Gorgone

TW : viol, victim-shaming

Humiliation, douleur, impuissance, voilà ce qu'elle ressentait, écrasée entre le socle de marbre froid et le corps de son agresseur. Des larmes silencieuses striaient son beau visage tandis que l'homme au-dessus d'elle assouvissait ses pulsions.
Elle avait tenté de s'enfuir, s'était débattue, avait hurlé et imploré. Mais le dieu était déterminé à la posséder, de gré ou de force.
La jeune femme regrettait amèrement de s'être laissée charmer, elle aurait dû prévoir que le seigneur ne cherchait qu'à l'utiliser pour son plaisir, tous les dieux agissaient ainsi. Mais une simple mortelle ne pouvait résister à un dieu, ils arrivaient toujours à leurs fins.

Sonnée de douleur et de larmes, gisant au sol, elle laissa son esprit se dissocier de son corps et vagabonder vers des souvenirs heureux. À son plus grand désarroi pourtant, ses pensées se tournèrent vers lui. Elle revit le jours où il était apparu sur la plage, les magnifiques présents qu'il lui faisait dans l'espoir de la séduire, toutes les fois où elle s'était refusée à lui, aussi. Ce soir était l'affront de trop, une femme ne pouvait résister de la sorte à un dieu. Il l'avait traînée dans un édifice au sommet d'une colline, l'avait brutalement jetée sur le dallage glacé et lui avait arraché son chiton avant de se jeter sur elle comme un satyre pris de folie.
Le dégoût comprimait la gorge de la jeune femme, elle aurait préféré mourir que de subir cette violence.
Avec un grognement satisfait, le dieu se releva. Et, sans un mot ni un regard pour sa victime, il se rhabilla et disparut dans un miroitement d'air. Il avait obtenu ce qu'il désirait, il en avait fini avec elle.
Lentement, elle remit sa tunique lacérée. Les lambeaux souillés de sang pendaient lamentablement autour de ses jambes tremblantes. La jeune femme se recroquevilla ensuite contre le bloc de marbre et se mit à sangloter. Elle se sentait sale et misérable, jamais plus elle ne pourrait voir son reflet, son corps.

Un fracas de porte lui fit lever les yeux. Ses deux soeurs accouraient vers elle, paniquées. Leurs péplos immaculés flottaient derrière elles comme des ailes.
− Petite soeur, pauvre petite soeur, que s'est-il passé ? Nous avons entendu tes cris depuis la plage et sommes accourues, s'écrièrent-elles en choeur.
Leurs voix semblaient floues, lointaines. La jeune femme ne répondit pas et sanglota de plus belle, ses soeurs comprirent.
− Cet homme t'a déshonorée ? s'écria Sthéno
− Et dans un temple en plus ! ajouta Euryale, dégoûtée

Elle prit le temps d'observer son environnement, la lumière blafarde de la lune éclairait les murs de marbre peint. Elle se rendit compte avec horreur qu'elle se trouvait bien dans un temple, adossée au socle d'une imposante statue d'Athéna.
Ce monstre avait osé profaner un sanctuaire ! Et non content de l'avoir molestée, il l'abandonnait en pâture à la colère divine.
− Mes chères soeurs, murmura-t-elle effrayée. Partez. Si vous restez vous serez punies avec moi pour cet outrage. Partez vite, je vous en...

Une vive clarté l'aveugla, une haute silhouette apparut devant les trois soeurs. Son allure menaçante était renforcée par sa lance et son regard acérés. La maîtresse des lieux était arrivée.
Terrorisée, Sthéno et Euryale se placèrent pourtant de part et d'autre de leur benjamine en une attitude protectrice. Elles se sentaient responsables de ne pas être intervenues à temps pour aider leur soeur.
− Tu as osé profaner mon temple, misérable mortelle ! tonna la déesse en proie à une colère homérique. Tu dois payer pour cet affront !
La jeune femme se tassa un peu plus sur elle-même, blessée au plus profond de son âme par une telle injustice, la victime punie à la place du bourreau.
− Notre soeur n'est pas responsable de ce sacrilège, ô puissante Athéna, elle a été contrainte par le seigneur Poséidon, s'exclama courageusement Sthéno.
− Je vous en supplie, ô sage déesse, épargnez-la, elle n'est pas coupable mais victime, implora Euryale.

Mais leurs supplications restèrent vaines, la déesse aux yeux gris réclamait réparation, d'autant plus si son rival de toujours, Poséidon, était impliqué. L'immortelle fit un geste de la main et la jeune femme se sentit prise d'un froid mortel. Sa peau d'albâtre prit une teinte de granit, son opulente chevelure se changea en une masse confuse et grouillante et des défenses de sanglier pointèrent de part et d'autre de sa bouche. Dans un hurlement elle s'effondra au sol, parcourue de vagues de souffrance.
Ses soeurs tombèrent à genoux devant Athéna, l'implorèrent et la supplièrent. Mais cette dernière se montra impitoyable.
− Vous ne voulez pas être séparées de votre petite soeur adorée ? gronda la déesse. Et bien rejoignez-la.
À leur tour Sthéno et Euryale se tordirent de douleur à terre. Dans un mouvement de lance, la terrible immortelle acheva leur transformation
Toutes trois étaient à présent affublées d'une chevelure de vipères sifflantes, de défenses d'airain et d'ailes de chauve-souris. Leur peau avait l'aspect et la froideur de la pierre et leurs yeux n'étaient plus que des orbes incandescents.
− Partez à présent, infâmes monstres. Et que je ne vous voie jamais plus.

Sthéno et Euryale s'envolèrent les premières, leur soeur s'apprêtait à les suivre quand la déesse la retint. Elle se trouva seule face à son bourreau divin. Son coeur s'était durci d'une haine inconditionnelle envers les dieux. Ils jouaient avec les humains, s'en servaient pour accomplir leurs vengeances et assouvir leurs désirs, sans aucun scrupule.
− Et toi, la pire de toutes, tu porteras une malédiction supplémentaire, susurra l'immortelle d'un ton doucereux. Toi qui fus la plus belle des trois, tu seras la plus laide. Si laide que quiconque croisera ton regard en sera pétrifié d'horreur. Va vile créature, toi qui inspirais le désir tu inspireras la terreur. Les enfants, les femmes, les vieillards, les guerriers même, trembleront en entendant ton nom ; Méduse.


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Publié le 12/05/2019

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