Chapitre 12 - Faire un choix (partie 2)

« Donc c'est... vrai ? demandé-je d'une voix tremblante, reprenant la question informulée de Lya. Ce que So... cette prophétie dit...

— Qu'est-ce que tu racontes, Iris ? réplique Marc avec un mépris derrière lequel je devine la peur. Tu crois pas à ces conneries, quand même ? »

Une bouffée d'agacement monte en moi. Qu'il craigne ce qu'il ne comprend pas, qu'il s'en méfie, c'est normal. Qu'il en vienne à tout rejeter en bloc...

« Comment peux-tu être certain que c'est faux ?

— On ne peut pas prédire l'avenir, ça n'a pas de sens, riposte-t-il d'un ton tranchant.

— Et pourquoi pas ? »

Il me fixe avec une sorte de dédain qui me rappelle la façon dont il parlait de Pat et Jean, nos voisins survivalistes. Juste parce qu'il ne comprend pas leurs croyances. Une vague de colère me prend par surprise ; je la réfrène tant bien que mal. Je n'ai pas envie d'une dispute.

« Tu ne vas pas me dire que tu y crois ? » Sa voix trop aigüe est paniquée et cinglante à la fois. « On n'est pas dans un jeu ! Tu as à ce point envie de jouer les héroïnes ? Tu veux t'entendre dire que tu es spéciale, c'est ça ? »

Il me fixe avec défi, implacable, les yeux étrécis par la colère. Je le dévisage en retour. Jouer les héroïnes ? Je n'ai rien demandé. J'aurais pu être heureuse, vivre avec mon frère et ma sœur. Az a débarqué dans cette vie tranquille, Az a tout bousculé, Az a chamboulé cela. Jouer les héroïnes ? Je veux juste qu'on me laisse en paix. Et cette histoire de prophétie s'y oppose clairement. C'est pour elle qu'Aeltylimleb nous a aidés, pour elle qu'elle a tenté de me convaincre de rester... Je dois comprendre ce qu'il en est, c'est tout.

Je ne me crois pas dans un jeu.

Tu n'as rien à prouver, tu sais ?

Je serre les dents, chassant le souvenir intempestif de la voix de mon frère.

Je ne veux pas prouver quoi que ce soit à quiconque. Je veux simplement savoir quel impact cette prophétie est supposée avoir dans ma vie. Je veux être capable, pour une fois, de prévoir les choses au lieu de me laisser porter vers l'inconnu. Mais j'ai beau me répéter cela, la voix d'Aeltylimleb s'insinue dans mes pensées. « Tu en es capable, Iris. Tu n'es pas impuissante. » Non. Je ne dois pas me ressasser ses paroles, c'est précisément ce qu'elle voulait.

« Je ne veux pas jouer les héroïnes, répliqué-je, luttant pour que ma voix reste calme.

— Tu as une drôle de façon de le prouver !

— Toi par contre, tu as peur. Tu dis tout ça pour le cacher. »

Il soutient mon regard. Si nous étions seuls, peut-être admettrait-il que tout cela le terrifie, peut-être admettrais-je que les paroles d'Aeltylimleb ont trouvé en moi un écho un peu trop vibrant. Mais nous ne sommes pas seuls. Lya, Amyltariaea, Tomas et Ererakinalc nous fixent avec avidité et il ne peut que secouer la tête, froid et inaccessible.

« Tu t'inventes des trucs. Comment tu peux juste accepter tout ça sans réfléchir ? C'est quoi la prochaine étape, rejoindre l'autre folle parce que c'est écrit sur un bout de papier ? »

Je tressaille, sans rien trouver à répondre. Je voudrais lui parler de Sophine, de l'impression de certitude qu'elle m'a laissée, de sa sérénité qui m'a permis de nous sauver. Je voudrais lui dire qu'elle est digne de confiance. Mais je ne trouverais pas les mots, je crois. De toute façon, évoquer le fantôme d'une prophétesse que j'aurais rencontrée dans un espace entre la vie et la mort ne le rassurera pas sur ma santé mentale.

« Personne n'a parlé de la rejoindre, intervient calmement Ererakinalc. Mais indépendamment d'elle, Marc, tu ne peux pas nier les faits. Et les faits sont que sur Az, certaines personnes ont la faculté de sentir l'avenir. Les faits sont qu'Iris est concernée.

