Les filles Egerton partie 1


La famille Egerton était penchée sur une lettre de leur fils, James, qui par suite de son récent mariage avec la belle Georgina avait eu l'idée d'inviter ses deux sœurs Paulina et Elizabeth à passer la saison dans sa demeure de Londres. La lettre avait créé mille émois au cœur de la famille et plus particulièrement dans celui des deux invitées quand des coups furent frappés à la porte. Et c'est ainsi que fut introduit, dans la maison, William Candell, nouveau propriétaire du domaine de Eastland, une vieille propriété de la région.

Ce dernier venait demander de l'aide pour sa sœur Desdemona avec qui il se promenait dans les alentours quand elle fut prise d'un malaise. De bon cœur on aida donc la jeune fille à pénétrer chez les Egerton le temps que son frère s'absenta chercher le médecin le plus proche.

William Candell n'avait jamais vraiment lié connaissance avec le voisinage, la propriété venant de lui être légué à la mort d'un oncle. Alors cette rencontre, bien que source de tracas, fût aussi une excellente opportunité. Surtout que le médecin l'eut vite rassuré et qu'il trouvait Elizabeth, l'ainée des filles Edgerton, tout à fait charmante dès qu'ils eurent échangés quelques mots.

Sa sœur se portant mieux, il dit adieux à contrecœur mais les invita à dîner dès le lendemain chez lui en marque de reconnaissance pour leur petit service. Et cette nuit-là Elizabeth n'eut que son nom à la bouche tandis que sa sœur et elle étaient couchées. Paulina la trouvait ridicule. Elles avaient certes toutes les deux l'âge de se marier, mais elles pouvaient espérer encore et attendre la venue d'un meilleur parti. Surtout que les deux filles Edgerton n'étaient pas dénuées de charmes et d'intelligence. Selon Paulina, avant même de s'inquiéter de ce que l'on ressentait on devait s'inquiéter de la fortune du prétendant. Or Eastland était peut-être une vieille bâtisse mais il n'y avait plus aucune richesse dedans et ils ignoraient encore tout de la richesse de leur nouveau voisin.

Mais Elizabeth n'écoutait que son cœur et ses liens avec le nouvel arrivant se tissèrent encore plus étroitement de jour en jour. Ce qui inquiéta la famille, puisque William Candell leur avait révélé au cours de ce premier repas n'avoir nulle intention de rester dans la région.

Alors quand le moment fut venu pour les jeunes filles de partir à Londres, ce ne fut que soulagement pour la famille. Même Elizabeth n'en semblait pas vraiment peinée :

— William m'a assuré qu'il passerait à Londres lui aussi très bientôt, révéla l'aînée à sa cadette dans le fiacre les menant à la capitale.

Paulina continuait de trouver cela ridicule et se promit de trouver un parti plus avantageux à sa sœur une fois sur place.

James et Georgina accueillirent leurs sœurs avec bonté. Pour James c'était toujours un plaisir de passer du temps avec des personnes qui lui était si tendre, pour Georgina qui s'ennuyait dans sa vie nouvelle à Londres s'y trouver deux compagnes, peut-être deux amies, étaient un bonheur. Mais ils n'étaient pas seuls à les accueillir. Hugh Jenkins, le cousin de Georgina, était également présent.

— C'est un honneur pour moi mesdemoiselles ! assura-t-il aux jeunes filles.

C'était un homme charmant qui s'intéressa aux deux nouvelles arrivées autant que les hôtes.

— Et vous Paulina qu'avez-vous à nous raconter ? lui glissa-t-il un moment au cours du repas.

— Rien de très palpitant je le crains. La vie est invariablement toujours la même, quand on n'est pas au bal, on est au théâtre, quand on n'est pas au théâtre on est de promenade, quand on n'est pas de promenade on est invité à souper. J'espère que mon séjour à Londres m'apportera quelques changements.

