Texte XI | Retrouvailles dans un train

Alix a la chanceuse habitude d'être toujours pile-poil à l'heure. Peu importe le contexte et ce qu'elle va faire, elle arrive toujours à la minute près. Elle n'est jamais en avance, mais n'est jamais en retard. Ces proches ont toujours trouvé cela fascinant et elle se demande souvent quand la chance tournera. Pas ce matin apparemment. C'est d'un pas rapide, mais pas pressé qu'elle atteint le quai où l'attend son train. Elle déteste prendre le train. Néanmoins ses parents habitent à des centaines de kilomètres de chez elle, et elle n'a clairement pas envie de faire le trajet en voiture, surtout avec ce temps. Cela fait déjà plusieurs jours qu'il neige. Une couche blanche plus ou moins fine a recouvert le pays. Alix ne s'en plaint pas. Evidemment, c'est chiant quand elle doit se rendre au boulot et que les transports sont perturbés, mais pour elle, la neige est synonyme de vacances. Elle adore l'hiver, sûrement parce que ses parents vivent dans un petit village entouré de montagnes. Elle a toujours connu la neige et les galères qui vont avec. Depuis toute petite, ses pieds ont connu les chaussures de ski. Alix ne se souvient même pas de la première fois qu'elle a skié. Elle était beaucoup trop jeune pour se le rappeler correctement. Alors, dès que c'est Noël et qu'elle rentre dans sa famille pour passer du temps avec eux, elle va skier. C'est une bouffée d'air frais et une sensation de liberté inimaginable pour elle qui vit dans une énorme ville au cœur de la région parisienne.

Elle pousse un soupir de soulagement quand elle pose enfin un pied dans le train. Elle traîne sa grosse valise et réussit à lui trouver une place. Elle garde son sac à dos et se faufile parmi les autres passagers. Le train est bondé, comme toujours à cette période. Ses talons résonnent dans l'allée centrale alors qu'elle cherche sa place. Alors oui, il faut savoir un truc. Alix adore les chaussures à talons. Elle doit avoir presque une vingtaine de paires et elle doit se réfréner d'en acheter plus. Mais bon, son placard est déjà plein à craquer. Certaines personnes trouvent cela stupide de mettre des talons quand il y a de la neige ou du verglas. Mais Alix a l'habitude maintenant. Evidemment, une fois chez ses parents, elle troquera ses bottes à talons contre des chaussures plus adaptées. Alors en attendant, elle profite.

Une chevelure violette attire son attention et elle s'immobilise. Elle ne voit pas le visage de la personne et elle ne peut pas être sûre que c'est elle. Après tout, ça pourrait être n'importe qui. Cette nuance n'est pas unique. Cependant elle lui rappelle des souvenirs. Elle lui rappelle surtout une personne. Lio, son ex. Ça fait un peu moins d'un an qu'elles ne se sont pas vues. Alix s'est toujours demandé ce que ça ferait de la revoir. Et la réponse arrive plus rapidement qu'on pourrait le penser.

Rien. Ça ne lui ferait rien. Enfin, elle serait peut-être un peu nostalgique et elle sourirait en se souvenant des bons moments qu'elles ont passés ensemble. Mais rien d'autre. Pas d'étincelle. Pas de désir. Pas de trouble.

— Excusez-moi.

