Histoire courte V | Loin du cœur
Histoire écrite pour le concours de RomanceFR : Summer Love 2020. Je ne suis pas une experte de l'organisation de l'armée française. Alors j'espère que ça sera crédible. Bonne lecture.
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Journal du Capitaine Naël Flahaut, 24 décembre 2019
C'est le réveillon de Noël et je suis à des milliers de kilomètres de ma famille. Ils me manquent. D'habitude, je passerais cette soirée chez mes parents, avec mes deux sœurs et ma compagne. Nous mangerions des huîtres gratinées, péché mignon de ma mère. Elle ne peut pas s'en passer et aujourd'hui, c'est une tradition familiale que personne ne conteste. Après tout, nous aimons aussi ça. Et mon père aurait fait une bûche glacée. Les meilleurs desserts que j'ai jamais mangés. Normalement, j'écouterais ma petite sœur jouer du piano. Mon aînée et sa femme nous parleraient de leur projet d'avoir un enfant. Et mes neveux refuseraient de dormir avant d'avoir vu le Père Noël.
Et le vingt-cinq décembre, je me trouverais chez mes beaux-parents, comme tous les ans depuis quatre ans déjà. Pour cette occasion, ma belle-mère aurait passé toute la matinée derrière les fourneaux à préparer cette énorme pintade qui nourrit la quinzaine de personnes que nous sommes toujours. Héloïse n'a jamais été proche de sa famille comme je le suis de la mienne. Alors c'est avec facilité qu'elle m'a donné le vingt-quatre décembre et que j'ai accepté avec plaisir de passer la journée suivante avec sa famille.
C'est le premier Noël que je passe loin d'eux. Enfin, le deuxième. Le premier, c'était lorsque j'avais vingt ans et que j'étais coincé en vacances avec des amis. J'espérais que ça ne se reproduirait plus parce que j'ai toujours adoré cette période. Je me sens encore plus proche de ma famille. Certains nous trouvent trop fusionnels. Quand je suis en France, j'envoie des messages à mes sœurs tous les jours et je vois mes parents toutes les semaines, sauf quand je suis en vacances. Héloïse a eu un peu de mal à comprendre notre fonctionnement. Elle a un petit frère qu'elle doit appeler une fois par mois et des parents qu'elle ne voit pas plus.
Je suis triste qu'Héloïse soit seule chez mes parents. Elle me manque tellement ! Je l'ai eue en visio tout à l'heure et je l'ai trouvée fatiguée. Elle avait des cernes sous les yeux et ça m'inquiète un peu. Elle m'a raconté qu'elle a un gros projet en ce moment au boulot. Je n'ai rien dit parce qu'on n'avait pas beaucoup de temps. Mais je sens qu'il n'y a pas que ça. Elle avait l'air malade. Enfin... Je lui demanderai la prochaine fois.
Journal du Capitaine Naël Flahaut, 20 janvier 2020
Je vais être papa ! PAPA ! Putain !
Journal du Capitaine Naël Flahaut, 22 janvier 2020
Je crois que je n'en reviens toujours pas. Héloïse est enceinte, elle me l'a annoncé avant-hier. Je suis tellement content ! Je vais être papa. C'est tellement bizarre. Je ne m'attendais pas à une annonce pareille. Elle est enceinte de huit semaines. Juste avant mon départ. On va avoir un bébé ! J'aimerais tellement être près d'elle. J'aurais aimé pouvoir la serrer dans mes bras. J'aurais pris son visage en coupe, fixant ses yeux bleus brillants et je l'aurais embrassée. Encore et encore. Jusqu'à ce que nous n'ayons plus de souffle. Malheureusement, deux écrans nous séparent aujourd'hui. J'ai dû me contenter de lui sourire. Elle a dû se contenter de mes larmes de bonheur.
Je suis tellement heureux. Ce bébé, c'est un petit accident, mais un bel accident que nous ne regretterons jamais. Il est là. Il n'est pas franchement à l'heure. Oui, il est clairement en avance sur nos projets, mais nous allons le garder. Nous avons une situation stable, malgré le fait que je sois militaire. Héloïse a un boulot qu'elle adore. Notre appartement a une chambre qui sert pour l'instant à stocker des trucs. Il doit y avoir un ou deux meubles qu'on doit vendre, mais on n'a pas encore pris le temps de le faire. Il y a aussi nos deux vélos parce que nous n'avons pas de cave. On va devoir leur trouver une autre place.
Alors oui, ce bébé n'est pas prévu, mais je veux l'avoir. L'avoir avec Héloïse est un bonheur infini.
