Chapitre 4 - Une drôle de ville (partie 1)

« Les études du monde d'avant-guerre sur les prisons convergent sur ce point : la réinsertion des anciens détenus n'était presque jamais pleinement satisfaisante, ils demeuraient pour la plupart isolés de leurs pairs. Votre travail sera d'amplifier ce phénomène ; la généralité doit devenir une règle absolue. »

— Sloman, Instructions à l'usage des directeurs des prisons, 157 ap. Az



AELTYLIMOLA OUVRE LA PORTE BLANCHE. Aussitôt, une lumière verte m'éblouit. Je cligne des yeux, hébétée, avant de réaliser qu'il s'agit du soleil. Peu à peu, mes yeux s'habituent à la luminosité, qui n'est pourtant pas si intense : le jour décline lentement. Je ne pensais pas que nous étions restés si longtemps enfermés... À vrai dire, je n'avais aucune idée de la durée qui s'était écoulée. Cet endroit avait tout pour nous faire perdre la notion du temps.

Plus jamais je n'y remets les pieds, pensé-je – comme si j'avais eu le choix.

Nous nous trouvons dans une grande place ronde, de laquelle partent de nombreuses rues. Le style épuré d'Aritam, que je n'avais pas remarqué à l'aller, trop occupée à m'inquiéter, me frappe aussitôt. Les immeubles hauts et gris sont percés de fenêtres identiques. Les uniques taches de couleur proviennent des habits bleus et jaunes des habitants, qui sortent des bâtiments et se dispersent dans la ville. Le soleil déclinant projette des reflets verdâtres sur leur peau et sur les façades des immeubles, comme si nous nous trouvions sous l'eau. Une légère nausée me saisit à la vue de ce décor grisâtre dans lequel se meuvent des vêtements aux teintes agressives. Personne ne s'attarde, n'hésite ; chacun semble savoir où il va.

Une bouffée d'air vif atteint mon visage, me surprenant par sa fraîcheur. Dans la prison, aucun vent ne soufflait. Pensive, je fixe le soleil qui se dissimule derrière les hauts immeubles. La lumière qui éclairait le champ aux fleurs artificielles semblait venir de nulle part. Je me surprends à sourire, malgré notre situation toujours précaire et le tableau étrange devant mes yeux. Cet air, ce soleil, ils sont vrais, c'est certain. Si étrange et effrayante soit-elle, la ville existe. Ce n'est pas un piège ou une illusion. Personne ne me teste. Ça fait du bien...

« Avancez, ordonne Aeltylimola d'une voix plus froide. Nous n'avons pas de temps à perdre. »

Je ne peux m'empêcher de me demander si c'est un piège. Peut-être veut-elle réellement nous emmener nous faire torturer dans ce bloc F. Mais elle a raison, ça ne rimerait à rien. J'amorce un mouvement pour lui obéir, même si je n'ai aucune idée sur la direction à prendre.

C'est là que les regards me heurtent.

Paupières froncées, regards en coin, mâchoires crispées. La foule suinte la méfiance.

Comme si nous constituions une rupture dans leur quotidien trop réglé, les Alorais nous fixent en sortant des immeubles. Ils ne s'attardent pas longtemps, ils vont et viennent, défilent devant nous en ralentissant le pas, mais ils sont si nombreux... Une foule mouvante se forme bientôt autour de nous ; chacun nous observe quelques secondes puis détourne la tête, regagnant la sécurité du groupe comme s'il craignait que nous salissions ses yeux.

Chacun de ces regards, si brefs soient-ils, me donne l'impression de me disséquer de l'intérieur. Face à la foule qui nous juge en silence, je me sens fragile, exposée, comme si j'étais nue devant eux – pas seulement dépouillée de mes vêtements, non, chacun semble capable de deviner la moindre de mes émotions. Je suis incapable de bouger, je me terre entre Amyltariaea et Ererakinalc, cherchant moi aussi la sécurité du groupe – même si mon groupe n'est constitué que de deux adolescentes, un vieillard dissident et une avocate en disgrâce.

« Avancez », répète Aeltylimola d'un ton pressant, mais sa voix me paraît lointaine.

