French Cancan

Dans les coulisses, la danseuse attendait nerveusement le moment d'entrer sur scène. Elle respira doucement, pour tenter de se calmer, soulevant sa poitrine compressée par son corset, entortillant du bout de ses doigts le tissu soyeux de ses lourds jupons. Elle et ses camarades sembleraient si belles au public dans leurs beaux atours et si apprêtée. Ils ignoraient à quel point ce costume était lourd, les talons des bottines peu confortables pour danser et qu'être serré dans un corset n'était pas une sensation agréable.

Enfin la musique du galop infernal démarra, suivant ses camarades, la danseuse entra un sourire forcé sur les lèvres en balançant son jupon de gauche à droite en rythme avec la musique. Il faisait sombre dans la salle, les projecteurs les éclairent elles, pas le public, mais on apercevait néanmoins leur silhouette. Mais même si la danseuse les regarde, ou du moins leur donne cette impression, elle est tout entière à la danse, à ses pas. Un, deux, trois et quatre et cinq, six, sept et huit et un deux, trois ...

Les jambes volent haut dans un ensemble parfait en retombant sur le sol dans un claquement de talon, les danseuses sautent, en soulevant leurs jupons pour montrer leurs culotte bouffante au public, font des roues, des cathédrales, des grands écarts, des ponts, le tout dans un désordre parfaitement organisé, où chacune a son rôle, sa place. Tour à tour chaque danseuse est dans la lumière avant de repartir au fond, ici il n'y a pas de star, pas une étoile à mettre en avant, elles sont toutes les étoiles qui mettent en lumière la danse.

La danseuse a mal parfois, une mauvaise réception est vite arrivée dans ce tumulte, mais elle le cache derrière un sourire qui ne doit pas quitter ses lèvres. Le spectacle doit être beau, le public ne doit pas savoir la douleur que danser peut être. Il ne doit pas deviner le souffle court à force de cavaler, d'enchainer les battements pendant une dizaine de minutes à un rythme endiablé engoncée dans un costume lourd et inconfortable, en poussant des cris stridents.

Non cela ne doit être que beauté.

Et le corps passe au second plan. La danseuse reste concentré sur ses pas, sur la musique, sur les deux qui se mêlent, s'enlacent et ne font plus qu'un pour offrir à ces gens un spectacle inoubliable où l'art et l'effort ne font plus qu'un, ou la beauté cache la souffrance, où le groupe gomme l'individu. Son esprit est tout cela à la fois, oubliant même sa propre existence dans un bonheur absolu qu'est celui de se fondre dans la musique, de ne faire plus qu'un avec les autres.

Puis la musique s'arrêta, la danseuse ne bougèrent plus, toujours un sourire aux lèvres elle savourèrent la salve d'applaudissement, qui résonnait en elle, faisant naître un nouveau plaisir, celui d'être admiré et remercié pour les efforts fournis. Même s'ils sont pour tous, la danseuse les reçut comme un cadeau personnel. Elle en profita pour reprendre son souffle, toujours ce sourire collé aux lèvres et son corps commença à lui crier son épuisement sa douleur.

Les applaudissements finis, on se releva, se mit en ligne et on s'inclina en guise de salut, avant de repartir dans un ensemble tout aussi organisé vers les coulisses. L'exaltation n'avait pas quitté la danseuse quand elle avait quitté la scène, elle flottait toujours, mais déjà l'ivresse s'éloigna, au fur et à mesure qu'elle enleva son costume et que son corps meurtris cria au repos.

Pourtant cette soirée, comme toutes les autres passées sur scène, continuera toujours de résonner en elle.

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