U...
24 heures.
Je regarde le téléphone. Il y a un nouveau message. Il y a un nouveau message.
Je prends le téléphone entre mes mains tremblantes. Je lis doucement le message.
Je savais déjà ce qu'il allait dire. Mais mon corps se met à trembler. D'abord doucement, puis de plus en plus fort. Tous mes muscles se tétanisent.
Je sais ce que je devrais faire, mais je ne peux pas.
Je regarde le tatouage qui est devant mon bras. Il est noir, presque gris maintenant. Ça fait bien longtemps que je l'ai fait écrire...
Je me rappelle de son sourire quand elle l'a vu pour la première fois. Et je me rappelle de ses larmes quand elle l'a porté à son regard pour la dernière fois... Quelques larmes coulent lorsque je vois le "Lilou".
Je ferme un instant les yeux. Ça ne sert à rien. Elle est morte.
20 heures.
Toujours ce vide. Je me suis endormi sur mon oreiller pendant quelques heures... Encore quelques heures de perdues.
Je devrais faire tout ce qu'il me plait. Je devrais vivre ma vie avec bonheur, pour la dernière fois.
Alors je me lève doucement, et je prends une douche glacée. Puis je sors. Ces murs blancs m'exaspèrent. Ça fait mal. Ça fait mal de vivre ici. Vivre dans la maison de mes parents. Là où a eu lieu leur première dispute...
Au fond, tout ce qui me restait, c'était la communauté. C'était tout.
Je marche dans les rues de Sicile. Il fait chaud, et même mon short me semble de trop. Je marche en essayant de me rappeler tout ce que je voulais faire avant... Avant la fin.
19 heures.
Encore une heure de passée. Les larmes continuent de couler. C'est la fin de ma vie, et c'est tout ce que je trouve à faire.
Je marche toujours dans les rues, et je sens des regards apeurés me suivre. Cela ne durera pas, je le sais pertinemment. Peut-être cinq heures, peut-être plus... Tout dépend la rapidité que mettra p'tit frère à arriver ici.
Je m'approche d'une caisse bancaire, et je retire tout l'argent de mon compte. J'ai des courses à faire. De nombreuses courses à faire avant de pouvoir partir. Ou mourir.
16 heures.
Je sors du dernier magasin. Ça y est, j'ai tout ce qu'il me faut.
J'ai acheté une voiture de sports, rouge et décapotable; ainsi que des vêtements, et tout ce dont j'aurais besoin durant les trois prochains mois.
J'ai passé beaucoup de mon temps, devenu précieux, à acheter des choses, mais ces choses vont peut-être rendre le futur à l'image du passé... Parfait.
Je trouverais bien une nouvelle communauté en Afrique, en Asie, ou en Océanie... Qui sait où je pourrais aller ?
Je prends les nouvelles clés de ma voiture, et la conduit le plus rapidement possible. Les gens d'ici me croient encore à la solde de mon parrain, mais cela se saura d'ici une heure ou deux...
Je reçois un nouveau message. Je tiens le volant d'une main, et de l'autre je prends adroitement mon téléphone.
Je regarde dans les yeux le policier qui me fait face. Il me sourit et ne dit rien. Évidemment. Tout le monde redoute mon parrain.
Je reporte mon attention sur le téléphone, et mes yeux se plissent. Ce n'est pas exactement une menace.
"Je te retrouverai."
Simplement un rappel à l'ordre. D'une certaine façon, cela pourrait s'aligner avec n'importe quelle situation. Alors je regarde ce message, et ne réponds qu'un mot :
"Hibou."
Il comprendra. Juste un mot pour dire qu'il me reste du temps. Que je ne crois pas sa menace. Que je me moque de lui. Qu'il aura beau ouvrir ses grands yeux globuleux, il ne me trouvera pas.
Je sors de la ville. Je sors de la ville et je hurle. Je suis libre. Je n'ai plus qu'à passer la frontière. Je n'ai plus qu'à prendre un billet pour n'importe où, cela n'a aucune importance.
Je suis seul sur cette longue route sinueuse, mais je me sens entouré de toutes les personnes qui m'acclament. Je suis le héros du jour. Je suis le roi du monde.
Je mets la radio, et c'est la chanson "Freedom" de "Pharell Williams" qui s'enclenche. Et j'ai envie de rire. Parce que ça me ressemble.
Je n'ai plus qu'à courir, qu'à fuir. C'est le plus simple. Je l'ai toujours fait. Alors je fais rugir le moteur, et j'avance encore plus vite. Encore plus loin. Le long des déserts.
15 heures.
J'ai chaud. Je retire ma chemise qui comporte le signe de mon allégeance au Parrain. Je n'ai plus besoin de faire semblant maintenant. J'ai juste besoin d'air. D'air et de femmes.
Je regarde ma montre. Quinze heures avant... J'ai le temps. Je prends mon portefeuille dans ma poche, et m'arrête au prochain bourg. Je me suis éloigné, mais pas assez encore. Je connais cette ville.
Je saute au dehors de ma voiture. Vers la première "maison" que je connais. Je demande une fille, n'importe laquelle, et jette quelques billets sur le comptoir. Je compte bien passer du bon temps.
14 heures.
Je sors de la "maison", un sourire de gagnant sur les lèvres. Je suis détendu.
Je marche vers ma voiture, peu pressé. C'est facile.
Je me retourne. Presque trop facile. Je dois me dépêcher. Sous-estimer une personne comme le parrain me fait risquer ma vie... Je préfère être plus prudent mais en vie.