Journal du Capitaine Naël Flahaut, 14 février 2020
Je n'écris pas spécialement parce que c'est la Saint-Valentin, mais j'ai juste envie d'écrire aujourd'hui et j'ai le temps. Héloïse et moi, on n'a jamais vraiment fêté la Saint-Valentin. On n'a pas besoin d'un jour spécial pour se faire des cadeaux, aller au restaurant et faire l'amour. Non. Je crois que je dois lui offrir des fleurs tous les mois. J'adore voir son visage concentré quand elle réfléchit à la signification des fleurs que j'ai choisies. J'adore quand elle ferme les yeux et hume les fleurs une à une pour décider laquelle est la plus parfumée. Si elle n'avait pas été graphiste, je crois qu'elle aurait été fleuriste ou aurait fait un métier en rapport avec ça.
Aujourd'hui, je n'ai pas forcément le moral. La distance est compliquée à supporter. Encore plus maintenant qu'un être grandit dans le ventre d'Héloïse. Elle a eu sa première échographie la semaine dernière. J'aurais tellement aimé pouvoir y assister. Être là avec elle, découvrir notre enfant pour la première fois. Ce morceau d'elle et de moi. Elle m'a montré l'écho à travers l'écran, mais ce n'est pas la même chose. La qualité est merdique.
Je suis triste de ne pas pouvoir être avec elle. Elle est seule, même si je sais que nos familles sont présentes. Mes parents ne la laisseront jamais tomber. Mais ce n'est pas pareil. Parce que moi, je ne suis pas là. Ma compagne ne dit rien, mais je vois son regard peiné quand nous parlons de notre enfant. Evidemment, cette grossesse est un événement qui nous remplit de joie, mais elle a une saveur particulière.
Journal du Capitaine Naël Flahaut, 7 mars 2020
Je suis inquiet pour Héloïse et ma famille. Je ne sais pas quand je pourrai rentrer et la situation en France commence à m'inquiéter. Je sais que ma famille prendra toutes les précautions qu'il faut si la situation continue d'empirer. Mais ma grande sœur est infirmière et ma belle-sœur est ambulancière. Je me demande vraiment comment ça va se passer pour elles si ça ne s'améliore pas. Et Héloïse est enceinte. Franchement, notre enfant aurait pu choisir un meilleur moment pour commencer sa vie.
Journal du Capitaine Naël Flahaut, 25 mars 2020
Aujourd'hui, c'est l'anniversaire d'Héloïse. Et je n'ai pas pu lui parler. Je ne sais pas comment elle se sent. Ce n'est pas la première fois que je loupe son anniversaire. Mais j'espère juste qu'elle n'est pas seule. J'ai acheté son cadeau avant de partir. Oui, j'ai prévu à l'avance, comme je ne savais pas si je pourrais être là. J'ai confié mon cadeau à ma petite sœur. Parce que je connais mon aînée. Incapable de tenir un secret. Et je ne sais plus le nombre de fois où ma belle-sœur a crisé parce que ma grande sœur avait perdu des clés, son portable ou même son portefeuille. Elle est impossible...
Je pense à Héloïse tous les jours. J'aimerais tellement être avec elle. Pouvoir embrasser ses lèvres roses et caresser sa peau douce. Elle est belle. Tellement belle.
Joyeux Anniversaire mon Amour.
Journal du Capitaine Naël Flahaut, 15 avril 2020
J'ai vu mon enfant pour la deuxième fois ! Il est si minuscule sur l'échographie ! La sage-femme dit que le bébé est en parfaite santé. Ça me rassure. Physiquement, ma compagne va très bien. Mais elle s'ennuie. La danse lui manque. Ses amis lui manquent. Le boulot lui manque. Evidemment, en tant que graphiste, elle travaille parfois à la maison. Mais ce n'est pas comparable. Elle m'a dit qu'elle avait passé deux heures au téléphone avec sa meilleure amie hier. D'habitude, à cette période, elles se seraient installées en terrasse et auraient bu deux ou trois cafés. Puis, elles auraient fini dans notre appartement et on aurait commandé à manger pour bien débuter la soirée. Ces moments me manquent aussi, mais je suis habitué. Je suis un militaire alors des soirées comme ça, j'en ai loupé pas mal. Sauf qu'Héloïse, sous son calme apparent, elle aime bien bouger. Et rester bloquée dans notre appartement, elle doit se sentir prisonnière. Surtout elle qui adore la nature et le grand air.
Je dois dire qu'ici, la pandémie, ce n'est pas notre principal ennemi. Mais chez moi... Je suis toujours nerveux quand Héloïse m'appelle. Ma belle-sœur a été touchée. Elle va bien maintenant, mais j'ai eu peur pour elle et pour ma sœur. Je me demande comment va se passer mon retour au pays. Est-ce que la pandémie sera toujours à son maximum ? Est-ce que le confinement sera toujours en place ?