Je me souviens de ce jour, chez moi, il y a un peu plus de deux ans. J'étais en sixième, et la détresse de m'éloigner de mon ancien meilleur ami, qui avait déménagé, m'empêchait de nouer de vrais liens avec mes camarades. Je m'entendais bien avec la plupart d'entre eux, mais les choses en restaient là. C'était l'époque où je trouvais Élia agaçante, trop étrange et individualiste, et où elle me voyait comme une gamine écervelée. Nous étions en hiver, le temps était glacial ; nous attendions Mme Bannier, notre professeure de mathématiques, en grelottant dans la cour.

Puis soudain, Samia avait lancé d'un ton badin que le père d'Élia avait été emprisonné pour quinze ans, elle ne savait pas pourquoi. Elle avait compris cela en espionnant les conversations de sa mère, avocate impliquée dans l'affaire. La nouvelle avait choqué la plupart de la classe, et les conjectures délirantes n'avaient pas tardé à fleurir. Samia, l'intello en général un peu ignorée, se délectait de l'attention dont elle était l'objet.

Je n'aimais pas Élia, et ça me semblait une raison suffisante pour supposer avec les autres que son père vendait de la drogue à des jeunes et avait tué un client incapable de le payer. Mais quand je l'avais vue entrer dans la classe, avec une demi-heure de retard qui avait fait jaser les idiots, quand j'avais vu les larmes gelées sur ses joues, je m'étais décalée pour qu'elle puisse s'asseoir à côté de moi. Cela l'avait surprise. Les quelques personnes avec qui elle entretenait jusque-là une relation plus ou moins amicale l'avait totalement ignorée.

La plupart des garçons de la classe ainsi que quelques filles m'appréciaient à cause des défis idiots qu'on se lançait en cours de sport ; c'est peut-être pour ça qu'ils ont commencé par le faire dans mon dos. Demander à Élia si son père était vraiment un meurtrier, s'il avait retrouvé des amis en prison. Lui montrer des photos de personnes disparues pour qu'elle leur dise s'il les avait tuées. S'enquérir de ce que ça lui faisait d'avoir serré dans ses bras un connard d'assassin. Murmurer qu'elle devait être comme lui, qu'ils devaient se protéger d'elle.

Je revois leurs regards effrayés et moqueurs à la fois, qui disaient toute la distance qu'ils voulaient mettre entre eux et Élia – parce que c'était ça, selon elle. Ils voulaient tracer une frontière nette entre eux et les rebuts de la société. Ne pas être exclus à leur tour.

J'aurais tant donné pour ne jamais vivre cette sensation...

Aujourd'hui, c'est la même chose. Les Azans ont peur de nous ressembler, ils nous isolent pour se donner l'illusion d'être forts et soudés. Ils s'échangent par murmures leur désapprobation, alors qu'un instant leur suffirait pour se retourner contre leur voisin.

Je scrute la foule en essayant de trouver des humains, mais les regards inquiets et les chuchotements hautains sont ma seule réponse. Je ne supporte pas cette marée de citoyens honnêtes avec leur faux bonheur, tous pareils, tous bien rangés, bien sages, comme s'ils étaient encore des enfants dociles. Prêts à tout pour ne pas sortir du lot. Ils me font horreur. Un enfant croise mon regard ; une fille à côté de lui le force à détourner les yeux et l'entraîne dans une rue adjacente. Il la suit sans protester, mais se retourne vers nous et nous adresse un sourire triste, comme s'il comprenait. Il doit avoir sept ans, pas plus.

« Avancez », insiste Aeltylimola.

Cette fois, sa voix est ferme, presque sèche. Amyltariaea s'exécute et, machinalement, je la suis. J'essaie d'oublier les regards, même si chacun transperce ma peau. Elle se dirige sans hésiter vers la rue dans laquelle l'enfant a disparu. La foule s'écarte sur notre passage.

« Oh enfin, vous êtes là », lâche soudain une voix.

Celle de mon frère.

J'écarquille les yeux, sans oser y croire. Marc, vraiment ? Ici ? Sans que je puisse l'expliquer, cela me semble impossible. Il avait pourtant la possibilité de nous retrouver ; Amyltariaea lui a confié un trdmeityolb, un GPS caché dans une fausse montre, qui lui permettait de nous localiser. Il a dû rebrousser chemin quand il a constaté que nous nous étions immobilisées. Cela n'a rien d'inexplicable, pourtant je n'arrive pas à croire que c'est lui.

