Lettre d'un ami
L'été est intolérant. Le soleil casse les vitres. La maison boîte. Les livres poussent partout, jusque dans les couloirs, comme des mendiants experts à trouver la meilleure place. J'aurais beaucoup de choses à faire mais je ne vois rien de plus urgent que de vous écrire.
Je suis bien arrivée en ma nouvelle demeure. Une maison des plus atypiques mais qui sied à merveille à mon esprit. Je ne sais encore le temps que me prendra de déballer toutes mes affaires, surtout que vous savez ma proportion à emprunter plusieurs chemins à la fois et n'arriver au bout que de quelques-uns. Cette lettre n'en est-elle pas le parfait exemple ?
Il faut dire que la chaleur écrasante n'aide ni à se concentrer ni à s'activer. Et cette maison si est vieille, plus que moi, elle en a vu passer. Combien de fantômes se cachent au creux de ses murs ? Combien d'âme a-t-elle accueilli en ses bras ? Un grand nombre à n'en pas douter. Elle ouvre donc grand ses bras à la chaleur qu'elle garde captive. Elle en fera à n'en pas douter de même avec le froid de cet hiver mais il y a une vieille cheminée pour me réchauffer et m'inspirer des rêveries. Il faudra probablement la ramoner néanmoins, un autre chemin à prendre, un autre qui me parait plus appétant que déballer les cartons d'affaires qui de toute façon seront sorties au rythme de mes besoins. Peut-être ne devrais-je rien déballer et les affaires encore non défaites d'ici un an m'en séparer qu'en pensez-vous ? Sauf les livres évidement, qui seront toujours capable de me conter leur histoire que je les ouvre dans l'année ou dans vingt.
Il faudra que vous veniez voir la maison mon ami, même si je suis un vieux loup solitaire qui goûte peu à la compagnie, la vôtre se fait si rare et m'est si précieuse que je la savoure à chaque fois. Il y a un pan de mur avec des encoches pour signaler le passage du temps et les centimètres pris par une jeune vie, dans la salle à manger de vieux meubles de bois branlants et un tapis miteux qui ne recouvrent qu'à moitié une marque de brûlure au sol à la forme rêveuse. Sur le plan de travail de la cuisine un trou à peine plus gros que mon pouce est creusé depuis des générations. Un vieux piano a une touche qui ne fait que sauter. L'une des marches de l'escalier s'est écroulée et doit être sauté. À l'étage les chambres sont charmantes et des carreaux donnent sur le petit et rebelle jardin. La maison dispose également d'un grenier où vivrait un fantôme si nous étions dans un livre d'épouvante mais où ne loge qu'une famille de chauve-souris. Ma désagréable sœur que vous connaissez bien à couiné quand elle est passé, visiblement s'éloigner n'est toujours pas suffisant pour l'empêcher de venir fourrer son nez dans mes affaires, et l'a qualifié de ruine bonne pour tout refaire mais elle ne comprend pas que c'est cet aspect ancien qui fait tout son charme. La maison me chante son âge, chaque tâches, chaque trou a une histoire qu'il me raconte. Ici j'ai l'impression d'entendre la vie qui palpite. Pas comme dans cet ancien appartement récent qui ne racontait rien ou l'immonde maison de ma sœur qui sent le neuf, les faux-semblants et ne délivre rien de son vécu.
Désormais c'est à moi de m'approprier les lieux, d'y laisser mes empruntes. Serait-ce une tâche d'encre sur le bureau ? Une étagère au dos courbé par le poids des livres sur ses épaules ? Une brûlure devant la cheminée qui racontera un hiver glacial et une flamme qui tenta de vivre ses propres aventures ? Je suis impatient de le savoir et c'est tout ce qui peut me motiver à déballer ces cartons. Car chaque clou rivé, chaque cadre posé, chaque petit objet inutile d'ornement posé sera une partie de moi que j'offre à cette maison. Et ce sera mon âme qui chuchotera avec celle des autres fantômes.
J'ai bien fait de vous écrire mon ami, j'y ai trouvé l'envie de continuer mon installation. J'ai hâte d'apprivoiser cette maison, car je crois bien que les lieux sont comme les hommes ils ont besoin que l'on connaisse leur caractère avant de les comprendre et de dialoguer avec eux pour s'entendre.
J'espère dialoguer d'ailleurs avec vous bientôt par un de ces précieux courrier que vous m'offrez et que je chéri.
Le début en gras est le début donner auquel je devais faire suite (le même que pour mon texte l'été est intolérant où je n'ai pris que la première phrase).
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