20 mai 2020
Je sonne à la porte de notre appartement. Je suis tellement heureux de me trouver là. J'en tremble presque. Je suis enfin chez moi. La porte s'ouvre en grand quelques secondes plus tard. Pendant un instant, aucun de nous n'ose bouger. Nous nous observons, soulagés d'enfin pouvoir nous revoir en chair et en os. Je la scrute. Un sourire radieux illumine son visage.
Elle est là, devant moi. Elle est belle. Elle est rayonnante. Mon amour...
Je lâche mon sac et elle me saute dans les bras. Mes mains passent dans son dos et je la serre contre moi. Je ferme les yeux, humant l'odeur vanillée de ses cheveux. C'est comme si j'étais en manque et que j'avais enfin ma dose. C'est le paradis. Et je l'entends renifler, son visage dans mon cou.
— T'es là... T'es vraiment là... 'Tain tu m'as tellement manqué.
Ses murmures sont entrecoupés de sanglots. Mes mains sur sa taille, je l'écarte doucement de moi. Elle aussi m'a tellement manqué putain ! Mes doigts viennent essuyer ses joues ravagées par les larmes. Je ne veux pas qu'elle pleure. Je suis rentré. Je suis là. Et je ne vais pas repartir pour l'instant. Pourtant, je suis moi aussi à deux doigts de pleurer.
Je caresse doucement ses joues, ne pouvant détacher mon regard de son visage. Ça fait des mois que je la vois à travers un écran. Je crois que je vais mettre des jours à me remettre de mon retour. Pendant des jours, je vais la dévorer du regard. Je vais l'embrasser dès que je le pourrai. Je vais redécouvrir son corps qui m'a aussi manqué.
— Toi aussi ! Tellement. Je t'aime Héloïse.
Ses bras passent autour de mon cou et elle me rapproche d'elle. Son regard quitte mes yeux pour descendre jusqu'à mes lèvres. Et je ne peux plus attendre. Je l'embrasse, comme j'en rêve depuis des mois. Nos lèvres se retrouvent. Nos langues se retrouvent. Et je ne veux pas que ça s'arrête.
— Je t'aime aussi Naël, me chuchote-t-elle entre deux baisers.
Elle finit par se blottir contre moi. Je l'embrasse sur le front, terriblement heureux de la retrouver. Elle est là, dans mes bras. Je peux la toucher. Elle n'a pas changé. Elle m'a attendu. Elle est toujours là. Ma main passe sur son ventre rebondit. Elle s'écarte de moi et son regard pétillant d'amour me scrute. Mais je ne le vois pas. Tout ce que je vois, c'est son ventre. Elle est enceinte. Héloïse attend notre enfant. Et c'est réel. Je peux enfin caresser sa peau tendue. Je vais pouvoir sentir notre enfant bouger. Je vais pouvoir faire des achats avec elle et préparer la chambre de notre bébé.
J'esquisse un énorme sourire. Une joie immense s'empare de moi. Ça fait des mois que je n'ai pas ressenti cela. Je suis rentrée à la maison. Je suis avec Héloïse, mon amour. Et il y a ce minuscule être qui grandit en elle.
Je m'agenouille. Je m'en fous d'être dans une cage d'escalier. Je m'en fous si les voisins peuvent débarquer à chaque instant. Plus rien ne compte mis à part cet enfant que je rencontre pour la première fois. Je réalise enfin que je vais être papa. J'en ai enfin la preuve devant les yeux. Mes mains passent sous le tee-shirt d'Héloïse.
— Coucou bébé, c'est Papa ! J'ai mis du temps à arriver, mais je suis là maintenant. Et je t'aime déjà tu sais, autant que j'aime ta maman.
Et les larmes coulent sans que je ne puisse les retenir et sans que je n'ai vraiment envie de le faire.
22 mai 2020
Je me gare devant chez mes parents. Héloïse et moi descendons de la voiture et nos doigts s'entremêlent alors que nous remontons l'allée jusqu'à la porte d'entrée. Je souffle, nerveux, en montant les quelques marches. Les doigts de ma compagne serrent un peu plus fort les miens et je me tourne vers elle.
— Pourquoi tu stresses ?
Elle me sourit en essayant de me rassurer. Héloïse a raison. Pourquoi suis-je si stressé ? C'est ma famille. Ce sont seulement mes parents, mes sœurs, ma belle-sœur et mes neveux. Ce sont des personnes que j'aime et que je connais par cœur. Seulement, ça fait des mois que je ne les ai pas vus. Mes parents n'ont jamais été contrariés par mon choix de carrière. Mes sœurs et moi avons toujours été libres de faire ce que l'on voulait. Pourtant, je sais qu'ils aimeraient que j'aie un métier moins risqué qui ne m'oblige pas à rester éloigné d'eux, parfois pendant des mois.