— C'est drôle, mais j'ai du mal à vous croire sur parole.

— Et qu'est-ce qui t'en empêche ? Quel argument rationnel as-tu à m'opposer ? »

Il ne répond pas, cherchant sans doute sans rien trouver. Nous ne connaissons rien à ce monde, inutile de prétendre le contraire. Nous ne pouvons pas affirmer qu'une chose est logique et qu'une autre est impossible. Mais Marc a toujours voulu tout comprendre, tout disséquer, analyser les évènements sous toutes leurs coutures... Bien sûr qu'il a peur.

« Ne sois pas stupide, lâche-t-il faiblement. Tu n'as pas remarqué... Tu n'as pas remarqué comment Amylokirlia avait l'air de perdre la tête, à chaque fois qu'elle en parlait ? Elle avait l'air tellement rationnelle à part ça. Ça ne peut pas être réaliste.

— On parle d'Amylokirlia. Depuis quand sa santé mentale peut servir d'argument ?

— La plupart des Azans ne comprennent pas vraiment ce qu'est une prophétie, appuie Ererakinalc. Beaucoup d'entre eux confondent "prédire" et "deviner". Cela explique qu'ils y fassent une confiance un peu trop... aveugle.

— Mais Amylokirlia... elle avait l'air de s'y connaître », observé-je malgré moi.

Il ne relève pas. Elle avait l'air... Repenser à son calme lorsqu'elle tentait de me convaincre que la divination était tout à fait scientifique, comparé à sa foi irrationnelle en la véracité de l'inscription me met mal à l'aise. Je n'arrive pas à faire coïncider ces deux aspects. Est-elle folle, embarquée dans un délire mystique, ou tout ceci était-il calculé ? Je ne sais pas.

« Je ne comprends pas ce qu'elle veut, soufflé-je malgré moi.

— Moi non plus, rétorque amèrement Ererakinalc.

— Il n'y a pas que ce que tu nous as dit, si ? insisté-je en fixant Amyltariaea. Ce n'est pas juste pour son parti politique, je ne sais plus quoi...

— Les Précurseurs. »

Les mots glissent entre ses dents serrées. Le regard fixé droit devant elle, elle semble ne pas me voir, mais sa tension se sent à des kilomètres.

« Oui, voilà. Il n'y a pas qu'eux. Ça avait l'air plus... personnel, non ? »

Elle ne répond pas tout de suite ; Lya l'observe avec insistance, l'air à la fois gênée et accusatrice. Amyltariaea finit par lui rendre son regard.

« J'aimerais savoir ce que c'est, lâche-t-elle à mi-voix. J'aimerais pouvoir te répondre. Mais je ne connaissais pas ma mère. »

Son ton dur me hurle de cesser de l'interroger et, une fois n'est pas coutume, je ravale mes interrogations. À sa place, je n'aimerais pas aborder ce sujet, je ne voudrais pas admettre que j'ai passé ma vie aux côtés d'une étrangère...

Mais n'est-ce pas le cas ?

Malgré moi, mon regard dévie une fois de plus vers Lya. Ma sœur si secrète, fermée sur sa douleur et ses émotions. La connaissais-je vraiment ? La connais-je mieux, désormais ?

« C'est tellement étrange, murmuré-je. Les choses sont allées... si vite. »

Marc acquiesce. Je croise son regard et j'ai l'impression d'y lire le flottement que je ressens. L'impression que tout se délite, que rien n'est réel, ni notre vie terrienne ni tout ce que nous avons affronté sur Az, que rien n'existe en-dehors de la protection du dahilazrdja.

« C'est vrai, admet-il. Je comprends rien... Je crois que je comprends même pas comment on a pu s'en sortir vivants. » Il plante son regard dans le mien, un regard qui n'a plus rien de vague ou de flottant. « Qu'est-ce qu'il s'est passé, Iris ? Comment tu as pu... faire tout ça ? »

Un bref instant, j'hésite. L'Entre-Deux a laissé en moi une impression de secret, d'implicite, comme si ces choses-là ne se formulaient pas. Mais je ne peux pas garder le silence. Je lui ai dit que je lui expliquerais. Je lui dois la vérité.