Quelqu'un se racle la gorge derrière elle et elle se retourne brusquement. Alix se rend compte qu'elle bloque le passage. Elle lance un sourire d'excuse aux personnes et avance pour trouver enfin sa place. Elle est à côté de la vitre dans le sens de la marche. Parfait. Elle s'installe correctement et met ses écouteurs. Hors de question qu'elle écoute les conversations des gens. Elle lance une playliste au hasard. La jeune femme adore découvrir de nouvelles musiques. Alors que les premières notes résonnent dans ses oreilles, ses yeux se baladent un peu partout. De là où elle est, en diagonale, elle aperçoit la personne aux cheveux violets. Alix est curieuse de savoir si c'est Lio. La coïncidence serait folle, même s'il y a peu de chance que son ex prenne le même train qu'elle et à la même heure. Surtout que toute la famille de Lio habite dans cette région, à moins qu'elle n'aille voir ses cousines ou qu'elle aille en vacances, même si Lio n'a jamais été une grande voyageuse. Quand elles étaient encore ensemble, Lio se plaignait toujours un peu à cette période parce qu'Alix voulait toujours partir skier et pas forcément qu'en France. À part dans des chaussures à talons, Alix n'a jamais été une grande dépensière et fait toujours attention. Elle économise toujours pour se payer des vacances où elle peut chausser des skis autant qu'elle veut. Ce qui n'a jamais été au goût de Lio quand elles vivaient ensemble. Cette dernière avait toujours trouvé que ce genre de vacances trop chères où de toute façon, elle s'amuserait peu. Mais bon, ce n'est pas pour son esprit peu aventureux qu'Alix l'a aimé.

Son portable vibre entre ses mains, la sortant de ses souvenirs.

De Lucas ♥ – 7h31
Hello, merci pour le message ♥ Le réveil pique un peu en effet. J'espère que t'es bien dans le train

A Lucas ♥ – 7h31
Yes, bien installée. Bon courage pour la journée

Voilà pourquoi ça ne lui fait rien si c'est bien Lio à quelques mètres d'elle. Alix a oublié son ex. Elle a totalement tourné la page et est heureuse avec quelqu'un d'autre maintenant. Ça fait déjà cinq mois qu'elle est avec Lucas et elle ne changerait son couple pour rien au monde.

De Lucas ♥ – 7h35
Merci ! Bon courage pour le voyage. On se voit dimanche.

A Lucas ♥ – 7h36
Sans faute, tu vas me manquer ♥

Elle aurait aimé qu'il vienne avec elle. Lucas n'a jamais vu son village natal sous la neige et elle aurait adoré skier avec lui. Mais cette année, ce n'est pas possible. Lucas travaille aujourd'hui, alors elle doit faire le voyage seule. C'est censé être leur premier Noël et ils le passent séparés. Alix aurait aimé qu'ils le fêtent ensemble, dans sa famille. Mais elle essaie de relativiser en se disant qu'il y en aura d'autres. Elle n'a pas l'attention de lâcher son homme comme ça. Elle sait aussi que s'il bosse aujourd'hui, il mangera chez ses parents demain.

De Lucas ♥ – 7h38
Tu vas me manquer aussi ♥

Alix sourit et s'installe au fond du siège. Elle ferme les yeux et se laisse bercer par la musique.

***

C'est le freinage du train qui la réveille. Ses yeux papillonnent et elle se demande si elle est déjà arrivée, bien que cela la surprendrait. Le train doit faire un arrêt avant le sien et son portable indique qu'il est à peine onze heures. Elle lance un regard par la fenêtre et se rend compte du temps qu'il fait à l'extérieur. Elle a du mal à distinguer le paysage brouillé par un écran blanc. La neige ne fait que tomber dehors et il doit aussi y avoir du vent. Les haut-parleurs grésillent et la jeune femme tend l'oreille.

« Pour cause climatique, notre train est momentanément arrêté. Pour votre sécurité, veuillez ne pas descendre. Merci pour votre patience. »

Niquel. Il ne manquait plus que ça. Alix a l'habitude des longs voyages. Cela fait des années qu'elle fait ce trajet pour rendre visite à ses parents et elle adore voyager, alors les longs trajets de plusieurs heures, ça ne lui fait pas peur. Cependant, elle est tellement excitée de retrouver sa région natale et sa famille que sa patience s'amenuise un peu. Elle pose sa tête contre la vitre et soupire, elle n'a plus qu'à patienter sagement en espérant que ses voisins ne veuillent pas lui faire la conversation. Elle se concentre sur la musique plutôt que sur les allées et venues des passagers. Certains s'agacent parce qu'ils vont être en retard, d'autres s'angoissent à l'idée de rester coincés pendant des heures. D'autres cherchent un peu de réconfort et vont tout simplement chercher les toilettes qui se situent dans la voiture suivante. Un brouhaha ambiant s'installe dans le wagon. Les doigts d'Alix trouvent la touche plus de son portable et elle augmente le son en fermant les yeux.