— Je crains que vous ne soyez déçue, les loisirs sont toujours les mêmes, seuls les participants changent. Néanmoins je vous souhaite de trouver quelques personnes à Londres qui sauront vous satisfaire du déplacement.

— Je l'espère également.

En réalité dès ce soir-là elle en fut convaincue. Et pas seulement pour le plaisir que la présence de son frère lui procurait, mais aussi pour Hugh Jenkins, qui en plus d'être de bonne compagnie venait d'une bonne famille, véritablement aisée. Il conviendrait bien mieux à sa sœur et elle n'eut d'autre souhait que de les marier.

Mais Elizabeth ne semblait désirer personne d'autre que son William, alors même que Hugh semblait tout à fait bien disposé à épouser sa sœur, tant il se faisait charmant. Toutes les deux multipliaient néanmoins les promenades en sa compagnie et celle de Georgina, et les soirs James les accompagnaient au théâtre, aux bals et aux soupers. Toujours Elizabeth semblait ailleurs, quand Hugh et Paulina faisaient ce qu'il fallait pour l'amuser.

Puis un jour une invitation de William Candell arriva, les conviant tous à un souper, ce qui combla Elizabeth et ennuya Paulina. Néanmoins il n'y avait aucun moyen d'y échapper.

William semblait n'avoir d'yeux que pour Elizabeth et discutèrent sans discontinuer dès son arrivée. Desdemona était également présente, ainsi que Richard Crosby, l'hôte londonien et ami de William Candell. Il s'intéressa sincèrement aux Egerton, préoccupé du bonheur futur de son ami. Paulina joua un peu de piano à leur plus grand ravissement et l'hôte vint la complimenter.

— C'est un plaisir pour moi de jouer pour un hôte aussi agréable, affirma-t-elle poliment.

— Je vous remercie Miss Egerton. Il me semble nécessaire d'accueillir le mieux possible des personnes aussi cher au cœur de mon ami.

— Rien n'est encore fait Monsieur Crosby, rétorqua-t-elle.

— Certes, mais quand je vois votre sœur et mon ami ensemble je pense qu'il y a peu de doute à avoir sur la résolution de cette histoire.

Elle leur jeta un regard mauvais, ils avaient des yeux pétillants de bonheur en discutant avec Georgina et James.

— Je pense qu'on peut en avoir, décréta-t-elle pour se rassurer. Elizabeth est ravissante et de meilleurs partis s'offrent à elle. Ce ne serait que folie de privilégier votre ami juste parce que son cœur penche vers lui, plutôt qu'une fortune.

— L'argent ne fait pas le bonheur. Un bon mari d'une fortune acceptable vaut mieux qu'un mauvais époux bien riche. De plus, d'après ce que votre frère m'a dit ce soir, votre fortune et celle de William me paraissent à peu près semblables.

Il était vrai que William Candell était presque aussi riche que sa famille, mais Paulina était consciente que sa famille pouvait très vite basculer dans l'endettement si l'on se permettait des folies. Elle espérait bien un jour ne pas avoir à se préoccuper de cela.

— Oui, mais quand on est une fille d'aussi bonne famille qu'Elizabeth, aussi charmante, aussi intelligente, aussi douce et d'aussi bonne mœurs on peut espérer justement un peu mieux, expliqua-t-elle. D'ailleurs je sais un gentleman à la fortune plus conséquente intéressé par ma sœur.

— Ce mari-là ne serait que faire sa richesse. Laissez-là agir selon son cœur ! l'enjoignit Richard Crosby. Elle ne fait rien de mal.

— Je fais ce qui est le mieux pour elle et vous êtes un sot de ne pas vous en apercevoir.

Sur ces mots elle rejoignit Desdemona qui les surveillait du coin de l'œil.

— De quoi parliez-vous avec notre hôte ? questionna la jeune fille.

— Rien qui ne soit plaisant. J'ai bien l'impression qu'il se mêle un peu trop de nos affaires.

Paulina le gratifia d'un regard mauvais.

