Tempête

La tempête fait rage au dehors. On voit les vagues, aussi grandes que des immeubles, se fracasser sur le pont. Le capitaine crie des ordres. On s’exécute. Moi, je suis recroquevillé sous ma couette au fin fond de ma cabine. Le vent souffle, le bateau tangue comme jamais. J’ai peur. Je suis fatigué. Cela fait maintenant trois jour que cette tempête a commencé et que notre bateau résiste. Que tout le monde lutte pour ne pas passer par dessus bord.

Pourtant, la moitié de l’équipage a disparu. Emporté par les flots déchaînés. Je n’ai jamais vu pareille tempête. Moi qui ai pourtant déjà voyagé à travers les mers, les océans des dizaines de fois, cette fois là, j’ai peur. Je suis fatigué. L’impossibilité de dormir durant ces derniers jours m’a affaibli au plus haut point. Je pense à ma famille. Cette fois-ci, je préfèrerais être à terre avec mes parents. Je suis leur unique enfant. Eux qui s’inquiètent à chaque fois que je pars en mer et qui, même s’ils savent que la météo est bonne, sont capables de tomber malade à m’attendre une journée de plus que prévu… Je les imagine, morts de peur, se serrant mutuellement dans les bras pour se rassurer aussi bien l’un que l’autre. C’est vrai que cette tempête est vraiment terrible. Ils ont de quoi s’inquiéter. Et moi aussi d’ailleurs. Mais j’essaye de ne pas trop y penser.

Je me rassure moi même en me disant que le bateau est solide et que la tempête sera bientôt finie. Mais un léger bruit à la porte me tire de ma pensée. Je sors de sous mes draps pour ne pas faire trop mauvaise impression puis je cri : “Entrez!”. La porte s’ouvre et j’aperçois le visage apeuré de mon amie Ella. Elle a de grosses cernes qui font ressortir ses grands yeux bleus foncés comme la mer. “Je peux entrer?” me demande-t-elle timidement. “Biensûr !” je lui répond, puis j'ajoute en souriant : “ça me fera du bien d’avoir un peu de compagnie!” Elle sourit à son tour et s’avance vers mon lit, ou plutôt mon vieux matelas pourri et défoncé à cause de la tempête.

Elle s’assi à côté de moi puis pose sa tête sur mon épaule.

Nous restons un moment comme ça, sans bouger, juste pour se rassurer. J’aime beaucoup quand elle fait ça. Je sens ses longs cheveux blonds qui caressent mon dos à travers mon t-shirt déchiré. Je sens son souffle chaud sur mes mains, son corps mince et élancé appuyé contre le mien… Pendant ces moments là, j’ai une envie folle de l’embrasser. Mais je ne le fait pas. Un mousse avec une cuisinière ça ne se fait pas! C’est bien dommage d’ailleurs.

“J’ai peur.” me dit-elle au bout d’un moment.

“Moi aussi.” je lui répond.

Puis nous replongeons dans notre silence. Je passe mon bras autour de ses épaules et je la serre contre moi. Elle ne cherche pas à sortir de mon étreinte; au contraire, elle se blotti contre moi. Je sens son coeur battre près du mien. Le bateau tangue toujours mais la présence d’Ella à mes côtés m’empêche d’avoir peur. Je me dis qu’il faut d’abord la protéger elle.

Petit à petit, je la sent qui devient de plus en plus lourde. Sa respiration s’est stabilisée.

Elle dort.

Adossé contre le mur de ma cabine, je la serre dans mes bras. Je la regarde. Elle est belle a l’air tellement innocente. Je ne résiste pas et je dépose un baiser sur ses lèvres. Puis je ferme les yeux, moi aussi.

Je ne sais pas combien de temps nous avons dormi elle et moi, l’un contre l’autre,  mais, soudain, une vague plus grosse que les autres nous réveille, comment dire, assez violemment. Je sens Ella qui se réveille en sursaut. Elle a un moment de panique en sortant si brusquement du monde des rêves mais se calme aussitôt.