Cela fait un plus d'une heure que le train est arrêté quand elle sent quelqu'un s'asseoir à côté d'elle, sûrement son voisin qui revient. Si elle ne se trompe pas, il était parti jouer aux cartes avec d'autres passagers pour passer le temps. Sauf que ce n'est pas le cas. Oui, un inconnu aurait pu lui toucher l'épaule pour la réveiller. Mais ce n'est un inconnu. Elle connait ce regard noisette. Elle connaît ce petit nez en trompette, ces pommettes piquetées de taches de rousseur et ces lèvres fines toujours recouvertes d'un gloss rose. Lio. Ses yeux s'écarquillent alors que son ex lui sourit doucement. La chevelure violette qui a piqué son attention tout à l'heure, c'était bien son ex. Alix enlève ses écouteurs.

— Salut.

La voix de Lio est toujours aussi mélodieuse. La jeune femme n'a pas changé et Alix reconnait qu'elle est toujours aussi séduisante. Sauf qu'aujourd'hui, elle n'est pas charmée. Elle est simplement étonnée de la coïncidence.

— Salut.

Alix ne sait pas quoi dire. Si revoir Lio ne lui fait rien, elle ne sait pas comment réagir. Les deux jeunes femmes sont un peu gênées même si leurs sourires ne veulent pas dire la même chose. Celui d'Alix est un peu embarrassé alors que celui de Lio est plus enthousiaste. Et Alix ne veut pas voir plus loin que ce sourire.

— Ça fait longtemps, tu vas bien ?

Que veut Lio ? Juste prendre des nouvelles parce que ça fait des mois qu'elles ne se sont pas vues ? D'un côté, Alix se moque de la réponse parce qu'elle a tourné la page, néanmoins, elle ne veut pas faire plus de mal que ça à son ex si cette dernière n'est pas passée à autre chose.

— Bien et toi ? Que fais-tu dans ce train ?

— Bah ça va, tranquille. Et je vais passer les fêtes avec mes cousines.

Bingo ! Une des deux raisons à laquelle Alix avait pensé. Et elle décide alors de continuer la conversation car pour l'instant, elle est innocente. C'est simplement une discussion entre deux personnes qui avant d'être en couple, étaient de très bonnes amies. Et même si ça ne redeviendra jamais comme ça, elles peuvent au moins renouer un peu.

— Tu ne les passes pas avec tes parents ?

Lio secoue la tête. Pourtant, celle-ci s'est toujours bien entendue avec ses parents.

— Ils vont chez mes grands-parents.

Sauf quand ses grands-parents maternels sont dans l'équation. Ces derniers n'ont jamais accepté le fait que Lio préfère les femmes. Cela a souvent été une source de disputes entre Lio et ses parents. Alix en a vécu quelques-unes malgré elle.

— Et toi, tu rentres chez tes parents, comme d'habitude ?

Alix acquiesce. Pour rien au monde, elle fêtera Noël loin de sa famille. Peut-être que ça changera dans les prochaines années, maintenant qu'elle est avec Lucas. Lio et sa famille n'ont jamais été très fêtes. Evidemment, ils se réunissent autour d'un repas et offrent des cadeaux aux enfants, mais ce n'est pas grave s'ils font cela le 26 décembre ou même les semaines d'après. Contrairement à Alix. Sa famille n'est pas très croyante, mis à part ses grand-mères qui ne rateraient la messe de minuit pour rien au monde, mais le réveillon de Noël est un repas de famille sacré chez eux. C'est le moment de l'année où ils se retrouvent tous. Et Alix adore ces moments qui lui permettent de se ressourcer. Lucas aussi adore passer ces instants avec sa famille. Alors oui, probablement que dans l'avenir, Alix devra s'adapter un peu.

— Oui, on ne change pas les bonnes habitudes. Et puis, ça me permettra de skier aussi.

— Toi et le ski, une grande histoire d'amour.