Je dévisage le garçon qui se tient devant nous, cherchant à constater une quelconque différence qui m'assurerait qu'il ne s'agit pas de mon frère. Mais il possède la même silhouette fluette, les mêmes épis de cheveux blonds, la même peau pâle, les mêmes joues rondes, les mêmes traits enfantins, les mêmes grands yeux marron... Son expression, en revanche, je ne la connais pas. Marc n'a jamais semblé aussi exténué, son visage n'a jamais été aussi creusé. La lueur qui pétillait dans ses yeux s'est éteinte.

Il s'avance vers moi, un bras maladroitement tendu, mais s'immobilise aussitôt ; ses yeux épuisés glissent sur Aeltylimola et Ererakinalc et s'arrêtent sur les menottes qui enserrent toujours sur nos poignets. Il laisse retomber son bras. Une panique vague, étouffée par je ne sais quoi, s'empare de moi. Il agit trop étrangement, l'avocate va se douter de quelque chose, elle va peut-être revenir sur sa décision de nous libérer...

« Oh, lâche Amyltariaea. Ne t'en fais pas, Amyltciuleb, ajoute-t-elle en souriant à Marc, tout va bien. Nous avons été arrêtées, mais c'est réglé. »

Les yeux de Marc s'agrandissent d'horreur ou d'incompréhension, je ne saurais pas le dire.

« Amyltciuleb ? relève Aeltylimola en fronçant les sourcils. S'agit-il de ton petit frère ? »

Marc et Amyltariaea hochent la tête en chœur.

« Que fait-il dans cette ville ?

— Nous avions rendez-vous, il devait valider notre défi. Nous avons échoué, précise-t-elle pour Marc, qui affecte la déception.

— Je vois, répond lentement l'avocate. Il faut que nous discutions. Venez. »

Elle s'avance vers un immeuble et pose son doigt sur un capteur. La porte s'ouvre dans le plus grand des silences, dévoilant un couloir gris au bout duquel nous attend un ascenseur. Aeltylimola nous y entraîne d'un pas vif. Une fois les portes refermées sur nous, elle s'empresse d'ôter nos menottes. Je masse mes poignets avec soulagement.

« Étage A, Azyjkmbe », commande-t-elle calmement.

Des portes coulissent au fond de l'ascenseur, sans que celui-ci se soit élevé. Je suppose que l'étage A est situé au rez-de-chaussée. Nous sortons ; nous nous trouvons dans une petite pièce sans fenêtre, éclairée par un néon au plafond. En face de nous se trouvent une porte noire et un lecteur d'empreintes digitales, mais Aeltylimola les ignore et s'assied à même le sol. Nous l'imitons ; Marc s'installe dans un coin, juste à côté de moi, loin de l'avocate. Il garde les yeux rivés au sol.

« Expliquez-moi, murmure-t-elle d'une voix pressante. Je sais que vous avez menti. À quoi tout cela rime ? Je peux vous aider. »

Marc relève la tête et croise mon regard ; il semble moins effrayé qu'il y a quelques minutes, mais toujours aussi méfiant. Amyltariaea et Ererakinalc sont eux aussi sur la défensive.

« C'était juste un défi, mens-je d'un ton détaché.

— Inutile de mentir, soupire Aeltylimola d'un air déçu, je sais bien que vous ne leur avez pas dit la vérité. Vous aviez l'air trop mal à l'aise. » Elle baisse la voix. « Je suis avec vous, je vous assure. Si vous faites quelque chose contre tout ça... » elle agite un bras en l'air, englobant l'ascenseur, l'appartement et tout ce qui nous entoure « je peux vous aider. J'ai... Nous avons les moyens. »

Elle nous scrute avec insistance et pendant quelques instants, je suis tentée de me confier à elle. Elle semble si sincère... Ne nous aiderait-elle pas ? Trois enfants et un vieillard, ce n'est pas franchement le meilleur groupe de sauvetage dont on puisse rêver. J'aimerais tant qu'un adulte nous aide, pour enfin pouvoir me reposer sur quelqu'un. Aeltylimola nous a défendus, elle nous a aidés à fuir ; elle ne nous dénoncera pas, si ?