En réalisant qu’elle s’est endormie dans mes bras, elle rougit, gênée, et je desserre mon étreinte. Elle se lève et se dirige vers la porte. Elle murmure un timide

“merci”

puis elle sort. J’écoute ses pas qui s’éloignent dans le couloir. Soudain, un cri persant perce la tempête.

“Ella!” je pense tout haut.

Je me précipite hors de ma cabine. Le vent me plaque contre le mur. J’avance malgré tout. Je cours le plus vite que je peux mais le vent me retient. J’ai peur d’arriver trop tard. J’entend à nouveau un cri d’Ella. Je me rassure, elle est toujours là ! Je continue tout de même ma progression le plus vite possible. J’arrive sur le pont et regarde de tous les côtés pour tenter d’apercevoir Ella.

“Je suis là Thibault !”

Je me dirige vers l’endroit d’où partait le cri et trouve Ella, cramponnée au bastingage. Elle est suspendue dans le vide au-dessus de la mer en furie. Je la regarde un instant sans réagir.

“S’il te plaît, Thibault !” dit-elle désespérément.

Mais quel idiot! Pourquoi je ne l’aide pas ? Ce n’est pas le moment de la trouver belle ! Je me dis en m’arrachant à mes pensées. Je l’agrippe par le bras. Le bateau tangue et, au moment ou elle réussissait à remonter sur notre bateau, elle tombe.

Heureusement, je n’avais pas lâcher son bras. C’est maintenant la seule chose qui la retient pour ne pas qu’elle tombe. On se croirait tellement dans un film réel! Mais ce n’est pas possible! J’ai toujours rêvé de jouer dans un film mais pas maintenant !

Tout mais pas maintenant!

J’ai l’impression que mon bras, pourtant assez musclé à force de tirer les cordes ou monter au mat, est devenu aussi frêle qu’une patte de mouche. Et Ella, qui s’accorche à cette brindille qui est son seul rattachement à la vie! Tout à coup, j’aperçois une énorme vague qui se dirige droit vers nous. Ça y est, c’est fini, je pense. La vague est toute proche, elle arrive !

Dans un dernier effort, je tire Ella vers moi. Je sens la vague qui m’aide, elle pousse Ella vers le bateau. Peut être que les dieux sont avec nous finalement. Mais ma joie est de courte durée. Ella atterri dans mes bras. Mais la vague ne s’arrête pas là et déferle sur nous. Nous sommes projetés vers l’arrière. Je me cramponne à Ella, je ne veut plus la lâcher.

Je nous sens tomber. Emportés par la vague. Nous sommes sous l’eau. La première chose qui me frappe c’est la température à laquelle se trouve l’eau

glaciale !  

Je sens comme des picotements de milliers d’insectes qui s’acharnent sur tout mon corps. En plus, je n’ai pas pensé à prendre ma respiration. Je ne sais pas ce qu’il en est pour Ella mais je la tiens fort contre moi. Je la sens qui se détend tout d’un coup; elle qui était tellement cramponnée à moi depuis tout à l’heure. Non ! Pas maintenant Ella ! Pas maintenant ! Je tente de bouger mes jambes afin de nous remonter vers la surface. Mes jambes ne répondent plus. Je me concentre, j’essaye de ne pas penser à l’endroit où je me trouve. C’est difficile, le froid me mord, c’est à cause de lui que mes jambes sont bloquées. Je me détend. Je projette toute la chaleur de mon corps vers mes jambes. Celles-ci se montrent enfin contrôlables. Je nous propulse vers la surface. Cela me paraît interminable, j’ai l’impression que, au lieu de se rapprocher, la surface s’éloigne. Dans le noir de l’eau, je distingue à peine les lumières du bateau à l’extérieur.

