1. Le Minotaure
Voici donc mon texte pour le concours "Joute Wattpadienne" , dans la faction "Sens légendaire". La consigne était d'écrire/réécrire un mythe/légende en ne se concentrant que sur un sens. J'ai donc décidé de faire une nouvelle sur le mythe du Minotaure en écrivant de son point de vue et en me focalisant sur l'odorat/goût (en effet, ceux-ci avaient été mis ensemble par les ÉditionsManticore).
Tout retour construit est le bienvenu. :)
Bonne lecture !
Je suis né maudit, c'est inscrit dans mes veines. Je ne suis pas de ceux qui choisissent leur destin, je suis de ceux qui le subissent. Quoique je fasse, je resterai moi-même : un monstre.
Je sais que je suis difforme, quant bien même je suis incapable de me voir. Peut-être est-ce mieux ainsi, d'ailleurs. La vue est le sens des hommes. Moi, je suis une bête, je sens. Vous, vous vous attardez sur l'apparence des choses et des autres. Votre vue vous aveugle si je puis dire. Jamais vous n'allez plus loin. Vous n'aimez que la beauté. Votre pire crainte est la laideur. Tandis que vous vous attardez sur la blancheur d'une peau couleur du lys, que vous la trouvez magnifique, moi, je la sentirai. Alors que vous ne verrez que la belle jeune femme ou l'éphèbe, moi, je sentirai le champ fleuri qu'ils dégagent. Si le sourire qu'ils vous feront vous éblouira, moi, je sentirai s'il est vrai ou faux. Car il y a une odeur des émotions.
Alors tu murmures : <<Est-ce un monstre ? Il pense comme un homme !>>
Mais qui est le monstre ? Dit-le moi, toi qui est humain. Qu'est-ce qui fait la monstruosité ? Juge-en par la mienne. Je pense comme toi mais je ne te ressemble pas. Là, comme tu te considères bon, comme tu as des valeurs que tu crois justes, tu me diras que je ne suis pas un monstre. Que le monstre d'une personne est dedans, pas dehors. Que cela se juge par les actes. Juge des miens, humains.
Une brise iodée, salée, traverse les murs froids du labyrinthe. Son agréable odeur rebondit sur les murs et pénètre mes narines. C'est un vent de liberté qui souffle. Je marche, la bouche sèche, la gorge serrée. C'est comme si une main griffue me déchiquetait de l'intérieur. J'ai faim. Incroyablement faim. On ne me nourrit qu'une fois tout les neufs ans et je sais que mon repas va venir aujourd'hui. Je te l'ai dit : les émotions ont des odeurs. Bientôt, mon labyrinthe se remplira de celle de la peur.
Enfin, ils sont là. Je sens sept fille et sept garçons. Leur terreur emplis l'espace, fait écho sur les murs et se précipite sur mon être. Je la respire, j'en emplis mes poumons. Dans quelques instants, je l'aurai en face, puis, méticuleusement, je la mangerai.
Lequel vais-je choisir pour commencer ? Je me concentre. Trois d'entres eux viennent de la campagne, leur odeur est celle du travail des champs et de l'herbe des prés. Deux autres des forêts, ils sentent l'humus. Leur odeur est fraîche comme l'ombre des grands arbres. Soudain, une senteur délicieuse et timide balaie toutes les autres. C'est un garçon, je sais que c'est un garçon. Il sent la Jacinthe. Je l'imagine bien oisif, tranquille, se promenant, s'allongeant parmi les fleurs, absorbant leur odeur. Ma première victime est désignée. Il m'entend arriver car mes sabots frappent le sol en pierre. Il s'enfuit. Son odeur s'éloigne un peu. Il est triste pour sa personne que je commence à connaitre ce tartare terrestre. Jacinthe fonce dans une impasse, je le sais.
Le garçon se colle contre le mur. Son odeur s'immobilise avec lui puis, comme timide, elle vient chatouiller mes narines. Je connais l'effluve de l'océan. La Crète est une île et, souvent, le vent m'apporte ses arômes salés. C'est quelque chose que j'aime beaucoup.
Ma victime pleure. Je n'ai pas besoin de l'entendre ou de la voir pour savoir cela. Je le sens et c'est salé. Comme si l'océan débordait de ses yeux. Toi qui peut voir, est-ce que ses yeux sont un océan ? Je sais que, parfois, vos yeux ont la couleur de l'océan. Comme cela doit être étrange de les voir se noyer dans les larmes...
Plus je m'approche, plus ce qu'il dégage est délicieux. La terreur, acide, se mélange au sucre des jacinthes. Nul Apollon pour figer son odeur en une fleur ou pour le changer en laurier. La seule divinité présente à cette instant c'est Thanatos et je me drape allègrement dans son manteau. Je dévore le garçon sans états d'âmes. Sa chair est des plus délicieuse. Monstrueux, ne suis-je pas ?
Après lui, je veux une fille. Je suis la piste odorante de l'une d'elles quand brusquement je sens une autre fragrance, masculine. Elle s'approche. Pourtant, cette personne a dû entendre mes pas. N'a t-il point peur de mes sabots frappant le sol ? Je hume l'air. Un jeune homme court vers moi. Est-il fou ? Je suis le Minotaure, une créature de cauchemar. Alors pourquoi semble t-il si calme ? Il ne sent ni la terreur, ni la renonciation. Je suis perdu. L'odeur de la détermination m'était jusqu'alors inconnue. Qu'elle est délicieuse ! Mais si violente et forte... Son effluve d'homme fait bientôt face à moi. Je sens, dans sa main, une arme à l'arôme de métal.
Pour la première fois, c'est moi qui ai peur. Si je ne suis plus le Minotaure, si je n'inspire plus la terreur, que suis-je ? Mon identité est d'être monstre. Et lui, humain, me la retire ? Cette sensation désagréable à l'odeur pourtant si délicate laisse place à une autre, que je ne me connaissais pas. Elle est violente, terrible. Hors de moi, je me précipite sur cet insolent, cornes en avant. Il esquive, frappe, recule. Jamais personne ne s'était défendu de cette manière, avec tant d'habileté et de vaillance. Je ne suis pas de taille. Qui pourrait lutter ?
La lame de son épée s'enfonce dans mon flan. Lorsqu'il la fait ressortir, l'odeur âpre et aigre de mon sang envahi mes naseaux. L'homme s'en va.
Est-ce ainsi que je vais mourir ? Dans la souffrance ? Je suis né dans la souffrance, j'ai grandit dans la souffrance et je m'en suis repu. Faut t-il que je périsse dans la douleur ? C'est assez ironique. Moi qui riait de ma Jacinthe, il y a encore peu, je péri en me disant que, moi non plus, Apollon ne viendra pas me transformer. Moi qui revêtait le manteau de Thanatos, sûr et fier, voilà qu'il le reprend et le met.
Je suis le monstre qui agonise, poussant des hurlements d'animal. Moi qui infligeait le mal, je le ressens dans ma chair. L'odeur de mon sang est terrible. Je la hais.
Je ne veux pas mourir dans ces effluves, seul. L'homme est loin mais je l'appelle. C'est une sorte de grognement, enroué, laid, à mon image. Le guerrier se retourne, je sens son regard sans pouvoir le voir. Son odeur se rapproche puis s'arrête. Elle a changé. Elle est plus douce, moins conquérante, plus torturée. Au bord de la mort je ressens ce qu'il a en lui plus que jamais.
Guerrier, toi qui a tué une bête, maintenant, tu vois un homme. Mais pourquoi as-tu attendu si longtemps pour me voir ainsi ?
Qui suis-je au final ?
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