Un simple regard de Marc me ramène à la raison. Aeltylimola a beau avoir deviné que nous avons menti, elle ne s'attend sûrement pas à ce que Marc et moi soyons terriens. Nous ne pouvons pas le lui dévoiler. Elle nous a aidés provisoirement, pour je ne sais quelle raison ; cela ne fait pas d'elle une alliée définitive. Je ne sais pas ce qu'elle veut, mais il n'y a aucune raison pour que ce soit la même chose que nous. Elle prétend vouloir nous aider alors qu'elle ignore notre but... C'est absurde.

« Je ne vois pas ce que tu veux dire, réponds-je avec le plus de sincérité possible, nous leur avons dit la vérité. Nous ne pensions pas qu'il y aurait cette attaque terrienne. » Je glisse un regard à Amyltariaea, espérant qu'elle intervienne ; j'ai l'impression de marcher sur des œufs. « Nous devrions rentrer chez nous...

— Rentrer ? Le soleil s'est couché, il est vingt-deux heures », s'étonne Aeltylimola.

Je dissimule comme je peux mon angoisse.

« Je n'avais pas remarqué, prétends-je d'une voix un peu tremblante, priant pour qu'Amyltariaea se décide à intervenir.

— De toute façon, reprend-elle tranquillement, vous êtes recherchées. Je suis désolée, mais vous ne pourrez pas rentrer chez vous. »

Je me demande soudain ce qu'il est arrivé aux vraies Amyltciutrb et Amyltciulea. Sont-elles en prison à cause de nous ? Amyltciutrb est-elle vraiment une erreur génétique ? Non, non, ça n'a pas de sens, ils n'ont pensé ça qu'à cause de ma taille, et la vraie Amyltciutrb n'a aucune raison d'être plus petite que la moyenne ; elle a seize ans, pas treize... Je ne l'ai pas mise en danger...

« J'ai une solution, si vous voulez, ajoute Aeltylimola avec une douceur que je devine fausse. Je peux vous héberger, nous...

— Ça ne sera pas nécessaire », intervient Ererakinalc d'une voix glaciale.

Il y a quelque chose de sauvage dans le regard qu'il pose sur Aeltylimola. Elle l'observe en retour, stupéfaite.

« Je m'occupe d'eux, tu n'as rien à faire. Nous n'avons pas besoin de toi. »

Son ton est sans appel et Aeltylimola ne proteste pas. Elle se lève très lentement.

« Bien, lâche-t-elle d'une voix neutre. Voulez-vous que je vous raccompagne dehors ? »

Nous acquiesçons et, sans un mot de plus, elle appelle l'ascenseur. Lorsque nous sortons de l'immeuble, elle tourne à droite et nous, à la suite d'Ererakinalc, à gauche. Je ne peux m'empêcher de jeter un regard en arrière. Aeltylimola semblait être de bonne volonté... J'aurais aimé qu'elle puisse nous aider. Mais elle a déjà disparu.

« Qu'est-ce qu'il va leur arriver ? demandé-je aussitôt. Aux filles dont on a pris l'identité ?

— Tout ira bien pour elles, assure Amyltariaea avec conviction, elles ne nous ressemblent pas. Ils réaliseront vite que nous avons usurpé leur identité, et ils les relâcheront.

— Amyltciutrb, elle n'est pas une... une "erreur génétique", si ? » insisté-je, de plus en plus effrayée à l'idée de lui avoir attiré des ennuis.

J'ai presque l'impression de la connaître, cette Azane, alors que je ne l'ai jamais rencontrée. Comme si en usurpant son identité, je m'étais glissée dans sa peau.

« Une erreur génétique ? » relève Marc d'un air horrifié.

Il semble à deux doigts de vomir. Appeler Az « système planétaire de fachos » ne l'amuse plus, si cela a un jour été le cas.

« Non, elle ne l'est pas, lâche Amyltariaea. Elle ne serait pas en vie, sinon.

— Oh, bordel », soufflé-je.

Je ne sais pas si c'est le fait que les Azans empêchent des enfants de naître parce que leurs gènes ne leur conviennent pas, le visage plus livide encore que d'habitude de mon frère, l'amertume des paroles d'Amyltariaea, ou l'accumulation de tout ce qui m'est tombé dessus depuis une douzaine d'heures, mais je voudrais être ailleurs. J'ai l'impression que cette rue grise encadrée par de hauts immeubles est le pire endroit de tous ceux où je pourrais me trouver. Instinctivement, j'attrape la main de Marc et la broie entre mes doigts.