— La plus grande oui !

Alix a l'impression de revenir quelques années en arrière quand elles étaient amies. Les deux jeunes femmes se connaissent depuis des années et elles mirent du temps avant de sortir ensemble. Elles avaient toutes les deux un peu peur que cela casse quelque chose dans leur groupe d'amis. Mais on les avait traitées d'idiotes et les débuts un peu lents avaient rapidement laissé place à la passion.

Le portable d'Alix vibre et elle jette un coup d'œil.

De Flavie – 12h26
Alors, bien réveillée la voyageuse ? Pas trop dur le café à 6h du mat ?

Alix repose son portable, elle répondra plus tard.

— Tu peux répondre.

— Non, t'inquiète, c'est juste Flavie.

— Ah... Comment va-t-elle ? Ça fait longtemps aussi que je ne lui ai pas envoyé de message.

Oui, c'est peut-être normal... Les deux jeunes femmes avaient eu raison d'avoir peur. Si leur mise en couple n'avait rien changé, leur rupture avait divisé leur groupe d'amis. C'est fou comment les gens adorent s'immiscer dans les relations privées. Certains ont préféré rester neutres alors que d'autres ont pris la défense d'Alix ou se sont rangés du côté de Lio. Et aujourd'hui, Alix a perdu contact avec certains à cause de ça. Au début, cela lui a fait de la peine, mais Flavie lui a remis les pendules à l'heure en lui disant qu'en prenant parti, ce n'était pas de vrais amis. Parce que leur histoire et leur rupture ne regardent qu'elles. Personne n'avait le droit de juger cela, peu importe les raisons de leur séparation.

— Elle va bien, toujours à papillonner de gauche à droite que ce soit en amour et professionnellement. Elle n'a pas changé sur ce point.

Lio rit doucement en acquiesçant, alors qu'Alix déverrouille son portable.

A Flavie – 12h32
Compliqué ui ce matin ! Je crois qu'on n'aurait pas dû sortir hier ahah

— Je crois qu'on ne la changera pas. Faudrait quand même que je lui envoie un message.

Flavie n'a jamais rien dit sur leur rupture et Alix sait qu'elle a essayé de rester en contact avec Lio. Mais elles se sont éloignées au fil des mois, peut-être parce que Flavie est trop proche d'elle. Flavie, c'est une de ses meilleures amies, c'est sa confidente et elle sait tout. Et c'était sûrement trop dur à supporter pour Lio. Si Alix a réussi à tourner aussi facilement la page, c'est parce qu'elle est à l'origine de la rupture. Lio et elle, c'était fusionnel. Elles passaient beaucoup de temps ensemble, sans vraiment prendre du temps en solitaire. Elles s'aimaient et elles n'avaient aucun problème à le montrer aux autres. Alors, oui, c'était superbe. C'était puissant. Mais c'était trop. Alix s'oubliait et elle en souffrait. Et Lio ne l'a jamais vue, car elles n'avaient pas la même conception du couple et Alix s'en est rendu compte trop tard. Elles étaient déjà allées trop loin pour faire autrement. Et Alix ne l'a plus supportée.

— Elle en sera ravie, je suis sûre.

De Flavie – 12h35
Tu te fais vieille pour me sortir ça ! Surtout que c'est pour Lucas que ça a dû être le plus dur.

Ça c'est sûr. Son homme n'est pas du matin, mais vraiment pas. Il a toujours un petit air grognon, on dirait un enfant. Et Alix trouve cela craquant, même si elle a rapidement compris qu'il ne fallait pas lui parler avant qu'il ait pris son petit-déjeuner.

— T'es toujours aussi craquante quand tu souris comme ça.

Le sourire d'Alix disparaît aussi rapidement qu'il est apparu. C'est comme si elle se prenait une douche froide. Parce que même si elle ne ressent plus rien pour son ex, cette dernière ne l'a pas oubliée et les prochaines minutes ne vont pas être une partie de plaisir.

— Lio, je suis en couple.

— Oh...