— Il considère sans doute déjà que votre famille lui appartient, comme il considère que William et moi lui devons tout. Méfiez-vous Paulina, Monsieur Crosby est trop intéressé par la fortune des jeunes filles pour faire un bon parti !

Quel hypocrite ! Lui qui jurait que l'argent ne faisait pas le bonheur ne poursuivait que cela, songea Paulina.

Ce soir-là elle et Desdemona se lièrent d'amitié. La jeune fille vint souvent se joindre à leurs promenades dans les jours suivants avec son frère et Richard Crosby. Cette présence l'agaçait, mais Hugh la rassurait et s'occupait d'elle et Desdemona.

A un souper organisé par James qui avait invité Crosby et ses invités, Paulina s'arrangea néanmoins pour que sa sœur passe un peu de temps avec ce prétendant bien plus intéressant. Crosby et Candell l'interrogèrent alors sur le jeune homme :

— C'est Hugh Jenkins, un riche cousin de Georgina, il passe beaucoup de temps avec nous, spécialement avec Elizabeth, rajouta la cadette espérant pousser Candell à renoncer à sa cour.

Elle insista bien sur le plaisir que prenait sa sœur à passer du temps avec lui, sur le fait qu'il semblait certain qu'il rentrerait avec elles pour faire sa demande à leur père et que vue sa fortune il n'y avait aucune raison de refuser. Cela sembla chambouler Candell qui sembla moins empressé auprès de sa sœur, qui semblait en concevoir quelques soucis. Paulina elle se sentait plus légère, alors qu'elle discutait avec Desdemona, presque certaine que le jeune homme ne serait plus un problème pour son ainée. Mais Crosby les rejoignit et lui demanda un court entretien. Son amie sembla en concevoir une fureur particulière et alors que Paulina se mettait à part, elle croisa son regard emplit d'avertissement.

— Que puis-je pour vous ? demanda-t-elle sèchement.

— Je m'inquiète pour vous Paulina. Vous êtes une fille bien, vous croyez bien faire et vous vous trompez.

— Je vous demande pardon ! s'offusqua-t-elle.

— Ne mariez pas votre sœur avec cet homme où vous le regretteriez autant qu'elle.

— Vous n'êtes pas devin ! s'irrita-t-elle.

Que ce Richard Croby était agaçant ! Pour qui se prenait-il ?

— Non. Mais je sais que William n'est pas pauvre, il a de quoi entretenir votre sœur et les enfants qu'ils auront. De plus la vente d'Eastland lui rapportera aussi de quoi s'installer et il est l'héritier de plusieurs vieux oncles plutôt aisés. Bientôt l'argent ne sera plus pour lui un problème. Alors que le sot que vous lui destinez ne lui apportera que des malheurs.

Il jeta un regard méprisant à Hugh Jenkins qui discutait chaleureusement avec Elizabeth.

— Ce sot est un ami de la famille ! Je vous prierai de vous montrer plus respectueux, déclara Paulina.

— Je ne voulais pas vous offenser mais croyez-moi je sais ce que je dis. De plus je ne pense pas non plus que Miss Desdemona soit de bonne compagnie.

— Ah oui ! Voyez-vous cela ? Votre ami sera enchanté de vous entendre tenir ce genre de propos.

— Je crois qu'il ne m'en tiendrait pas rigueur tant sa sœur empoisonne la vie sous mon toit et est responsable de sa maigre richesse. Elle est mauvaise Paulina. Ne devenez pas comme elle !

— C'est vous qui êtes mauvais !

Elle rejoignit Desdemona les joues rouges de colère.

— Je ne parviens pas à croire qu'il se mêle ainsi de ma vie.

— Je crois ma chère, déclara Desdemona, qu'il a des vues sur votre dot et espère ainsi se faire aimer de vous.

— Il n'y a pas de risque que ça arrive !

Oh non. Jamais elle n'épouserait cet homme-là !

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