La scène est vide, un seul projecteur en éclaire le devant. Achille entre, il porte une armure et un casque, il a une lance dans la main.
Le guerrier s'avance, se débarrasse de son armure et ses armes. Il s'assied au bord de la scène, les jambes dans le vide, en simple tunique.
Il commence à parler d'une voix sourde en fixant le public.

« — J'ai peur, vous savez ?
Oh, ce n'est pas la mort qui me fait peur, tous les mortels y sont confrontés un jour ou l'autre. Pour certains, c'est juste plus tôt que pour d'autres. Donc non, je n'ai pas peur de la mort.

« Ce qui me terrifie, moi, c'est l'oubli, vous comprenez. L'oubli qui fait mourir les hommes une deuxième fois, l'oubli qui réduit à néant. Mais moi, je veux pas devenir néant.
Et cette peur, elle me tord le ventre, elle me broie les os, elle me consume.

« La mort ne me fait pas peur, ça non. On devient cendres et poussière, en tout cas pour le corps. L'âme, elle, s'en va je ne sais où, aux enfers ou ailleurs. Mais l'oubli c'est autre chose, c'est bien plus terrible. S'il ne reste rien de nous, pas même le nom, qu'est ce qu'on devient ?
Ça me bouffe de l'intérieur ces questions et cette peur, vous savez ? J'ai l'impression de devenir fou des fois... mais je veux pas qu'on m'oublie.

Achille se lève et commence à marcher de long en large au bord de la scène, il serre les poings, la tête haute et les yeux dans le lointain. Il s'échauffe, parle plus fort.

« Moi, je veux briller comme l'étoile du matin, plus fort et plus longtemps que toutes les autres. Je veux que mon nom soit sur toutes les lèvres pour l'éternité, que les gens parlent de moi. Je veux qu'on chante mes exploits et ma force pour toujours Je veux être le plus grand héros de tous les temps, un modèle pour les enfants des générations à venir.
Alors la mort ne me fait pas peur. C'est même bien de mourir au combat, dans la force de l'âge, c'est héroïque.

Sa voix se brise, il parle plus vite, pour tout dire avant que ce ne soit trop tard.

« J'ai tellement peur de l'oubli, vous ne pouvez pas savoir... ça me terrifie, je n'en dors plus, je ne mange plus, je suis pétrifié par cette idée.
Je suis prêt à tout pour marquer les esprits, rester dans la mémoire de l'humanité à jamais. J'ai tué pour ça, je suis prêt à donner ma vie !

Achille s'arrête brusquement, face au public. Il a les yeux dans le vague et un petit sourire.

« Je m'en fiche de mourir, vous savez ? je veux juste qu'on se souvienne de moi.

Le rideau tombe.

Écrit le 21/02/2020
Publié le 03/06/2020