Chapitre 2

Le lendemain...


Le soleil se levait doucement, laissant passer entre les arbres de minces rais de lumière qui donnaient une atmosphère véritablement magique au sous-bois. Ce fameux bois, que personne n'osait approcher, regorgeait pourtant de choses merveilleuses à voir et à admirer. Ce jour-là, il s'y passa des choses effectivement merveilleuses, mais qui en auraient effrayé plus d'un.

La jeune fille se réveilla très tôt, dès l'aube, et sortit de son abri avec un but bien précis : tester ses pouvoirs. Depuis qu'elle était arrivée dans ce monde, ces derniers s'étaient atténués, pour finir par complètement disparaître. Elle mentirait si elle niait y être pour quelque chose. Car c'était principalement parce qu'elle avait rejeté la faute sur eux, les avait refoulés et qu'elle les détestait qu'elle ne pouvait plus les utiliser à présent. Peut-être était-ce une bonne chose, après tout.

Mais elle voulait absolument voir si ces derniers étaient revenus. Durant les deux longues dernières années, elle avait réfléchi, beaucoup d'ailleurs, et avait grandement changé. Mais au niveau mental uniquement. Son apparence était restée strictement la même qu'à son arrivée dans cet univers, bloquée sur douze ans. Alors qu'elle en avait quatorze à présent. Mais bon, quelle importance ? Personne n'était au courant de sa présence ici, personne à part ce jeune inconscient qui avait manqué de se faire tuer la veille. Il ne risquait pas de revenir de sitôt... enfin, c'est ce qu'elle pensait.

Elle commença à faire une liste des pouvoirs à tester dans sa tête. Elle souhaitait les utiliser de façon modérée et utile, afin de ne pas faire de bêtise. Après tout, ce n'était que la deuxième fois qu'elle les utilisait... seulement pour certains.

Elle s'approcha du lac qui se trouvait en face de son abri et s'agenouilla près de celui-ci. Plongeant la main dans l'eau froide à cause de la fraîcheur du matin, elle libéra sa magie. Aussitôt, l'onde s'éclaircit autour de ses doigts, purifiée, puis rapidement ce fut à toute l'étendue bleue de l'être. Un sourire satisfait apparut sur les lèvres de l'adolescente.

Elle se releva alors, et se dirigea vers une buisson de fleurs violettes qu'elle avait elle-même plantées. Certaines étaient déjà en train de faner. La jeune fille les toucha du bout des doigts, et ces dernières reprirent des couleurs et se redressèrent. Puis elle en cueillit une, et ferma les yeux afin de se concentrer. Elle ne voulait surtout pas l'abîmer, et même si elle avait vu ce sort être réalisé à plusieurs reprises par... quelqu'un d'autre, c'était la première fois qu'elle-même le faisait. Lentement, une très fine couche de glace recouvrit la fleur, de façon à la protéger entièrement, de la tige aux pétales.

Lorsque l'adolescente rouvrit les yeux, elle fut impressionnée par la fait qu'elle ait réussi. Elle alla poser la fleur dans son abri, puis ressortit dehors chercher du petit bois afin de faire un feu. Elle le posa devant sa grotte, près de l'eau mais pas trop tout de même, et ouvrit la main. Au bout de quelques secondes, un petite boule de feu s'y était formée, et la jeune fille l'envoya sur le bois, qui s'enflamma immédiatement.

Elle regarda les flammes monter vers le ciel avec mélancolie. Des souvenirs lui revenaient à l'esprit, mais ils furent vite chassés par un pressentiment étrange. Elle n'arrivait pas à deviner si c'était un mauvais ou bon pressentiment, et cela ne la rassurait pas vraiment. Elle fila à son abri afin de récupérer son arc, et courut à travers les arbres vers l'entrée de la forêt. Les oiseaux s'étaient tus, et le silence régnait. On entendait juste le son de ses pas sur le sol et celui de sa respiration. À présent, elle en était sûre : un intrus était là. Arrivée non loin de son but, elle monta à un arbre, et continua son chemin en sautant agilement de branche en branche. Et elle fut très surprise quand elle le vit. L'intrus était en réalité l'adolescent qu'elle avait sauvé la veille. Sentant qu'il n'y avait pas réellement de danger, un des oiseaux reprit brusquement son chant, faisant sursauter l'inconnu. La jeune fille, amusée, ne put s'empêcher de rigoler doucement.