« Tu te souviens quand je t'ai dit que Lya m'avait parlé, réponds-je lentement, et que tu ne m'as pas crue ? Je ne rêvais pas, n'est-ce pas ?

— Tu ne rêvais pas, consent-il avec raideur.

— Alors cette fois, attends un peu avant de décider que j'ai fumé un champignon, OK ? »

Il esquisse une grimace qui ressemble à un sourire et acquiesce. Les autres nous écoutent en silence, tendant l'oreille ; un léger sourire ourle les lèvres d'Ererakinalc.

Alors, du mieux que je peux, avec mes mots impuissants et mes phrases vacillantes, je raconte l'Entre-Deux, Sophine et les Lémures. Je ne cache rien ; à quoi bon ? Marc m'écoute avidement, sans m'interrompre. S'il me juge folle, il le cache bien.

« Voilà. Je... Ça vous semble peut-être incroyable, mais c'est ce qu'il s'est passé.

— Ça ne me semble pas incroyable, murmure Lya. Est-ce que tu lui as parlé de Maman ? »

Son visage est très pâle, animé d'une sorte d'avidité. Lya avait quatre ans quand elle est morte. Elle se souvient d'elle. Je n'ose pas imaginer ce que la revoir signifie pour elle.

« Tu as entendu ce que j'ai dit, rappelé-je, la gorge nouée. Ce ne sont pas... Ce ne sont pas des humains. Ce n'est pas elle. Et ça ne nous fait pas du bien de passer trop de temps...

— Tu lui en as parlé ? coupe-t-elle, le regard tranchant.

— Oui... Elle ne sait pas.

— C'est forcément ça, souffle-t-elle. Ça correspond trop bien. »

J'acquiesce. Marc se racle nerveusement la gorge. Son regard oscille de Lya à moi.

« Vous... avez conscience de ce que ça implique, hein ? demande-t-il après une hésitation.

— Comment ça ?

— Iris... » Désormais, il évite nos regards. « Les Terriens n'ont pas ce genre de pouvoir. »

Les battements de mon cœur rythment le silence qui s'ensuit, total et écrasant. Mon regard s'égare dans le vide spatial derrière le hublot. Je cherche ma maison, ma vraie maison, l'endroit d'où je viens. Je me cherche dans le noir. Et je ne trouve rien.

Je ne suis pas vraiment surprise. Je me sens comme anesthésiée. Une part de moi sentait déjà les contours de ces mots, mais c'est autre chose de les entendre prononcés à voix haute, encore vibrants dans l'air saturé de silence. C'est autre chose de les sentir vibrer autour de nous, entre nous, dans chaque pensée.

Les Terriens n'ont pas ce genre de pouvoir. Les Terriens ne sont pas nous.

Lya est la première à rompre le silence. Je l'ai vue enragée, désespérée, estomaquée, mais jamais je ne lui ai connu ce visage-là, blême, terrifié et incrédule à la fois.

« Marc... c'est pas possible. Tu racontes n'importe quoi. »

Mais sa voix est trop faible pour être vraiment crédible.

« Réfléchis, Lya, penses-y, réplique doucement mon frère. Les Terriens n'ont pas de F. P.

— Qu'est-ce que tu en sais ?

— Je...

— Moi, je sais, intervient Ererakinalc. Quand nous sommes allés sur Terre, nous avons cherché. L'usage d'une F. P. laisse des traces durables. Nous n'avons rien trouvé.

— Les F. P. sont spécifiquement azanes, appuie Amyltariaea. Certaines planètes possèdent d'autres formes de... facultés psychiques, mais aucune ne se présente comme nos Facultés. »

Le silence retombe, moins pesant, plus songeur.

« Elle était sans attaches, murmure Marc. Orpheline, sans famille, sans frère et sœur. Yannis ne savait rien de sa vie d'avant.

— Marc, on ne peut pas venir de... de... de cet endroit ! »

Ma sœur respire brusquement, ses mains et ses lèvres tremblent. Je jette un regard en biais à Amyltariaea et Ererakinalc, mais ils ne semblent pas vexés par son explosion.

« Tous les Azans ne sont pas des moutons sans âme », affirmé-je en les désignant.