Alix lui lance un sourire contrit alors qu'elle comprend que le regard de Lio n'est pas si innocent. Son ex ne l'a pas totalement oubliée. Cette dernière baisse le regard pendant quelques instants avant de se ressaisir.

— Ok... Alors même si c'est dur à admettre, j'espère au moins que tu es heureuse avec elle.

Lio ne la regarde même pas et pendant quelques secondes, Alix hésite. Doit-elle lui dire ? D'un côté, elle ne veut pas lui faire plus de peine que ça. Lio ne l'a pas oubliée et a toujours des sentiments pour elle. Alors qu'Alix est passée à autre chose depuis des mois. Lio espère toujours alors qu'Alix aime une autre personne. La jeune femme se rend vraiment compte que son ex ne lui a pas manqué. Ses cheveux violets l'attiraient tant avant. Elle adorait passer ses doigts dans la longue chevelure ondulée. Elle adorait le contraste entre le violet de ses cheveux et ses vêtements beaucoup plus sages. Elle adorait son rire discret et ses yeux pétillants quand elle s'amusait. Oui, elle adorait beaucoup de choses chez Lio. Sauf que ça ne lui a pas manqué. Parce qu'il y a Lucas. Et Alix se rend aussi compte du contraste entre son ex et son compagnon. Une femme. Un homme. De longs cheveux violets. Des cheveux courts bruns. Des doigts fins aux ongles toujours vernis. Des grandes mains pas toujours douces. Une voix douce mais qui ne fait pas de cadeaux. Une manière de parler brute mais maladroite en même temps. Un amour passionné qui a fini par les brûler. Un amour beaucoup plus tendre qu'elle préfère.

Et elle n'hésite plus. Parce que Lucas n'est pas une femme et qu'elle ne doit pas le cacher. Elle n'a pas honte d'aimer un homme, son premier homme.

— Avec lui...

— Qu... Quoi ?

La voix étranglée de Lio et ses yeux ronds traduisent sa surprise. Alix s'attendait à cette réaction. Après tout, il n'y avait toujours eu que des femmes avant Lucas. Depuis son adolescence, elle n'avait été attirée que par des femmes. Aucun homme ne l'avait jamais tenté avant son actuel compagnon. Et elle non plus ne s'attendait pas à aimer un homme. Alix n'aurait jamais cru ça possible. Physiquement, sentimentalement, elle aimait les femmes. Et quand elle était tombée sur Lucas, elle s'était dit qu'elle déraillait. Ça y est, c'était la fin.

— Je suis avec un homme maintenant.

Sauf que non, c'était simplement le début d'une relation, avec un homme. Ce qu'elle n'avait jamais expérimenté. Et ça avait été dur à accepter. Pour elle d'abord. Alix avait assimilé que le coup de foudre existait, qu'elle pouvait aussi être attirée et aimer un homme, et surtout que sa sexualité pouvait changer aussi facilement. Puis, il y avait eu les réactions de sa famille et de ses amis. Personne n'y croyait. Tout le monde lui disait d'arrêter de faire semblant. Que oui, aimer les femmes, ce n'était pas tous les jours faciles, mais que jamais, ô grand jamais, elle ne devait avoir honte. Sa famille et ses amis l'ont toujours soutenue. Personne ne s'est détourné d'elle quand elle a annoncé préférer les femmes. Et là, elle avait été confrontée à leur incompréhension, voir à leur refus. Et ça avait fait mal.

Le rire de Lio la sort de ses pensées bien trop sombres pour une veille de Noël.

— Toi, avec un homme ?!

Les paroles ne devraient pas lui faire du mal, sauf que ça lui rappelle celles de ses proches. Celles qui l'ont fait souffrir alors qu'elle était déjà nerveuse de leur présenter un homme. Alix a mis du temps à présenter Lucas à ses parents. Parce qu'il fallait d'abord qu'elle l'accepte pleinement. Et ça a été un coup de massue quand sa sœur lui a demandé si c'était une blague, avant de lui sortir que ce n'était pas cool de sa part de faire miroiter des choses à Lucas. Aujourd'hui, ses proches regrettent leurs paroles et sont adorables avec son compagnon. Ils veulent effacer les débuts catastrophiques, sauf que c'est encore imprimé dans la mémoire d'Alix.

