirant un bon coup, je sortis des ombres et fis un pas en avant.
Immédiatement les chuchotements résonnèrent à mes oreilles et je dus affronter le regard impitoyablement curieux d'Ian. Je savais parfaitement ce qu'ils voyaient tous.
Une jeune femme, dans la vingtaine, ni grande ni petite, frôlant le mètre soixante-dix sans l'atteindre. Des cheveux blonds argentés et des traits qui, sans être mémorable, avait le mérite d'être agréables à regarder dans l'ovale doux de son visage créaient une fausse impression de douceur. Cela contrebalancait ma silhouette aussi souple qu'une liane mais débarrassée des courbes qui l'auraient rendue féminine. Que voulez-vous, c'était la conséquence d'un entraînement martial rigoureux et quotidien.
Je cultivais cette normalité comme d'autres un jardin. Puisque je n'avais pas la capacité de Maxen a manier les illusions, je travaillais mon apparence de façon à me fondre dans la masse en toutes circonstances, nécessité pour tout bon tueur à gage. Ne dévoilez votre panache qu'au dernier moment les amis, le résultat sera plus satisfaisant et le travail plus rapide. Comment croyez-vous que j'ai réussi à tenir trois ans sans qu'aucune description fiable de ma personne soit faite ?
Les seuls détails étranges de mon apparence était ma peau anormalement pâle, conséquence de vivre dans le noir et qui corroborait mon identité de banshee, et mes yeux gris.
C'était mon principal défaut physique et mon grand désespoir (Après mon incapacité à lever mon sourcil gauche, évidemment). Cette couleur peu commune marquait plus facilement les esprits qu'une banale, mais ô combien pratique teinte brune. Je lui accordais cependant un avantage, celui de faciliter les regards-qui-tuent (Bien qu'aucun de ses destinataires ne m'en aient félicités à cause de la nature même du regard-qui-tue).
Le démon reprit la parole :
"-Vous semblez être en bonne forme malgré la...disparition de votre compagnon.
J'avoue que dans la catégorie sans-gêne, il venait de passait premier. J'étais sur le point de le remettre à sa place lorsqu'un invité prit ma défense.
-Comment pourrait-elle bien aller ? Elle ne sait même pas si elle peut chanter pour son cavalier ! Et tout comme chacun d'entre nous, elle craint pour sa vie qui est suspendue par le larbin d'un despote ! "
En effet les banshees avaient pour coutume de chanter à la mort de leurs proches. En fait, elles chantaient uniquement pour se défendre ou honorer un défunt. Vous n'entendrez donc jamais une banshee chanter sous la douche.
Je regardais l'homme qui était extrêmement bien renseigné et sur mon identité, et sur ma supposée race. Grand, bâti comme un épéiste, il rayonnait de lui une assurance et une arrogance incroyable. Il semblait prêt à combattre le monde avec la lame à deux mains accrochée dans son dos et défiait l'assemblée de son regard de jade logé dans un visage à la mâchoire carrée et au nez cassé. Une peau pâle et des cheveux longs dorés complétaient sa description. Sans être beau, il était remarquable et il émanait de lui une sorte de charisme grisant. Mouais. Ça ressemblait beaucoup trop à de la magie pour que je sois à l'aise. L'équivalent magique du compteur Geiger devait être en train de crever le plafond avec la quantité colossale de sorts et charmes qui flottaient dans l'atmosphère.
Le bras droit de Luc eût un rictus à la vue de mon défenseur.
"-Faelan...je suppose que ton roi ne s'est toujours pas décidé à reconnaître l'autorité du mien.
-Ian...toujours aussi optimiste. Crois-tu vraiment que nous, les vampires, aurions accepté cette forme d'esclavage déguisée ? "
Le beau gosse était un macchabée ? C'est vrai qu'ils sont réputés pour leur beauté mais je n'avais encore jamais été attirée par la viande froide. En réalité je savais parfaitement que le charisme était un des dons inhérents au vampirisme. Comme les incubes et succubes, ils étaient les prédateurs du genre humain et avaient donc besoin d'appâts pour attirer leur proie.
Pendant ce temps, les deux hommes avaient commencé à se tourner autour, comme deux félins avant un duel.
Le point positif c'est que l'attention c'était détournée de moi. Le côté négatif c'était la quantité terrifiante d'énergie qu'ils dégagaient. À la première excuse, ils se jeteront l'un sur l'autre, toutes griffes dehors. Sauf qu'à la différence de simples félins, eux détruiront tout le bâtiment. Et les gens qui y résident. Et les terres autour. Voir même ce continent.
Brusquement j'étais moins motivée à les voir se battre, une bête question d'instinct de survie. Hé ! Ça me faisait plaisir de voir qu'il existait encore !
"-Vous auriez dû, lorsque Tepes, votre très cher seigneur, sera tué par Lucifer, vous regretterez votre orgueil.
La déclaration du démon fit éclater de rire le vampire.
-Nous battre ? Ce n'est sûrement pas avec votre arrogance que vous y arriverez. Quant à votre...Lucifer, cela fait longtemps qu'il ne sort plus de son palace et envoie ses sbires faire le sale boulot."
Des flammes commençaient à lécher les bras d'Ian. Un bon choix pour un combat contre un Nosferatu puisqu'ils sont extrêmement inflammables. Pourtant Faelan eut comme unique réaction un petit ricanement.
Si je ne craignais pour ma vie, je me serais fait un facepalm face à tant de stupidité masculine. Quelle que soit la race, donnez leur une occasion de rouler des mécaniques et vous aurez une guerre mondiale toute prête.
Il était temps pour moi de faire une diversion. L'ennui c'est que je n'ai aucune idée pour créer une fichue diversion.
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