Lya les toise d'un regard dubitatif, puis hausse les sourcils et se rencogne sur son banc. Cette fois, Amyltariaea a un mouvement de recul ; son visage tressaute.

« Ils ne seraient pas avec nous, sinon, insisté-je calmement. Ils ont tout lâché pour nous.

— Ça ne te fait rien, Iris ? crache-t-elle, le regard plus noir que jamais. Tu réalises ce que ça veut dire ? T'es pas de la même espèce qu'Élia ! T'es plus proche de la cinglée qui lui sert de mère que de ta putain de meilleure amie ! » achève-t-elle, un bras tendu vers Amyltariaea.

J'ouvre la bouche pour répliquer, mais la referme sans avoir rien trouvé à dire. Je n'avais pas vu les choses sous cet angle. Ma sœur vient de jeter une nouvelle barrière entre Élia et moi. Les choses seront-elles à nouveau normales entre nous ? L'idée de la perdre me terrifie, je me force à ne pas y penser.

Je n'ai jamais vu Lya perdre à ce point le contrôle. Sans doute se raccrochait-elle à son humanité, dans sa prison. À tout ce qui la différentiait des Azans. Tout ce qui n'existe pas...

Je voudrais la serrer dans mes bras, lui dire que je suis désolée, mais elle prendrait cela pour de la pitié. Elle ne me laisserait pas faire. Sans me laisser le temps d'hésiter davantage, elle inspire profondément et reprend la parole, d'une voix mesurée :

« Il n'y a pas d'autre possibilité ?

— Une triple hallucination, je suppose, ironise Marc. Mais ça n'expliquerait pas ta F. P. »

Lya acquiesce d'un air absent. Peut-être passe-t-elle en revue ses souvenirs de Maman, cherchant un indice... Soudain, quelque chose me revient en mémoire.

« Vous la connaissiez », lancé-je à Ererakinalc.

Marc et Lya tournent la tête vers lui, sidérés. Il ne nie pas, se contente de m'observer.

« Elle m'a dit que je devais lui faire confiance... qu'elle vous avait connu.

— J'ai connu une Sheherazada, admet-il lentement. On lui avait attribué le métier de chercheuse en astrophysique et j'appartenais au laboratoire dans lequel elle suivait ses cours. »

Je crois que l'habitacle du dahilazrdja n'a jamais connu une telle tension.

« Qu'est-ce qu'elle est devenue ? s'enquiert Marc dans un filet de voix.

— Je ne sais pas. Elle a disparu à dix-sept ans terriens, il y a une trentaine d'années.

— À quoi elle ressemblait ? » ajouté-je, le souffle court.

Le vieil homme fronce les sourcils et se concentre quelques instants.

« Je m'en souviens mal, finit-il par avouer. Elle était blonde, elle souriait souvent... mais cela fait si longtemps...

— Les dates concordent, chuchote Marc. Vos trente ans, ça pourrait être vingt-huit ? Elle aurait eu quarante-cinq ans bientôt.

— Cela pourrait. »

Nous échangeons des regards stupéfaits. Au creux de mon ventre, l'excitation a remplacé la peur. Je veux connaître ma mère. Je veux la comprendre.

Je repense soudain aux paroles de Sophine, selon lesquelles je pourrais parler aux Lémures, sentir leur présence. Est-ce que je pourrais... appeler ma mère ? J'ai tant de choses à lui demander.

Maman ? pensé-je, le plus fort possible.

Mais le seul résultat est que je me sens idiote. Je peux percevoir leurs appels. Pas les forcer à venir, songé-je avec déception.

« Ça pourrait coller, souligne Marc.

— Et c'est une sacrée coïncidence, observe Lya d'un ton méfiant. Notre mère en apprentissage chez le père d'Amylokirlia ? Un peu gros.

— Peut-être... commence mon frère, exalté à présent, peut-être que c'est totalement lié. Elles auraient pu se connaître... Amylokirlia aurait pu savoir qu'elle était partie sur Terre et... et... » Son visage s'allonge de stupeur. « Lya, Iris... l'accident... personne n'a jamais su... »

Sa voix s'étrangle. Lya le dévisage sans un mot, mais ses lèvres forment plusieurs fois le mot non.

« C'était un accident, s'obstine-t-elle. Ce n'était pas... ça.