« Fais gaffe, lâche-t-il, la voix secouée par un rire tremblant. Si on te voit montrer des signes d'humanité, tu vas te faire arrêter.

— La ferme, répliqué-je, trop ébranlée pour réagir autrement. Comment... comment c'est possible ? Rien ne va ici... Rien... Et c'est ces gens qui détiennent... »

Je parviens à reprendre le contrôle de ma bouche avant d'avoir achevé ma phrase, mais je ne fais pas illusion. Marc frémit à côté de moi. Arrête, Iris. Ne montre pas ta peur. Tu es sa grande sœur, tu es responsable de lui.

« Chut, siffle Amyltariaea. Cessez d'agir en Terriens. »

Les rues sont désertes, mais un bourdonnement de voix nous parvient. Au bout de la rue dans laquelle nous marchons, des dizaines d'Azans se pressent sur une place circulaire.

« On va où ? Il faut qu'on parte. Comment on rejoint la maison de tes parents ?

— Deux secondes, il faut que je trouve... »

Mais Amyltariaea est interrompue par un bruit de pas derrière nous. L'avocate s'approche à grands pas. Son visage s'est fermé, ses yeux lancent des éclairs.

« Je le savais, gronde-t-elle lorsqu'elle parvient à notre hauteur. Vous avez menti.

— Aeltylim... Aeltylimola, arrête, ordonne froidement Ererakinalc, mais elle l'ignore.

— Je ne vois pas pourquoi vous refusez mon aide. Vous êtes terriens. Vous n'avez aucune chance – et ce n'est pas lui qui va vous aider, ajoute-t-elle en désignant le vieil homme.

— La connais-tu ? s'étonne Amyltariaea. Comment est-ce possible ? Tu m'avais dit... »

Aeltylimola lâche un rire cynique. Elle n'a plus rien de l'avocate enjouée qui s'était présentée à nous. Ce n'était donc qu'un rôle ? Elle garde le regard fixé sur Ererakinalc, un regard plein de défi et de colère. Je ne comprends rien.

« Je peux toujours vous livrer aux soldats, menace-t-elle d'une voix glacée. Ou alors vous me laissez vous aider. Le marché me semble clairement déséquilibré. »

Je l'observe sans rien dire, prise au piège. Nous ne pouvons pas la laisser nous dénoncer... Mais comment lui faire confiance, alors qu'elle vient de nous menacer ? Alors qu'elle a fait semblant d'abandonner pour mieux épier notre conversation ?

Un regard vers Marc, complètement désemparé, m'apprend qu'il ne nous sortira pas de cette situation-ci. Ererakinalc, s'il fixe Aeltylimola comme s'il rêvait de la découper en morceaux, ne semble pas plus inspiré.

« Je ne crois pas que nous allons accepter, lâche soudain Amyltariaea, d'un ton qui rivalise en froideur avec celui de l'avocate. Non, je pense vraiment que c'est inutile.

— Ah oui ? réplique celle-ci, détachant enfin ses yeux de ceux du vieil homme.

— Tu ne vas pas prévenir les soldats. Premièrement parce qu'ils savent déjà que nous avons menti, deuxièmement parce que si tu le fais, je leur expliquerai en détail comment nous nous sommes enfuis. Tu n'échapperas pas à la prison. Ne t'imagine pas que, parce que nous sommes terriens, nous allons tomber dans le premier piège venu. »

Aeltylimola se fige. Elle n'a pas l'air surprise, ni furieuse ou effrayée. Elle dévisage Amyltariaea, tête penchée sur le côté, et un sourire naît finalement sur ses lèvres. Ererakinalc la foudroie du regard ; elle l'ignore complètement.

« Très bien, admet-elle finalement, je pars. Vraiment cette fois. Mais ne me laissez pas disparaître », ajoute-t-elle d'un air mystérieux. Elle plonge la main dans sa poche et en sort un bout de papier qu'elle me tend. « Au cas où vous changiez d'avis. »

Sans ajouter un mot, elle s'éloigne. Nous la suivons des yeux, autant pour nous remettre de notre surprise que par méfiance, jusqu'à ce qu'elle tourne au coin d'une rue.


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