Chapitre 8, partie 2
(petit rappel: Europe et sa nouvelle amie, Caïssa, se sont rendus à l'Exposition Terrrienne avec leur classe, le voyage commence. Encore une fois, désolé d'avoir coupé à un endroit merdique la dernière fois)
Alors que le bus s'ébranlait, Europe sortit de son sac un petit cahier tout neuf avec une couverture rigide ainsi qu'une trousse garnie de nombreux stylos et crayons de couleur.
« J'peux t'en emprunter ? demanda Caïssa, la main déjà tendue vers la trousse. »
Il hocha distraitement la tête tout en laissant son crayon courir sur le papier. En quelques traits bien précis il fit un croquis de la rue dans laquelle ils progressaient avant de noter quelques indications pour les couleurs.
Il s'appliquait beaucoup, essayant de prendre autant de notes qu'il faisait de dessins et très vite les pages furent couvertes de traits de crayons et de lettres minuscules. Il voulait absolument montrer à son grand-père et à Luna tout ce qu'il avait vu aujourd'hui alors il essayait de ne pas en perdre une miette.
Il dessina d'immenses bâtiments en pierre sous lesquels il marqua : « cathédrale » et ne put s'empêcher de les comparer aux lieux de culte de Nouvelle Ere, plus petits, presque austères. Il traça une immense horloge avec un nom en deux parties dont la première sonnait comme l'un des méchants d'un des romans qu'aimait Chris. Il s'appliqua lorsqu'ils passèrent dans une rue pleine de palais et de châteaux tous plus différents les uns que les autres. Il couvrit une page entière de statues avec, au centre, celle d'une jeune fille sur un rocher et une autre de fontaines. Il crayonna des maisons en pierre, en bois ou en briques.
C'était étrange.
Il n'aurait jamais cru qu'il puisse exister une telle diversité non pas dans la Terre entière mais seulement sur un seul continent. Et pourtant les paysages qu'il vit étaient aussi divers que ceux présents dans l'ensemble de Nouvelle Ere. Des montagnes représentées sous forme de maquettes faisant sa taille, des lacs et des forêts peints sur les maisons et sur le sol par des artistes talentueux arrivant à donner l'impression que tout cela était réel. Certains endroits étaient verdoyants, d'autres presque desséchés. Parfois il y avait la mer, parfois des fleuves et d'autres fois rien.
Souvent le bus s'arrêtait et les élèves descendaient en file indienne. Ainsi ils écoutèrent chanter un groupe dont Europe avait déjà entendu les airs sur les lèvres de son grand-père et s'installèrent dans le noir pour regarder un petit film projeté sur un curieux écran blanc. Alors qu'il était assis dans le noir, il entendit tout autour de lui les plaintes de ses camarades qui le trouvaient ennuyeux et clamaient que c'était bien mieux aujourd'hui avec les casques permettant de voir le film tout autour d'eux. Lui n'était pas d'accord. Il aimait beaucoup être projeté ainsi dans un univers mais il devait avouer que pouvoir rester juste assis sur un siège sans devoir bouger la tête en tous sens pour ne pas manquer une action était plutôt reposant.
A l'heure du déjeuner ils s'arrêtèrent dans un immense marché bariolé rempli de senteurs et de drapeaux différents. L'institutrice leur donna quelques jetons supplémentaires, leur donna une heure de rendez-vous puis les laissa vadrouiller seuls. Europe et Caïssa se promenèrent longuement, les narines frémissantes et le ventre se tordant d'anticipation. Ils passèrent devant un étal couvert de poissons dégageant une forte odeur iodée puis se décalèrent vers un autre recouvert de pains formant un nœud étrange avant de se diriger vers une immense marmite où clapotait une soupe rouge dégageant un parfum d'épices et de viande. Devant un étal ployant sous le poids de fromages énormes ils acceptèrent du marchand un petit carré blanc qui s'effritait légèrement et qui, une fois mis en bouche, avait un fort goût salé. Une autre personne leur tendit une sorte de friandise marron clair, très compacte et sucrée qu'Europe apprécia tellement qu'il en acheta de suite une tablette.
« J'veux ça, moi ! »
Caïssa l'attrapa par le bras et le tira vers un stand orné d'un drapeau tricolore en pointant du doigt une vingtaine de formes rondes en train de dorer dans un bain d'huile. Elle troqua ses points contre plusieurs boulettes avant de rejoindre son ami, plongé dans la contemplation d'un four à bois.
« Oh, c'est du riz ! »
Le regard d'Europe quitta le jeune homme en train de manier avec précaution une espèce de grande pelle pour sortir les plats des flammes pour revenir vers la fillette dont les joues, tendues à craquer, étaient remplies de nourriture.
« Tu ne savais pas ce que c'était ? »
Elle hocha négativement la tête avant de déglutir.
« Il y a du fromage dedans, c'est super bon. Tu veux quoi, toi ?
