Eaude à l'amour
À Sel qui nourri mon âme,
C'est telle une minuscule goutte d'eau insignifiante, sortie des tréfonds de la terre, que j'ai commencé à dévaler les rochers, impatient de te retrouver enfin. La route est longue et périlleuse pour parvenir à te rejoindre, mais tu me connais suffisamment pour savoir que je ne m'arrêterai pas avant d'avoir atteint mon but.
C'est un monde merveilleux qui s'offre à moi, tandis que je dévale monts et vallées à une vitesse folle, m'insinuant dans le moindre interstice qui serait susceptible de raccourcir mon périple.
J'aime sentir les lapements des animaux qui se repaissent de ma fraîcheur à l'orée d'un bois.
J'aime écouter mes clapotis qui s'écrasent le long de la rive et me font penser à la douce mélodie de ton chant cristallin.
J'aime voir les rayons du soleil réchauffer le cœur de mes eaux, trop froides de ton absence.
Cette sensation de liberté me donne le vertige. Je voudrais parfois pouvoir voler auprès des oiseaux dont je perçois le reflet ricocher sur ma surface limpide. Pouvoir courir, tel le gibier dont je vois les ombres défiler sur mes berges humides. Mais je suis condamné à n'être que le spectateur de ce paysage qui passe aussi vite que le temps s'écoule.
Au détour d'un bosquet, une présence inconnue me ralentit. J'ai beau pousser de toutes mes forces, cet énorme obstacle me barre la route. Je m'étale, je glisse, je monte, comme la colère qui gronde dans mes abysses. Je détruit tout sur mon passage, tout sauf ce monstre d'acier qui me retient de ses bras plus durs que de la glace.
Aucun moyen de contourner ce démon contre-nature qui entrave la route de l'espoir, l'espoir de retrouver mon amour perdu, perdu pour toujours.
Mes larmes coulent, mais il y manque ton sel, sel qui donne du piment à ma vie, vie qui n'a plus de sens sans toi.
De rage, quelques gouttes s'échappent et je m'affranchis de cette prison de fer. Un mince filet, presque imperceptible tel un rayon de lumière dans les ténèbres, mais qui signifie la délivrance, et l'assurance de te revoir très vite.
Je sens déjà les volutes merveilleuses des embruns que tu envoies pour m'accueillir.
Je suis là, tout près.
À très vite, mon âme, ma vie.
Doux.
***
Mon Doux amour,
Je ne compte plus les jours depuis ton funeste départ et me languis de toi aussi fort que la Terre se sentirait perdue sans sa lune, que le navire chercherait son phare dans la nuit. Je guette l'horizon à chaque instant, espérant voir tes flots galoper fougueusement vers moi, mais la route est semée d'embûches et l'impatience gronde dans les profondeurs de mon âme. Comment un être aussi cruel a-t-il pu décider de nous séparer ? Quelle malédiction nous a frappé pour que l'on ne puisse vivre cet amour au grand jour ? Qu'avons-nous fait de mal pour être éternellement condamnés, toi à me chercher, et moi à t'attendre ?
Une marée de sensations monte en moi face à tant d'injustice. Parviendras-tu à braver tous les obstacles pour me retrouver ? Je n'en ai jamais douté car tu n'as jamais échoué. Mais à moi, il m'arrive de renoncer, de me dire, à quoi bon persévérer, puisqu'une fois encore, tu vas t'envoler. La peur inonde mon esprit, envahit chacune des particules qui composent ma vaste inexistence et me noie de désespoir. Mes larmes coulent dans un raz de marée d'effroi, bercées par l'idée de ne plus te revoir. Je me laisse sombrer, sans rien faire pour remonter à la surface.
Au loin, la flamme se rallume, le courant furieux de ton amour se déverse en moi dans un tourbillon d'étoiles. Une vague de bonheur qui explose en mille éclats sur les rochers.
Tu es là. Je te sens. Je te vois. Je te sais.
La houle en moi se déchaîne. Nos eaux chargées de ce désir ardent peuvent enfin s'ébattre dans les tumultes de la passion. Ta douceur enveloppe mes gouttes amères et l'acidité de la vie s'évapore dans les airs. Nous pouvons enfin laisser libre cours à notre amour, mes craintes échouées sur le sable, écumant mes regrets entre les galets.
Ton bras puissant me sert pour ne plus me lâcher, mes va-et-vient langoureux te caressent pour ne plus te quitter. L'exaltation de ce moment nous submerge tant l'équilibre de l'univers est parfait à cet instant.
Enfin réunis, enfin entiers, enfin nous.
Les premières lueurs du jour sont déjà là, mais nos tendresses n'en sont qu'à leurs prémices. La tempête menace, les vagues montent de plus en plus haut, de plus en plus fort. Leur rugissement fend les embruns du plaisir qui gronde en moi. Je m'agrippe à toi de mes lames aiguisées, avant de chavirer d'ivresse dans une ultime ondée ardente.
Le flux se mêle, le reflux nous démêle, et déjà la chaleur de l'astre céleste éveille tes cellules. Je te sens te dissoudre en moi.
Non, pas déjà ! Il est trop tôt pour partir, trop tôt pour t'envoler, trop tôt pour m'abandonner.
Je te retiens de toutes mes forces, tu résistes à n'en plus tenir, mais il faut nous rendre à l'évidence et accepter notre sort, encore.
La mort dans l'âme, je me résigne à te laisser. Le cœur meurtri, tu te résous à me lâcher. Et de mes larmes redevenues amères, je te regarde t'évaporer, en espérant que tu reviennes vite boucler à nouveau, ce cycle de la vie qui nous anime éternellement.
Sel.
Nouvelle écrite pour un AT dans le cadre de la journée de la poésie. Le thème : l'eau dans la rêvalité (du rêve à la réalité).
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