La Princesse de Nacre (2/2)

Puis le Corbeau s'interrompit au moment où il vit le diadème de Nacre entrelacé dans les cheveux blancs de la princesse. Tout en saisissant délicatement la couronne sacrée du bout des doigts, il murmura :

— Un diadème de Nacre... Comment est-ce possible... ? Qui êtes-vous... ?

— Lâchez-la immédiatement, prince Tyago.

***

Le Corbeau fit volte-face pour découvrir le prince des Aigles, à la lisière des deux territoires. Un échange s'entama alors entre les jeunes princes, mais Eleann ne les écoutait pas. Elle se contentait de les observer l'un après l'autre, avec un mélange de surprise et d'admiration, et ne revint à la réalité qu'au moment où elle entendit la dernière phrase de Naokim :

— Eleann est ma fiancée.

Sur ces simples paroles, Tyago relâcha la princesse de Nacre et ne répliqua rien, se contentant de scruter Naokim et Eleann. En voyant son fiancé qui l'incitait à revenir, la jeune Héron se décida à le rejoindre. Au bout de quelques instants, le prince Tyago finit par déclarer froidement :

— Je dois y aller : mon père serait indigné s'il me voyait. Enchanté cependant de vous avoir revu, prince Naokim, et de vous avoir rencontrée, princesse Eleann.

Le jeune Corbeau s'éloigna alors vivement et lorsque le prince de Jais fut hors de portée, Naokim soupira :

— Franchir la frontière... Eleann, vous ne pouvez vous permettre de telles imprudences... Je n'ose imaginer la réaction de mon père s'il apprenait cette rencontre...

Eleann baissa la tête devant ces reproches, honteuse de sa maladresse. Alors que Naokim et elle s'apprêtaient à rentrer au palais des Aigles, le prince Corbeau était déjà revenu chez lui et s'était empressé de raconter à son père son excursion dans la forêt. Et la réaction du Roi du peuple de Jais ne tarda pas à se faire savoir :

— C'est inacceptable. Une alliance entre les Hérons et les Aigles : comment peuvent-ils nous trahir d'une telle manière, alors qu'ils nous ont tous deux juré fidélité ? J'ignorais que nos voisins se livraient aux mêmes vils stratagèmes que nous... Il est grand temps de reconsidérer notre tactique pour les anéantir. Bien, Tyago. Je vous confie une mission de la plus haute importance : rendez-vous chez les Aigles et capturez la princesse Héron pour la ramener ici.

La Déesse qui observait cet échange fut de nouveau attristée, presque abattue par ce plan perfide. Aucun peuple ne semble plus vertueux que l'autre... Je ne les aiderai plus... Aucun d'entre eux. Et elle s'était tristement retirée, laissant seules ses propres créations face à leurs sombres destins.

L'enlèvement de la princesse Eleann eut lieu l'une des nuits qui suivirent et fut un succès pour le prince Tyago, qui grâce à son Ingéniosité, vertu propre aux Corbeaux, parvint à échapper à la vigilance des gardes du peuple d'Or. Eleann vit alors disparaître au loin le lieu qui avait été son foyer pendant presque dix ans. Le Roi des Corbeaux lui réserva un accueil chaleureux et intéressé, à l'instar de celui que lui avait tenu le Roi des Aigles. Puis le temps passa, encore, pendant lequel la princesse Héron grandit dans un univers tout à fait différent du premier, un univers qu'elle apprit rapidement à aimer. Bien sûr, le monde des Aigles tout comme ses anciens amis, et surtout Naokim qu'elle considérait comme un frère, lui manquaient terriblement, mais cette absence était compensée par une toute autre joie procurée par sa nouvelle vie. Elle apprit à lire et à compter, comme il était de coutume chez les Corbeaux.

Des recherches, bien entendu, avaient été lancées chez le peuple des Aigles, mais le Roi d'Or avait fini par se rendre à l'évidence : la princesse Héron avait été capturée par le peuple de Jais et, malgré les protestations de son fils, le Roi d'Or refusa de dépêcher une armée pour la récupérer, estimant que les Corbeaux lui auraient sûrement tendu un piège fourbe.

Ce ne fut que le jour de ses seize ans que la princesse Eleann put éclaircir le mystère de ses origines. À l'aube de cette journée d'apparence si semblable aux autres, le Roi des Corbeaux reçut une lettre inattendue de la part du Roi des Hérons qui les invitaient, Eleann, Tyago et lui. Bien que cette proposition parût surprenante aux yeux du Roi de Jais, il ne trouva aucun prétexte pour la décliner. Ce que le Roi des Corbeaux ignorait cependant était que le Roi d'Or avait reçu exactement la même proposition et qu'il escomptait également l'accepter. Se retrouvèrent alors à midi, sous l'arbre sacré de la Déesse, les trois Rois ennemis, qui, malgré leurs accords, avaient tous emmené avec eux leurs armées, camouflées dans la forêt, non loin du grand arbre. Le Roi de Nacre prit la parole en premier :

— Salutations à vous, mes chers confrères. Je vous ai conviés en ce jour, car il est pour moi spécial : il marque le seizième anniversaire de ma fille cadette qui se trouve sans aucun doute emprisonnée chez l'un d'entre vous. Je vous en prie : faites-la venir, au même titre que vos fils.