— 'Sais pas. J'aimerais bien trouver de la nourriture qui vienne de chez mon grand-père.
— C'est quoi le drapeau de son pays ? »
Il le lui décrit en quelques mots avant de fouiller l'endroit où ils étaient du regard. Finalement ils tombèrent sur un petit étal un peu par hasard en essayant de rejoindre l'une des grandes artères du marché. L'homme qui tenait l'endroit était d'un naturel jovial et expliqua avec le sourire les différents plats qu'il présentait. Finalement Europe repartit avec un épais sandwich de pain noir garni de poissons fumés et de légumes ainsi qu'une barquette de divers fruits rouges.
Il laissa Caïsssa mordre dans son repas mais celle-ci n'apprécia pas le goût fort de l'anguille qu'elle fit passer par deux énormes bouchées de son propre repas.
Ils mangèrent en marchant et s'arrêtèrent de temps en temps pour goûter certains produits ou regarder certains étals. L'un d'eux attira particulièrement le regard d'Europe qui s'approcha. C'était une boulangerie tout ce qu'il pouvait y avoir de plus banal mais partout sur la toile délimitant l'emplacement étaient suspendus des cadres photos représentant en noir et blanc une petite boutique.
« C'était celle de mon arrière-arrière-grand-mère. Celles-ci sont les plus récentes et datent de l'époque de ma grand-mère. Elle date de quelques années à peine avant qu'elle ne quitte la Terre, elle venait de recevoir un prix, expliqua la jeune femme tenant l'échoppe et ayant remarqué l'intérêt d'Europe.
— Il y avait déjà des photos en couleur à ce moment-là ? s'étonna-t-il.
— Quoi ? Lorsque ma grand-mère a quitté la Terre ? Bien sûr ! Même certaines photos de mon arrière-arrière-grand-mère sont en couleur, pas beaucoup, mais quelques-unes quand même. »
Elle lui sourit avant de lui tendre un petit pain rond ressemblant un peu à une brioche qu'il ouvrit en deux pour en offrir la moitié à Caïssa. Il mordilla la pâtisserie, pensif. Luna lui avait dit que la photo de son père était en noir et blanc, or elle était née peu de temps après le départ de la Terre, très peu de temps même puisqu'elle était le premier enfant à naître dans l'espace. Et si on acceptait l'idée que mettre de la couleur sur une photo était mieux que de la faire en noir et blanc, Europe ne comprenait pas pourquoi quelqu'un aurait voulu avoir une photo moins bien.
Il se demanda brièvement si ce n'était pas une question d'argent. Peut-être que les appareils pouvant mettre de la couleur sur les photos étaient très chers à l'époque et qu'il fallait beaucoup travailler pour pouvoir en avoir un.
« Caïssa... Tu as encore acheté à manger ? »
Ce n'était pas ce qu'il avait voulu dire mais la bouche de nouveau pleine de sa camarade l'avait surpris.
« Oui, il me restait des jetons. Et puis ça c'est super bon, ajouta-t-elle en mordant de nouveau dans une pâtisserie en forme d'escargot.
— Dis, tu as déjà vu des photos de tes grands-parents ? Avant qu'ils ne quittent la Terre ?
— Mes grands-parents paternels sont nés dans l'espace mais sinon pour les autres oui, pourquoi? Pas toi ?
— Si, mais les photos que tu as vues, elles étaient en couleur ?
— Oui. Pourquoi ? répondit Caïssa après un instant d'hésitation.
— Pour rien. »
A bien y réfléchir, toutes les photos qu'il avait vues de son grand-père enfant étaient également des photos avec de la couleur. Et toutes celles qu'il y avait dans les livres parlant de la Terre l'étaient aussi. Il fronça le nez et emboîta le pas à son amie qui avait pris la direction du lieu de rendez-vous. En montant dans le bus il rangea dans un coin de sa tête le fait qu'il devrait demander des explications à Luna sur ce point lorsqu'il serait rentré.
Le véhicule eut à peine le temps de démarrer qu'il s'arrêta devant un bâtiment qui, selon le panneau à l'entrée, servait de hall pour des marchés. En y entrant Europe fut un peu déçu car l'endroit était complètement vide mais en voyant le guide arriver avec deux caisses remplies de casques, il comprit qu'ils allaient sans doute regarder un film. Il n'était pas très loin de la réalité car il leur fut expliqué qu'ils allaient assister à la modification d'un quartier au fil du temps.
A peine le casque mis, des bâtiments se dressèrent devant les yeux d'Europe et il put observer une rue où passaient des calèches et des trottoirs où marchaient des gens élégamment vêtus. Ça et là, sur les façades, sur le sol et les vitrines étaient inscrites des indications qu'il lut avec attention. Puis le décor changea progressivement, peu à peu les calèches furent remplacées par des drôles de voitures et les tenues des gens se modifièrent. Soudain une sirène stridente retentit et des avions apparurent dans le ciel. Des bombes tombèrent tout autour d'eux, envoyant des débris, les traversant comme s'ils étaient faits d'eau un peu partout dans la salle. Les personnes couraient en tous sens, disparaissant des abris verts de tôle ou dans des escaliers s'enfonçant sous terre.