— Oui, ça te pose un problème ?

Mais il n'y a pas que les souvenirs douloureux qui font surface. Il y a aussi cette colère. De quel droit Lio la juge ? Parce que son regard tranchant et son sourire narquois veulent tout dire. Sauf qu'elle n'a pas le droit. Elles ne sont plus ensemble. Elles ne se sont pas vues depuis des mois. Il n'y a plus d'Alix et Lio. Alors oui, cette dernière est peut-être blessée parce qu'elle s'attendait à autre chose. Oui, peut-être croyait-elle qu'Alix avait encore des sentiments. Mais elle n'a pas le droit de lui dire ça. Elle n'a pas le droit de vouloir lui faire du mal. Et surtout, elle n'a pas le droit de douter de ses sentiments.

Le sourire narquois de Lio n'a pas quitté son visage. Et Alix sait d'avance qu'elle ne va pas aimer les prochains mots.

— Non mais Alix franchement. T'aimes les femmes, on est toutes les deux bien placées pour le savoir.

Alix hallucine. Lio, une lesbienne assumée qui n'a pas peur de s'afficher en public, est en train de la juger. Pire, son ex est en train de lui dire qu'elle sait mieux qu'elle ce qu'elle aime et ce qu'elle ressent. C'est une putain de blague ? Le voyage tourne au cauchemar. Intérieurement, Alix espère que le train va bientôt repartir. Parce qu'elle n'a qu'une envie, c'est de hurler sur son ex. Elle serre les dents alors que le sourire de son ex la nargue.

La conversation avait pourtant bien commencé et Alix a cru naïvement qu'elles pourraient renouer un peu. Mais après ça, elle a juste envie que Lio dégage.

— T'as pas le droit de me dire ça. Je fais ce que je veux Lio. Et si t'es pas contente, c'est pareil.

Alix lance un énième regard noir à son ex avant de se détourner d'elle. Elle n'a pas envie de poursuivre la conversation et préfère observer les autres passagers, dans l'espoir que Lio la laisse tranquille. Personne n'a le droit de remettre son couple et son amour pour Lucas en question. Ni sa famille, ni ses amis et encore moins son ex petite amie qu'elle n'a pas vue depuis des mois.

— Alix, je...

— Non, j'ai pas envie de te parler. Pas après ce que tu viens de me dire. Tu ferais mieux de retourner à ta place.

Alix voit que ses mots durs atteignent Lio. Mais ça ne lui fait rien. La jeune femme aux cheveux violets appartient au passé et Alix veut juste profiter du présent en planifiant son avenir.

Elle retient un soupir en remarquant la tristesse dans les yeux de son ex. Avec des dizaines de si, elles auraient pu être amies. Mais c'est impossible dans leur réalité. Elles se sont aimées, trop fortement pour Alix. Elles se sont quittées en se disant des choses horribles. Et aujourd'hui, elles se sont reparlées mais n'attendaient pas la même chose.

Malgré cette conversation horrible pour Alix, elle s'adoucit un peu parce qu'elle ne souhaite pas de mal à Lio. Elle ne la déteste pas, même si à cet instant, elle a envie qu'elle retourne s'asseoir loin d'elle. Le silence inconfortable s'installe entre elles. Alix est alors sauvée par une annonce. Elle soupire de soulagement quand le conducteur annonce qu'ils vont repartir dans quelques minutes.

Lio ouvre la bouche en se levant, mais reste silencieuse. Alix n'a pas envie de lui dire adieu, trop mal à l'aise. Elle aurait envie de lui dire qu'elle est contente de savoir que Lio va bien. Mais elle se retient, se contentant d'une phrase banale qu'elle pourrait sortir à un inconnu.

— Passe de bonnes fêtes et prends soin de toi.

— Toi aussi.

La jeune femme aux cheveux violets retourne s'asseoir à sa place alors qu'Alix remet ses écouteurs. 

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