— Pourquoi Amylokirlia aurait voulu faire ça ? ajouté-je, dubitative. Et puis, si elle avait été au courant, Ererakinalc l'aurait probablement su.

— Et ce n'était pas le cas, confirme le vieil homme. Je me doutais qu'elle s'était enfuie, mais je ne savais pas où et je n'aurais pas parié sur la Terre. »

Des dizaines de questions tourbillonnent sous mon crâne, chassant la peur et l'incrédulité. Je n'ai jamais eu autant envie de connaître ma mère ; j'ai l'impression qu'elle est là, toute proche... qu'elle m'incite en silence à percer tous ses secrets...

« Elle avait l'air de connaître Az, quand elle m'a parlé... souffle Marc, pensif.

— Je l'ai entendue parler à Papa, une fois, reprend Lya. Elle lui disait qu'elle venait de loin, mais elle n'a rien précisé... Je me souviens mal de cette période, mais ça m'a marquée.

Exilée sans rancœur... »

Marc me jette un regard aigu.

« Encore cette "prophétie" ? demande-t-il avec mépris.

— Non, ce n'est pas juste ça, me défends-je. Amylokirlia en a parlé. Elle m'a dit que c'était cette partie de la description qui lui avait permis de m'identifier. Elle savait. »

Je fixe Amyltariaea, restée étrangement silencieuse, d'un air interrogateur.

« Elle l'a découvert, hein ?

— Elle ne m'en a rien dit. Mais elle ne m'a pas expliqué grand-chose. »

J'acquiesce machinalement. Le souvenir de la prophétie a douché mon enthousiasme. Ma mère était azane. Je suis définitivement liée à cet endroit, que je le veuille ou non. C'est sans doute stupide, ce n'est que le lieu de naissance de ma mère, mais le sentiment ne disparaît pas pour autant. Et puis... le début de la « prophétie » me revient...

Âme encore innocente
Folâtre et insolente
Flammes au corps et au cœur
Exilée sans rancœur

Je ne suis pas certaine de la signification des trois premiers vers, mais le quatrième était le seul que je pouvais objectivement réfuter. Et voilà qu'il pourrait me concerner... Quoi que j'aie pu prétendre devant Marc, cela a son importance. Je repense aux paroles d'Ererakinalc sur le caractère scientifique de ce genre de prédiction. Et si... ?

Une part de moi a beau toujours trouver cela stupide, celle qui se sent – qui se sait – concernée, qui devine que tout cela est vrai, prend de plus en plus de place.

Ma mère azane. Cette prophétie. Amylokirlia. Tant de raisons d'avoir peur et pourtant...

Un jour, tu devras faire un choix.

... je ne ressens que la détermination.

Nous croyons en toi, Iris.

Pour la première fois depuis des semaines, peut-être pour la première fois de ma vie, je suis envahie par une véritable impression de certitude. Faire un choix ? Il est déjà fait. Déjà écrit dans un repli de mon cerveau, attendant que je le découvre. Faire un choix ? J'avais déjà choisi au moment de saluer Aeltylimleb pour monter dans le dahilazrdja. J'avais beau essayer d'y échapper, il était là. En moi.

Je sais ce que je dois faire. Pas grâce à cette prophétie, ou parce que j'ai découvert l'origine de ma mère – même si cela m'a sans doute aidée à le découvrir. Ce choix, je l'ai fait à chaque seconde passée sur Az. Je l'ai fait devant l'anonymat de la ville, l'uniformité des citoyens, la froideur hypocrite des officiers, la brutalité des soldats, le ridicule de la parodie de justice azane. Je l'ai fait devant ces lueurs d'espoir que j'ai discernées, ou cru discerner, le regard amical de cet enfant dans la foule d'Azans craintifs et réprobateurs, la révolte de Vingt-Sept et l'inquiétude de sa codétenue, les paroles brutes d'Anacoluthea au milieu du conformisme azan...

On renonce vite quand on n'a plus de raison de se battre.

J'ai une raison de me battre, contrairement aux Azans. Je sais ce qu'est l'espoir, je sais ce qu'est la justice, je sais ce qu'est la liberté.

Je le sais. C'est à peine un choix, presque une certitude.

Je reviendrai.

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