Loin d'être impressionné par cette scène n'arrivant pas à la cheville de certains films d'horreur qu'il avait vus sans se soucier des indications d'âge, Europe chercha le guide des yeux avant d'avancer vers lui. Il lui demanda si cette guerre était celle qui avait eut lieu juste avant que tout le monde quitte la Terre.
« Non, pas du tout bonhomme. Elle a eu lieu bien avant. Environ soixante-dix ans avant, si je ne dis pas de bêtise.
— Ah. Et celle juste avant de quitter la Terre ? On va la voir ? Le papa d'une amie de mon grand-père était anglais, il a fait une guerre juste avant de quitter la Terre. C'était une guerre dans un pays qu'ils ne connaissent pas bien et beaucoup de gens sont morts et au final ils ont perdu la guerre.
— Désolé, petit, mais je ne suis pas spécialiste de l'histoire terrienne, loin de là. Est-ce que tu sais au moins où se passait cette guerre ?
— En Asie. Je ne connais pas le pays précis. Mais beaucoup de gens étaient contre cette guerre en Angleterre. »
Il fouilla dans sa mémoire pour trouver d'autres informations mais rien ne lui vint. Après lui avoir raconté l'histoire Luna avait éludé pas mal de ses questions avant de l'envoyer prendre son petit-déjeuner.
Le guide lui ébouriffa les cheveux en lui disant qu'il allait demander à un collègue de le renseigner et lui conseilla de continuer de regarder, qu'il allait rater des choses. Finalement le film s'arrêta et les élèves furent invités à passer dans un second hall rempli d'habits et de costumes. L'institutrice leur expliqua qu'ils pouvaient en choisir un et le garder.
Europe suivit machinalement le mouvement et, pour ne pas rester planter sans rien faire, se mit à écarter les vêtements sur un présentoir sans vraiment les voir. Il ne savait plus quoi penser. Les photos c'était déjà une chose mais la guerre... D'un autre côté il se rassura en se disant que le guide lui avait expliqué ne pas connaître l'histoire de la Terre sur le bout des doigts et que c'était sans doute pour ça que cela ne lui disait rien.
« Tu sais faire un nœud avec ça ? »
Il cligna des yeux et observa Caïssa qui avait revêtu un short bleu qu'elle avait agrémenté d'un gilet bordeaux sans manche et d'une chemise blanche. Elle tenait entre ses doigts deux extrémités de tissu reliées à la chemise dont elle ne semblait pas savoir que faire. Europe songea qu'elle ressemblait beaucoup aux garçons qu'ils avaient vus dans les films.
Il lui répondit en hochant négativement la tête et elle poussa un soupir de déception avant d'enfiler de longue chaussettes blanches qu'elle fit tenir grâce à un curieux accessoire, une sorte de rond-de-cuir comme un bracelet fixé en-dessous de son genou.
« Petit. »
Le guide lui tapota l'épaule.
« J'ai demandé à mon collègue et ta description lui fait penser à une guerre, celle du Vietnam.
— Oh d'accord ! Merci !
— Oui, sauf qu'elle n'a pas eu lieu juste avant de quitter la Terre mais soixante ans avant. Et c'étaient surtout les États-Unis qui étaient impliqués dedans, pas l'Angleterre. L'amie de ton grand-père a dû faire une erreur, petit. »
Europe déglutit bruyamment tout en ayant l'impression étrange que le conduit de sa gorge était deux fois plus étroit qu'auparavant. Sa voix eut du mal à se frayer un chemin en dehors de sa bouche mais finalement elle parvint à former une question :
« Les photos. Est-ce que vous savez si tout le monde prenait des photos couleur à l'époque ?
— Il me semble, oui, pourquoi ?
— Pour rien. »
Sa trachée se resserra un peu plus et il eut peur de s'étouffer. Il ne pouvait plus parler, il ne pouvait plus demander d'autres informations, mais ses pensées, elles, fonctionnaient toujours. Et elles formèrent une phrase sonnant comme une sentence : Luna avait menti.
Hello!
Pour une fois qu'un de mes chapitres se terminent avec un peu de suspense XD
Donc, votre avis? Est-ce que Luna a juste fait une erreur? Est-ce qu'elle a menti délibérément? Si oui pourquoi?
Sinon le compte référence les écrits de qualité sur Wattpad et une fiche de Nouvelle Terre est disponible dans le recueil SF. Du coup je vous serais reconnaissant si vous alliez laisser un petit avis dans les commentaires *^-^*
La suite le premier juillet!
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