Ma tête sort enfin de l’eau. J’inspire une grande bouffée d’air.

“Que c’est bon !”

Je n’en peut plus, mes muscles me brulent en même temps que je les sens frigorifié.

Je regarde Ella. Ses lèvres commencent à devenir bleues. Je ne sais pas quoi faire !

“Non!”

“je ne dois pas paniquer…”

“il faut que je me serve de mon cerveau”

Au loin, je vois le bateau. Il est beaucoup trop loin pour que je le rejoigne…

Je vois une chose flotter près de moi.

“Une planche ! “

Je m’y accroche malgré la souffrance que m’inflige chaque mouvement. J’essaye de poser Ella dessus mais je n’y arrive pas. Son visage est pâle. On dirait qu’elle est morte… non ! Je ne veux pas y penser.

J’ai l’impression que les vagues se sont un peu calmées depuis le moment où nous sommes tombés du bateau. Tant mieux. Mais il y a un autre problème, j’ai froid et je ne sais pas quoi faire…

J’évalue la situation : Ella et moi sommes seuls avec une planche de bois au milieu de l’océan. Je suis très fatigué et transi par le froid et Ella est très mal en point. La tempête s’est un peu calmée mais le bateau est loin… trop loin.

“Comme j’aimerais arriver sur la terre ferme à ce moment là… je donnerai tout pour que Ella et moi soyons sauvés”

Soudain, comme si quelqu’un m’avait entendu et exaucé mon voeu, j’aperçois une plage au loin.

“Hourra!”

Je commence à nager de toutes mes forces, me servant de la planche comme bouée pour porter Ella.

Je me rend compte que je n’avance pas d’un millimètre. Que se passe-t-il ?

J’essaye à nouveau. Puis je vois que mes jambes ne répondent plus.

“Maudit froid !”

Je tourne mon regard vers l’île. C’est là que j’ai envie d’aller. Là où je dois aller. Là où je vais aller !

Me resaisissant, je repars. Mais je ne bouge toujours pas. Ça ne me fait pas mal car je ne sens même plus la partie de mon corps immergée. J’ai l’impression que seul mon cerveau marche encore. Pourtant, je me demande si le froid ne lui fait pas défaut car je ne sais toujours pas quoi faire. Je suis bloqué ici.

Mais la chance est avec moi, je sent un vent me pousser en direction de cette île.

J’attend… que le temps passe lentement… je sens que nous avançons mais je ne vois pas l’île se rapprocher. Je suis de plus en plus faible et ai de plus en plus de mal à me tenir à la planche. Je regarde l’île ; mon dernier espoir. Mais plus je la regarde, plus elle semble s’effacer. Jusqu’à ce qu’elle disparaisse complètement…

Je comprend alors que c’était juste mon imagination.

Tout est fini.

Je regarde Ella. Je n’en peut plus. Dans un dernier effort je me redresse. Je dépose un baiser sur ses lèvres, et je lâche prise, me laissant engloutir par les flots…

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Personnellement, je suis assez fière de celle-ci, au début je voulais faire une fin dramatique (le sadisme est de plus en plus présent chez moi ! XD) et en l'écrivant, je me suis plus ou moins attachée à mes personnages, alors j'ai voulu faire une fin heureuse... puis je me suis dit que ce n'était pas assez sadique ... alors j'ai pensé à la fin WTF mais j'ai renoncé. J'ai aussi pensé à faire trois fin différentes mais j'avais la flemme... alors j'ai juste arrêté ma nouvelle à un moment où le lecteur peut plus ou moins inventer sa propre fin ... même si, dans la situation où j'ai mis mes personnages, il est un peu difficile de leur faire une fin heureuse. Mais bon, je sais que tout est possible dans l'imagination (je suis plutôt bien placée pour le dire)... alors voilà...
Vous en pensez quoi ? Qu'est ce que vous auriez fait comme fin à ma place ?

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