chapitre 14
Julien Doré.
Assis devant le miroir à la place qui m'est destinée, la maquilleuse essaie tant bien que mal de cacher mes cernes.
-Sergio ! Mais tu as fait quoi de ta nuit bon sang ?
Je lui fais un clin d'œil dans le reflet du miroir, répondant à sa question.
-Ouaip ! OK j'ai compris.
-J'ai une réputation à tenir, (1) mia bella.
Elle tourne ma tête brusquement sur le côté, et à l'aide d'une petite éponge, applique le fond de teint, puis d'un pinceau l'anticerne et enfin camoufle le tout, d'une poudre légère avec un gros pinceau.
-Franchement ! Sergio, c'est une catastrophe. J'espère que les projecteurs seront en ta faveur.
-J'ai confiance en toi, tu es une fée du camouflage.
Elle me sourit et j'affiche à mon tour le mien.
Quand elle me replace enfin face à mon double, j'ai une mine lumineuse et sans aucun défaut apparent.
Une vraie peau de bébé.
-Tu vois je te l'ai dit. Tu es la fée du maquillage.
Elle hausse les épaules, je me redresse, et dépose mes lèvres sur sa joue.
-Arrête de jouer de ton charme avec moi. Tu devrais le garder pour le grand manitou. Il est vraiment de mauvais poil.
-Mon charme italien fera tout le travail.
-Mais bien sûr ! Allez oust !! Du balai, va jouer avec les midinettes. En ce qui me concerne, j'ai passé l'âge.
-Il n'y a pas d'âge pour flirter un peu mia bella !
Elle me pousse gentiment vers la sortie de la tente, mais sans trop de ménagement, afin que je prenne la direction de celle des costumes et du coiffage.
Une fois sorti, je me retourne et éclate de rire en la voyant les deux mains posées de chaque côté de ses hanches, comme le ferait une maîtresse d'école.
Bernadette, tel est son prénom, me suit sur les tournages depuis le début de ma carrière, tout comme ma coiffeuse d'ailleurs.
En effet, j'aime être entouré de personnes de confiance qui me connaissent vraiment bien, et qui ne s'amusent pas à me faire des ronds de jambe sous prétexte que je suis célèbre.
Oui, j'ai mes habitudes.
Mon verre d'eau pour ma soif. Une barre de céréales pour mon énergie. Et bien d'autres choses encore. Et comme toutes les stars du petit ou du grand écran, je fais des caprices.
Mais quand le soir arrive, après mon travail, à l’abri des caméras, je redeviens un homme tout à fait normal.
Quelques secondes plus tard, je franchis la tente des costumes où se tient, debout, l'habilleuse qui m'attend de pied ferme. Elle ne me paraît pas commode et malgré mon sourire charmeur, rien n’y fait. Elle a le visage totalement fermé.
-Buongiorno tout le monde ! Et encore désolé pour mon retard.
Une fourmilière de figurantes grouille dans la tente et tourne la tête lorsque je fais mon entrée.
Les sourires apparaissent sur certains visages ainsi que des expressions de surprise de me voir sans doute de près.
Comme à mon habitude, je joue de mon charme. Mais ma coiffeuse, Nathalie, attelée à confectionner une coiffure spéciale, se tourne vers moi et me fait comprendre de ne pas trop en faire.
Ok j'ai compris. Je crois que j'ai à faire à une « mal-baisée ».
Je m'avance tranquillement vers l'habilleuse, me présente poliment à la jeune femme que je ne connais pas en lui tendant ma main droite. Mais celle-ci reste vide de toutes sollicitations.
Je relâche mon bras contre mon flanc, lève les yeux en l'air et me place de façon à ce qu'elle puisse prendre mes mesures.
Les yeux curieux à l’intérieur de la tente continuent leurs examens, tandis que celle qui s'occupe de moi, reste totalement indifférente.
Elle ne croise même pas mon regard, ne me détaille pas non plus. Mais reste concentrée sur sa feuille.
Puis sans un mot, me décroche un pantalon dans une matière qui me paraît bien moulante et inconfortable et me le tend.
D'un seul geste du doigt, la jeune personne m'indique le vestiaire provisoire, comme l'aurait fait un général de brigade.
"Ok ! Mais pour qui se prend-elle celle-ci ?"
Sans un mot, j'agrippe le vêtement et me dirige vers l'endroit indiqué. Je referme le rideau derrière moi afin de garder un peu d'intimité.
Quoique bientôt, mon intimité va être mise à rude épreuve.
Je me déchausse, me déshabille pour enfiler le pantalon en matière synthétique puant le plastique.
Et je sais d'avance que, vu la température annoncée, je vais transpirer comme un bœuf.
Au moment de l'enfiler, la matière me colle à la peau, au point de ne pas pouvoir le faire glisser.
J'examine rapidement la taille.
"Bordel, c'est une blague ou quoi ? Je fais un 44 pas un 40."
Furax. Je sors en tenue d'Adam, c'est à dire torse nu et en calbut devant une assemblée féminine qui me regarde, intriguée et les yeux pétillants d’excitation.
Mais je ne leur prête pas vraiment attention, tellement je suis énervé.
"Non mais je rêve ! Cette idiote ne me dit pas bonjour, mais en plus elle se comporte comme une peste ! Elle a oublié que c'est grâce à mon film que son salaire va lui être payé ? D'accord, je vais lui montrer de quel bois je me chauffe. "
(2)-Cos'è questa merda, mi hai preso per un frocio?
