Diego.

Il avait toujours trouvé ça bizarre. Ses parents avaient longtemps hésité. Ils s'étaient longtemps demandé. Tout ça pour prendre le prénom d'un personnage de Zorro... Si au moins il était espagnol ou portugais...

Mais peut-être que s'il ne s'était pas appelé Diego, il n'en serait pas là. Peut être qu'il ne serait même pas connu. Peut-être que personne ne le reconnaîtrait dans la rue.

Diego.

Tout a commencé un jour indéfini de ses treize ans. Il était en secondaire. Il était dans la même classe qu'une magnifique fille. Pour éviter de divulguer son nom, parce qu'aujourd'hui la presse ne ferait qu'une bouchée de son histoire, on l'appellera Angélique. Parce qu'après tout, elle était un ange.

Ils habitaient dans le même immeuble mais ils n'avaient pas la même vie. Pas les mêmes problèmes. Pas les mêmes amis.

Et ils ne se parlaient jamais. Diego n'avait pas la même classe sociale qu'elle. Il faisait partie des pauvres. Parce qu'il n'avait pas la même famille.

Diego était né pauvre. Elle riche.

On aurait dit le début d'un conte sorti de n'importe quelle cervelle d'auteur. Mais cette histoire n'était pas une fiction. Elle était réelle. Il l'avait vécue. Et cela changeait tout.

On était donc le vingt-et-un décembre d'une quelconque année. Une journée inoubliable pour lui. Comme les autres pour les autres.

Il marchait dans la neige poudreuse du Canada. À quelques mètres d'Angélique pour ne pas la froisser.

Elle portait ce jour-là une haut bleu clair, et une jupe noire, ainsi que des chaussures bleues. Elle était éblouissante, comme tous les autres jours.

Diego ne portait que son pantalon marron de la semaine, et sa chemise rouge à carreaux de la fin de semaine. Ses chaussures étaient abîmées de tous les côtés, et certains bouts de glace rentraient chatouiller ses pieds.

Ce jour-là était spécial. On approchait de Noël, et Diego savait que s'il ne lui disait pas cette année non plus, il n'aurait plus aucune autre chance. Elle partirait sûrement l'an prochain, enfin c'était la rumeur qui courait. Il n'avait pas besoin de vérifier s'il était vraie ou fausse. De toute façon, il était grand temps qu'il lui dise.

Il s'avança plus rapidement que les autres jours, et la tête coiffée de sa bien aimée se tourna vers lui, entendant un bruit.

"Angélique..."

C'était un murmure, presque une supplication. Un chuchotis, presque un pleurs.

Les yeux de la belle s'écarquillèrent devant l'audace.

"Plaît-il ?

-Je suis ici pour vous annoncer ma passion."

Il grimaça. Il avait essayé de parler comme elle, et il avait lourdement raté.

Mais les commissures de la jeune fille tremblèrent, signe qu'elle retenait un rire, et elle s'arrêta enfin de marcher.

Ils étaient à la même hauteur. Beaucoup plus proches que dans les rêves les plus fous du jeune homme.

Sa respiration se bloqua mais il continua.

"Angélique, tu es le soleil de mes jours. L'astre de mes nuits. L'amour de ma vie..."

Il sut à ce moment-là que ce jour serait le plus beau de sa vie, quelle que soit la réponse d'Angélique... Parce qu'elle rit. Un rire cristallin emplit le trottoir, la rue, la ville, le pays, le continent, le monde, l'univers, et ses oreilles.

Leurs yeux pleurèrent, elle de rire, lui de joie.

Et ce spectacle aurait ému n'importe qui. Une riche et un pauvre se parlant.

L'instant d'après, tout était redevenu comme avant. La jeune fille inclina la tête, se retourna et se remit à marcher.

Mais dans leurs yeux a tous deux, il y avait de petites étoiles. Et chacun garda ce souvenir au plus profond de son être.

Diego.

Aujourd'hui, je suis vieux. Je me suis battu pour faire de la politique. Elle est devenue chanteuse.

Hier soir, j'ai pensé à elle. Et elle a pensé à moi. Nous étions le vingt-et-un décembre. Hier soir, elle avait un interview. Elle a parlé de moi.

Diego.

Dédié à Seanthisme_tif pour sa quatrième participation ! Passez voir ses oeuvres, elles sont super !

Seanthisme_tif, je me suis permis de changer la vérité. Tu auras compris qu'angélique c'est toi, dans une autre dimension. À une autre époque. En tous cas, je suis fière de moi j'aime beaucoup ce texte personnellement.

Des idées pour le E ?