— C'est juste que...
— Ça fait longtemps, oui, je sais. Tu me fais le coup à chaque fois.
Je lui souris, un peu gêné parce qu'elle n'a pas tort. Elle éclate de rire et je ne peux m'empêcher de l'admirer. Je tire sur sa main pour l'approcher de moi et dépose un simple baiser sur ses lèvres. Un baiser qui me donne le courage d'appuyer sur la sonnette qui retentit dans la maison. Je vois les rideaux du salon s'écarter et mes neveux surexcités apparaissent derrière la vitre. Un énorme sourire leur mange le visage et ils agitent leurs petites mains. La porte s'ouvre en grand et je me retrouve dans l'étreinte chaude de ma mère en moins d'une seconde. Rien à faire du virus. Rien à faire de la distanciation. Rien à foutre ! Je n'ai pas vu ma famille depuis des mois. Tout ce que je veux, c'est les serrer contre moi. Alors, c'est ce que je fais. Je me laisse aller, redécouvrant la chaleur et la douceur de ma mère.
— Tu es enfin rentré...
Les yeux de ma mère brillent de larmes qu'elle essaie de contenir. Je déteste faire pleurer mes proches à chaque fois que je reviens. Mais je ne peux rien y faire. Ils sont heureux de me revoir, sain et sauf. Et je suis tellement content aussi. Ma mère s'écarte et nous rentrons dans la maison. La deuxième personne qui me saute dessus est ma petite sœur.
— Salut microbe !
Ma petite sœur rigole dans mes bras. Ça fait longtemps que je ne l'ai pas appelée comme ça et ça nous fait du bien à tous les deux. Pourtant, ce n'est plus réellement un microbe. Elle n'est plus si petite que ça et puis, elle est maman de deux mini-microbes qui écartent alors leur mère de leurs doigts plein de feutre pour me faire un câlin.
— Tonton Naël !
Je m'agenouille et les entoure de mes bras. Les jumeaux m'embrassent chacun une joue et moi leur front. Leurs bouilles espiègles m'ont manqué. Je me relève et finis par embrasser ma grande sœur et son épouse. J'ai besoin de savoir qu'elles vont bien. Elles semblent toutes les deux fatiguées.
— Tu vas bien ? chuchoté-je à ma sœur.
— Ça va, et puis t'es revenu maintenant. C'est une chose de moins pour laquelle je dois m'inquiéter.
Nous nous sourions, sans avoir besoin d'en dire plus. C'est la même chose avec mon père. Nous n'avons pas besoin de mots. Nos regards se croisent et tout est dit. C'est le dernier que je salue. Mon père s'avance vers moi, sans hésiter à me prendre dans ses bras. On en a besoin tous les deux. J'ai besoin de le retrouver et je sais qu'il a besoin de savoir que je suis vivant. J'ai l'impression que tout se remet en place à l'intérieur de moi. Je suis près de ceux que j'aime et le manque s'évapore.
Nous finissons par nous asseoir autour de la grande table familiale. Je pose ma main sur la cuisse d'Héloïse et elle en fait de même. J'ai besoin d'elle. J'ai besoin de la toucher. Je l'observe. Elle commence à discuter avec ma petite sœur. Mon père et ma grande sœur ne mettent pas plus de temps pour se lancer dans un énième débat sans queue ni tête, dont ils ont le secret. Ma mère et ma belle-sœur leur jettent des regards railleurs tout en se moquant d'eux, comme d'habitude.
Mes yeux dérivent sur mes neveux qui jouent sur le tapis du salon. Les jouets sont étalés partout et je suis certain qu'il y en a sous les meubles. Les jumeaux parlent leur propre langage et ça me fait toujours autant sourire. Dans quelques mois, ils ne seront plus seuls. Ma fille les rejoindra. Evidemment, elle ne pourra pas jouer avec eux les premiers mois. Cependant, je suis sûr qu'ils ne mettront pas longtemps à l'entraîner dans leurs bêtises. Ma petite Cyrielle qui grandit tranquillement dans le ventre de ma compagne. Ma main dérive sur son ventre et je tourne la tête vers elle. Héloïse me sourit et ça réchauffe tout mon être.
Je reste silencieux. Je n'ai pas besoin de participer pour me sentir bien et complet. Ils m'entourent. Ils sont là, près de moi, près de mon cœur et c'est tout ce qui compte.
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