La jeune personne se tourne vers moi, m'examine de haut en bas, un peu comme l'aurait fait un acheteur de bétail et mon sourire forcé s'affiche sur mes lèvres.
"On ne sait jamais, peut-être veut-elle également examiner ma dentition !"
Puis, reprenant sa concentration, m’annonce sur un air dédaigneux :
-Si vous avez quelque chose à signaler, allez voir le producteur. Moi je suis simplement les consignes.
"Non mais je rêve là !?"
- Bordel ! Je peux même pas l'enfiler.
Continué-je en italien tout en ayant le pantalon en bas des genoux.
Elle lève les bras au ciel.
-Pas mon problème.
-Pas ton problème ?! Réponds-je furax dans ma langue maternelle. Je vais te montrer si ce n'est pas ton problème…
Je dégage mes pieds du pantalon trop petit, lui balance au visage, sous les regards indiscrets d'un groupe de femmes concentrées à suivre la scène, en attendant la suite des événements.
-Et là ? Ça devient ton problème ou pas ?
Le tissu lui gifle le visage puis tombe au sol lourdement.
Certaines figurantes s'écartent rapidement, d'autres plus curieuses s'agglutinent autour de nous comme des mouches à merde.
Nathalie qui assiste à la scène, s'interpose rapidement et m'agrippe par la main, pour me tirer et m'installer sur mon siège marqué à mon nom.
Elle attrape ensuite le peigne puis la laque et commence à arranger mes cheveux. Une façon d'essayer de calmer les esprits.
Je ne prête pas attention aux figurants, qui ont déjà sorti leur téléphone afin d’immortaliser l'instant présent.
Mon tempérament de feu monte en pression.
Mes mains se mettent à battre l'air en gesticulant de tous les côtés. Et comme le bon italien que je suis, les mots fusent les uns derrière les autres.
"Incapable ! Abrutie ! Illettrée etc... !"
La jeune femme se redresse, écarquille les yeux et au bord des larmes, sort de la tente.
Des « oh » d'indignation retentissent autour de moi, et je sais d'avance que je vais faire la première page d'un de ces magazines, pour amatrices de faits divers, sur les stars ayant un caractère sulfureux.
-Tu y as été un peu fort Sergio. M'annonce en murmurant Nathalie.
-Écoute, dans cette histoire, c'est elle qui a commencé. Elle m'a cherché, elle m'a trouvé.
Nathalie tapote mon épaule pour me calmer et commence mon coiffage, mais par pour très longtemps.
-Il y a un problème ? Me questionne le réalisateur en franchissant le seuil de la tente.
-Oui en effet ! Cette idiote d’habilleuse s'est trompée de taille et le pire de tout, c'est quand je le lui ai signalé, elle m'a affirmé que ce n'était pas son problème.
Je croise son regard dans le miroir provisoire et ajoute :
-Mais tu dois être au courant, puisque tu es là !?
Il progresse, déterminé, et je me lève aussitôt.
-Mais pour qui tu te prends ? Tu crois que sous prétexte que tu es la star du film, tu peux te permettre de parler comme ça aux gens ?
Je m'avance un peu plus vers lui. Lui à son tour, nous retrouvant presque à quelques centimètres l'un de l'autre, et rapproche mon visage à un millimètre du sien.
Puis le Corse qu'il est et l'Italien que je suis font que notre échange devient sulfureux.
Le ton monte, les grossièretés fusent et sa langue maternelle rencontre la mienne sans aucune empathie, alors que derrière lui, la jeune femme est en pleurs.
Je lève les bras rendant les armes.
-Je me casse.
-Comment ça tu te casses ?
-Je n’travaille pas dans cette ambiance.
-Ok ! Au point où on en est... On fait une pause d'une heure histoire de calmer les esprits. Je prends un guide et on visite le château.
Il se détourne de moi.
Et voyant la jeune femme sangloter, il lève les épaules et ajoute :
-C'était avant qu'il fallait chialer. Le mal est fait maintenant. La prochaine fois lisez correctement vos fiches et tout ira pour le mieux.
Elle acquiesce en reniflant.
-Et je vais vous demander de revoir toutes vos notes, car je ne veux pas d'autres incidents de ce genre. Ou alors, vous pouvez prendre vos affaires, et partir sur le champ.
Nathalie lui tend un mouchoir, elle essuie son nez qui coule. Et 10 minutes plus tard, tout rentre dans l'ordre. Enfin je l'espère…
Pour ma part, je retourne dans le vestiaire et me rhabille.
Pour le pantalon noir simili cuir. On verra plus tard.
Les 20 minutes suivantes, un guide est auprès de nous pour nous présenter le domaine de chasse très connu des touristes étrangers.
A suivre.
Et voilà, je pense que doucement vous faites la connaissance de mon cher Antonio/ Sergio. Et j'espère que vous n'êtes pas trop déçu.
En attendant la suite. Je vous souhaite à vous tous une merveilleuse année 2021, qu'elle soit vraiment meilleure que celle qui vient de passer.
Faites attention à vous et surtout prenez soins de vos proches..
A très vite.
Traduction
(1) ma belle
(2) c'est quoi cette merde, vous m'avez pris pour un pédé ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top