Je monte dans ma voiture, et démarre sur les chapeaux de roue. C'est le dernier village avant longtemps, et j'ai besoin de mettre de la distance entre la Sicile et moi.
Mais quelqu'un se met entre la voiture et moi. Je le dévisage, je le connais. Il me connait. Il sait que je suis avec le parrain. Il sait peut-être déjà que je suis parti.
" Eh ! P'tit oncle !"
Je me fige en entendant ce surnom. Il ne sait pas que je suis parti. Je dois faire semblant, ou tout mon plan tombera à l'eau.
"Alors ? Qu'est-ce que tu fais là ?"
Que lui répondre ? Je ne venais jamais ici... Enfin, dans mon ancienne vie, je ne venais jamais pour le parrain. Je venais seulement pour les filles. Alors j'essaie. En rigolant comme je le faisais avant.
"Pour Delphine... Ou était-ce Daphné ?"
J'ai réussi. Il rit d'un gros rire qui me dégoûte. Mais il n'en a pas fini.
"Alors ? Des nouvelles du parrain ?"
Je retiens une grimace. Il faut que je fasse quelque chose de rapide, j'ai déjà perdu assez de temps ici.
"Rien. Mais il risque de s'impatienter... Surtout si je lui avoue que c'est ta faute..."
Je laisse la menace faire son chemin dans son vieux cerveau mou... Et il écarquille les yeux, puis se décale rapidement vers sa maison.
"Oh... Au revoir p'tit oncle
-Adieu grand frère."
13 heures.
J'ai encore perdu du temps avec cet imbécile fini. Si j'ai raison, et que j'ai sous-estimé la force de la communauté, alors ils vont arriver. Et ce vieux grand frère va me faire prendre avec ses discussions sans aucun sens.
Je soupire. Il faut que j'arrête de me prendre la tête. Je dois avancer.
Je redémarre et la voiture bondit en avant. J'arrive sur la route. Il fait nuit. C'est étrange que je ne l'ai pas remarqué avant. Mais il fait nuit. Et la pénombre me remplit de nouvelles craintes.
Pourquoi aurait-il respecté le délai qu'il avait lui-même imposé ? Il pouvait tout simplement attendre la nuit... Et s'amuser un peu parce que sa proie s'enfuyait.
Je frémis malgré moi, et fit rugir une nouvelle fois le moteur neuf. J'avais besoin de savoir que je m'éloignais de cette horrible ville.
J'appuie sur l'accélérateur, et prend la route vers Rome.
4 heures.
J'ai roulé toute la nuit, et même plus encore. Je n'en peux plus, mais je suis arrivé.
Il faut que je prenne un billet, mais j'ai quatre heures devant moi... Et je suis arrivé. Alors je compte bien en profiter. Et boire. Et manger.
Je m'arrête devant un restaurant, n'importe lequel, pour satisfaire ma faim.
Je rentre à l'intérieur, et boit...
1 heure.
Je ne sais pas ce qu'il m'est arrivé. Je ne me sens pas très bien. Tout cet alcool dans mon sang n'est pas pour moi.
Je sors en titubant, et reprends le volant. Direction la liberté...
17 minutes.
Je suis devant la ville de Rome. Devant la capitale. Direction l'aéroport. Ça a prit neuf heures pour faire ce trajet, mais dans une dizaine de minutes je serais libre.
Une femme est devant moi dans la file pour la réservation de billets. Elle parle avec agitation, mais je n'y fais pas attention. J'aurais du.
Elle parle longuement, et je me sens de plus en plus stressé... Et s'ils étaient déjà la ?
1 minute.
Elle se retourne, et me percute violemment en partant. Je hausse les sourcils en m'avançant. Je ne regarde pas la femme de l'accueil...
C'est ça que j'aurais du faire.
Parce que c'est un homme.
"Bonjour..."
Il regarde sa montre. J'aimerais courir au loin, mais je ne peux pas.
"Et l'ultimatum..."
Il sort son pistolet. Je vois sa montre égrener les dernières secondes.
Il tire au moment net où le zéro final arrive. Je prends la balle en pleine tête, mais je ne sens déjà plus rien. À cause de l'alcool ? De la peur ? De la mort déjà présente ? Peut-être un peu des trois...
***
Si vous partez du village pauvre d'Amérique du sud, et que vous avez réussi à passer la tornade, et que vous arrivez en Italie, vous verrez un bazar monstre à Rome.
Il paraitrait que la mafia s'est déplacée de la Sicile à Rome, mais les médias parlent seulement de réglage de compte sans importance.
Mais si vous vous appochez, vous verrez la tête du chef de cette communauté à part entière... Celui que l'on appelle "le Parrain".
Vous verrez son visage déformé par un sourire de puissance. Il a encore le pistolet dans sa main gauche, et une vilaine cicatrice, belle et bien visible, barre son visage.
Mais il part. Alors concentrez vous sur le corps.
Il est horrifié. On voit les fossettes d'un sourire, comme s'il était en train de sourire avant de voir son agresseur. Il a un tatouage devant ses yeux.
Et, si vous vous placez à la bonne inclinaison, vous verrez ce qu'il est écrit sur ce tatouage....
" Lilou "
Alors vous pleurerez sûrement, parce que c'est triste, parce que c'est beau, parce que c'est sûrement elle qu'il a rejoint ce soir.
Et vous aurez raison.
Merci à _corniniak__ pour son idée qui m'a bien inspiré !
Des idées pour le V ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top