- Qui... qui est là ? Demanda-t-il, se retournant afin de chercher l'origine du son.

- À ton avis. Répondit-elle presque immédiatement.

Aussitôt, elle se gifla mentalement, tout en maudissant son impulsivité. Pourquoi lui avait-elle répondu ? Elle ne voulait pas... ne pouvait pas se lier d'amitié avec d'autres personnes. Elle n'en avait pas le droit... pas après ce qu'elle avait fait.

- Hum... tu es donc la personne qui m'a sauvé hier. Mais pourquoi restes-tu cachée ?

Cette fois-ci, elle réfléchit quelques instants à sa réponse. Parce que dire des conneries sans le faire exprès, il fallait croire que c'était sa spécialité.

- J'ai mes raisons.

Son interlocuteur semblait légèrement déçu.

- D'accord, je comprends...

- Et toi, pourquoi es-tu revenu ici ?

Cette question était bien entendu évidente et inévitable, mais l'adolescent n'y avait même pas songé.

- Disons que... je suis curieux, c'est tout.

- C'est tout ?! Manquer de te faire tuer la dernière fois ne t'a donc pas suffit ?

- Euh... il faut croire que non.

Il n'avait pas vraiment vu les choses de ce point de vue-là. Mais à présent qu'il y réfléchissait... il était vrai son comportement pouvait paraître étrange. Son interlocutrice ne s'en formalisa pas et pouffa doucement.

- Eh bien, je pensais les gens de ce monde plus raisonnables...

- "De ce monde" ? Tu ne viens pas d'ici ?

"Et merde." Fut le seule pensée qui traversa l'esprit de l'adolescente quand elle entendit ces paroles, rapidement suivie par une multitude d'autres pensées, des souvenirs qui firent rouler des perles d'eau salée sur ses joues. Car en effet, elle ne venait pas de ce monde... mais d'un autre, bien différent de celui-là.

Le jeune garçon, inconscient de l'effet provoqué par ses paroles, et ne pouvant de toute façon pas en être conscient, continua à parler :

- Je me demande comment ça doit être, chez toi ... peut-être n'es-tu même pas humaine, d'ailleurs ? Mais...

Il s'interrompit brusquement, semblant comprendre qu'il y avait effectivement un problème. Un vent glacial s'était mis à souffler, l'atmosphère s'était assombrie et les oiseaux s'étaient tus, plongeant la forêt dans un silence inquiétant. Il entendit un bruit derrière lui et se retourna... pour s'immobiliser immédiatement.

- Va-t'en.

La jeune fille était enfin descendue de sa cachette et se tenait devant lui, ses cheveux blonds volants furieusement au vent, mais avait prononcé ces mots d'une voix sèche et glaciale. Ses yeux améthyste brillaient d'une colère ardente, mais on pouvait également y déceler, en étant suffisamment attentif, un immense chagrin. L'adolescent ne pris pas le temps de s'interroger sur tout cela, et eut un léger mouvement de recul, regrettant aussitôt les paroles qu'il avait dites une poignée de secondes plus tôt.

- Je...

- J'ai dit va-t'en !!!

Le vent sembla souffler plus fort, et plus froid aussi. Comprenant qu'il valait mieux partir et tenter de s'excuser plus tard, le jeune garçon s'en alla, rongé par la culpabilité. Et juste après son départ, dans la pénombre croissante de la forêt, le vent retomba, en même temps que la colère de l'adolescente qui tomba, elle aussi, à genoux, et éclata en sanglots.

* ... ... ... ... ... ...

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