La dernière fleur
"Assis sur l'herbe, Nielz regarde une fleur. Si fragile... Il lui suffirait d'un geste pour l'écraser." (résumé)
Bonjour les gens. Encore un texte de concours. Couverture par RefletsDeTurquoise, comme d'hab. Je me répète, moi. Bref, bonne lecture.
Il ne restait qu'une fleur.
Rouge, divisée en dizaine de petits bouquets qui bruissaient dans la brise. Elle semblait plus foncée dans la nuit, mais à mesure que l'herbe approchait, elle se nimbait de centaines de teintes écarlates.
C'était la dernière qu'il lui restait.
Nielz s'agenouilla devant elle, effleura timidement un pétale d'une douceur infinie. Il osait à peine la toucher. Il avait peur de lui faire mal. S'il l'arrachait...
Il frissonna, serra le poing et les paupières. Inspira profondément, retint son souffle. S'allongea sur l'herbe humide de rosée. Seulement alors il osa rouvrir les yeux. Ils étaient pleins de larmes.
Il en avait arraché tant, des fleurs. Des roses peut-être, ou alors des bruyères, des azalées ou des œillets. Des gentianes, des primevères, des chardons, des séneçons. Des géraniums, des coquelicots, des valérianes et des pivoines.
Toutes étaient éclaboussées de sang.
Nielz n'en pouvait plus. Il détestait cette vie. Plus le temps passait, plus il se demandait ce qui l'avait poussé à commencer. L'appât du gain, vraiment ? Mais quel gain ? Était-il désespéré à ce point ?
Il la sentait encore, l'odeur. Il la sentait en permanence. Elle flottait dans l'air, s'infiltrait dans ses narines, s'accrochait à sa peau, ses vêtements, ses cheveux.
Et elle ne partait jamais, même quand les taches disparaissaient. Il frottait toujours vigoureusement. Le sang partait, oui. Mais pas les souvenirs.
Il voulait arrêter. Tout arrêter. Partir un matin pour ne plus revenir. Tout lâcher, comme ça. Sans rien dire. Laisser Jay et les autres. Jay... Comprendrait-il ? Il le traiterait de lâche, de traître. Et il aurait raison.
Mais était-ce important, si Nielz s'en allait ? Il ne reverrait plus jamais Jay, ni Lix, ni Ed, ni aucun de ses amis. Alors qu'est-ce que ça pouvait lui faire ?
Sa gorge se serra. Ça pouvait lui faire beaucoup de choses. Il ne voulait pas que leur dernier sentiment à son égard soit la rancœur. Ils ne voulait pas qu'ils le détestent.
« Nielz ? »
Il sursauta. C'était Jay. Bien sûr. Son meilleur ami savait toujours où le trouver.
« Ça va ? »
Non.
« Oui, oui.
— Ah, bon. Ça n'a pas l'air, murmura Jay. Pourquoi tu es parti si soudainement, tout à l'heure ? »
Nielz ne répondit rien. Il se recroquevilla. Il avait froid.
« Ça c'est bien passé, ta mission ?
— Oui... »
Il était de nouveau au bord des larmes.
« Tu es sûr ? insista Jay.
— Oui, répéta Nielz plus fermement.
— Alors c'est autre chose qui ne va pas, réfléchit son ami à voix haute. C'est quoi le problème, Nielz ?
— Je...
— Tu veux en parler ? Nielz... tu sais que je serai toujours là, quoi qu'il arrive ? »
C'était le moment parfait. Jay était venu le voir. Il fallait le lui dire.
« J'en ai marre de tout ça, avoua-t-il dans un souffle.
— Tout ça, quoi ?
— Mais tu sais bien... C'est... Ce n'est pas bien, ce qu'on fait !
— Et tu veux faire le bien ? demanda Jay.
— Oui... Mais pas comme ça... On ne répond pas au mal par le mal, Jay.
— Mais... »
Jay baissa les yeux.
« C'est... tu ne peux pas... et nous ? Comment on ferait sans toi, Nielz ? »
Sa voix se brisa. Nielz se sentit coupable. Il savait combien Jay était fragile, depuis la mort de son père. Et lui, il voulait...
Ils se turent. Jay regardait ses bottes. Nielz regardait la fleur rouge. La dernière fleur qu'il lui restait.
« Viens avec moi, dit-il soudain. On part tous les deux.
— Tu sais très bien que je ne peux pas.
— Et pourquoi ? demanda Nielz d'une voix plaintive.
— Il y a... Il y a Lix, et tous les autres... » Jay ferma les yeux, expira profondément. Marqua une pause. Lorsqu'il reprit, il parlait de nouveau de sa voix autoritaire habituelle : « Pars seul, Nielz.
— Quoi ? Mais...
— C'est ton choix. Moi... tant que mes amis sont heureux, ça ne me dérange pas d'avoir du sang sur les mains.
— Tu aurais encore le beau rôle, rit tristement Nielz.
— Mais non. Tu es le jeune chevalier en rédemption. Moi, je suis l'assassin.
— Je ne peux pas... vous laisser comme ça...
— Si. C'est ce que que tu vas faire », dit Jay. Il attrapa son menton pour le regarder droit dans les yeux. « Vas-y, Nielz. Pars. Pars pour nous tous. »
Nielz l'étreignit. Il ne retenait plus les larmes qui dévalaient ses joues. Jay se laissa faire sans rien dire, sans bouger. Son regard voilé fixait l'horizon.
« Jay... Tu es sûr ?...
— Oui, Nielz.
— Jay...
— Ne discute pas. Écoute ton grand frère.
— T'es peut-être plus jeune que moi.
— Mais je suis plus grand.
— Ça marche pas comme ça.
— Maintenant, si. Ah, et, Nielz ? N'envoie pas de carte postale, je leur dirai que t'es mort.
— Hein ? Mais...
— Ne commence pas à discuter. Et arrête de chialer, crétin.
— Tu pleures aussi.
— Ah ouais ? »
Jay s'essuya les yeux et effleura la joue de son ami.
« Regarde. C'est toi. »
Nielz renifla. Il entendait Jay respirer contre sa poitrine, un peu fort, un peu vite.
Puis Jay se leva. Trop vite...
« Adieu, Nielz. Va-t'en, maintenant. »
Il resta planté là en lui souriant. De ce pauvre sourire des sacrifiés. Pourquoi tu fais ça, Jay. Tu n'es pas obligé. Il aurait voulu lui demander, mais les mots restaient coincés dans sa gorge. C'était peut-être mieux.
Ce fut Jay qui s'en alla le premier. Nielz resta étendu sur l'herbe. Il pleurait de nouveau.
La fleur saignait dans le ciel de l'aube. Nielz détourna les yeux. Il voyait cette couleur partout.
Il posa un doigt sur la fleur comme pour dire adieu. Elle trembla. Il s'attendait presque à ce qu'elle lui réponde.
Le soleil apparut à l'horizon, égal à lui-même, identique à la veille. Il ne se doutait de rien, le soleil. Il effectuait sa routine sans se préoccuper du reste.
Nielz devait partir. Immédiatement. Avant de piétiner la dernière fleur qui restait sur l'herbe. Il devait la sauver avant qu'il ne soit trop tard, qu'il l'arrache d'un geste de rage ou de négligence.
Il devait se sauver.
« Adieu... »
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