Sur ses paroles, le Roi des Hérons se retourna pour laisser place à son fils aîné, le prince Roann. Les Rois d'Or et de Jais l'imitèrent ; Naokim et Tyago s'avancèrent, puis se fut au tour de la princesse de Nacre de sortir de la forêt. Les yeux d'Eleann se mirent à briller de joie lorsqu'elle découvrit ses pairs et elle voulut se précipiter vers celui qu'elle avait déjà deviné comme étant son frère aîné. Mais, le Roi des Corbeaux la coupa dans son élan, ce qui laissa échapper au Roi de Nacre un cri d'indignation :

— Vous, donc ! Scélérat ! Laissez partir ma fille !

Le Roi des Corbeaux se contenta de désapprouver d'un geste de la tête et ce fut le Roi d'Or qui proposa une solution, quoique perfide :

— Puisque nous voulons tous retrouver la princesse, qu'un combat soit organisé entre nos trois fils. Que le plus courageux, le plus ingénieux ou le plus gracieux l'emporte, mettant alors fin à nos conflits perpétuels, autrement que dans un bain de sang comme cela le fut jadis.

Le Roi de Nacre s'apprêta à protester, sentant que ce plan était l'occasion pour le peuple d'Or d'affirmer sa puissance et son Courage, mais le prince Roann s'interposa.

— Très bien. Qu'il en soit ainsi, déclara-t-il solennellement, avant d'ajouter à l'intention de sa petite sœur qui dévisageait les trois Rois et les trois princes avec une grande tristesse : Je lutterai pour vous, ma chère sœur. Je triompherai pour votre bien...

Eleann eut beau secouer la tête pour dissuader son frère de se lancer dans ce combat absurde, le prince Roann ne revint pas sur sa décision. Tyago, en dépit de son bon sens, approuva les termes de l'échange, désirant à tout prix conserver sa belle. Les trois princes se positionnèrent alors en cercle, tandis que leurs pères reculaient légèrement. Eleann prit à cet instant une décision qu'elle seule pouvait prendre, car elle était l'unique personne à posséder les vertus des trois peuples. Échappant à l'emprise du Roi des Corbeaux, elle s'élança entre les trois princes qui se ruaient déjà les uns vers les autres... Une douleur intense, indescriptible l'envahit et elle se sentit chuter sur le sol mousseux, tandis que son prénom retentissait au loin...

Un halo argenté scintilla alors autour de la princesse mortellement blessée et un brusque regain de vie inexplicable l'envahit. Une sensation à la fois douce et puissante parcourut le corps mutilé d'Eleann et ses plaies se refermèrent soudainement. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle découvrit un monde tout à fait différent, étrangement petit, puis elle se rendit compte qu'elle volait dans les airs. Elle entendit ensuite une voix mélodieuse chantonner dans le ciel et elle remarqua que cette voix n'était nulle autre que la sienne. Stupéfaite, Eleann en oublia presque de battre des ailes et elle se laissa retomber sur le sol mousseux, entre les trois princes qui la dévisageaient avec la plus grande admiration. Son frère fut le premier à reprendre ses esprits et il murmura avec émotion :

— Ma chère sœur... je suis si heureux pour vous...

Il l'étreignit avec douceur puis vint le tour de Naokim et de Tyago de s'excuser au nom de leur peuple pour les souffrances qu'ils avaient infligées à la princesse. Les Rois d'Or et de Jais s'inclinèrent alors face à la noblesse des sentiments de leurs fils, tandis que le Roi de Nacre demandait pardon à sa fille pour l'avoir abandonnée aussi lâchement. Tous les peuples s'étaient ainsi excusés avec sincérité, sans arrière pensée, et la Déesse fut obligée d'admettre que leur châtiment était fini. Ce fut donc dans la plus grande fierté qu'elle leur conféra les capacités oubliées de leurs ancêtres.

Quant à Eleann, elle épousa le jour même le prince Tyago qu'elle aimait de tout son cœur ; leur mariage fut célébré au pied de l'arbre de la Déesse et tous y furent conviés. Ce fut une journée inoubliable qui marqua le début d'une ère nouvelle. Une ère, où pour la première fois depuis bien longtemps, la paix et l'équilibre allaient régner...

***

Merci beaucoup pour avoir terminé la lecture de ce conte, j'espère qu'il vous aura plu et fait rêver ! 😊

À bientôt pour de nouvelles aventures,
Agathe Aris.

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