6. Un monstre sous mon lit
J'envoie balader mon sac dans un coin de la pièce et m'affale sur le lit. Mon regard analyse les environs : l'esprit de la chambre est la même que celle de la réception. Des ton roses ornent les tapisseries, les rideaux de l'époque victorienne et même le lit. Les tables de chevets sont en bois massif, d'un brun très foncé. Personne ne semble s'en occuper réellement, le bois est usé, n'ayant plus aucune brillance.
Ça ne fait même pas un quart d'heure que je suis ici et le silence qui règne me pèse déjà lourdement sur le moral. Je décide d'aller prendre une douche. J'enlève mes vêtements un à un et les laisse sur le sol pour gagner la salle de bain. Un énorme miroir me fait face et je déteste ce qu'il renvoie. D'énormes cernes sous mes yeux me font comprendre la remarque de Vince. L'hématome sur mon ventre vire dans un vert-noir assez repoussant à voir.
J'ai l'air frêle, ou du moins, je ne transpire pas l'assurance comme ces Rockstars mondialement connu.
En plus, il faudrait que je me rase, sinon je vais avoir une remarque de Rose sur le fait qu'une barbe de trois jours fait négligé.
Je soupire bruyamment avant d'abandonner le miroir et m'avance dans la douche. L'eau qui coule est tiède, ce qui m'empêchera de m'éterniser. Le savon qui dévale ma peau, laisse un affreux parfum de vanille. Ce gel douche est à l'effigie de l'hôtel, démodé. Délaissant la baignoire, je fais attention à ne pas trop appuyer sur l'hématome en me séchant et fonce mettre un caleçon et un t-shirt blanc. Je me couche et éteins les lumières.
Allongé dans le noir, je pense au concert de demain. Nous faisons la première partie d'un groupe connu à l'international, dont le leader est très charismatique. Ils ne font absolument pas la même musique que nous et je ne comprends toujours pas comment Vigo a pu nous dégoter une scène pareille, mais je me réjouis de la partager avec eux.
C'est la première nuit depuis très longtemps que je passe seul, et ce silence me rend complètement fou. Être le seul à respirer, le seul à bouger, à vivre dans cette pièce me prend aux tripes. La panique me prend, l'obscurité m'oppresse. Plus j'y pense, et plus c'est présent. Le pire, c'est que ça ne date pas d'hier.
Quand j'avais huit ou neuf ans, j'étais persuadé qu'un monstre se cachait sous mon lit ou dans mon placard. Mon beau-père m'a toujours conforté dans l'idée qu'il y en avait un, et qu'il voulait me dévorer. Il y avait bien un monstre à la maison, mais il n'était sûrement pas dans ma chambre.
Ce n'est pas que je crois encore à l'heure actuelle qu'un monstre se cache, c'est juste que j'ai tellement ruminer cette histoire étant enfant que j'en suis devenu insomniaque. Le seul truc qui m'aide à dormir est l'alcool, la drogue et la présence de quelqu'un près de moi.
Dans mes draps, je me retourne encore et encore. Bien que la journée ait été pénible, je n'arrive pas à m'endormir. Dès que je ferme les yeux, je revoie la route. Mon cerveau ne veut pas se mettre sur off. Dans un bruyant soupir, je décide de me lever. Sans réfléchir, je mets rapidement mon jeans, sors dans les couloirs et je longe le mur jusqu'à la chambre de Rose. Je toque à la porte, espérant qu'elle m'entende. Quelques secondes suffisent pour que la poignée s'ouvre et que sa tête toute endormie apparaisse dans l'embrasure. Je sors mon plus beau sourire, certain qu'il va me sauver de l'avoir réveillé.
Rose retourne se coucher, je ferme la porte à clé et reste debout près du lit.
— Tu fais quoi ? marmonne-t-elle, perdu dans ses draps.
— Je n'arrive pas à dormir.
Elle prend une profonde inspiration, se redresse et allume la lumière de chevet.
— Pourquoi ?
Je me mords la lèvre inférieure, embarrassé. Je décide de prendre la raison qui me poussait à venir dans son lit petit.
— Un monstre sous mon lit ?
Rose rit doucement, tire la couverture et tape sur le matelas :
— Viens, je vais te protéger du grand méchant mangeur de Nikki.
Je saute immédiatement dans le lit, elle profite pour venir se blottir contre moi.
— Je n'y crois pas que tu ais pris cette excuse pour que je t'invite dans mon lit, dit-elle.
— Je n'avais rien d'autres en stock.
Elle me frappe du plat de la main sur le torse, je me crispe sous son geste, mais ne bouge pas pour autant.
— Tu te souviens de toutes ces nuits où tu te faufilais chez moi ?
— Ouais ...
Ce n'était jamais bon quand je venais chez elle. Soit, c'est parce que ma mère et mon beau-père se disputaient, ou alors je fuyais la réalité, celle qui me prouvait que ma mère aimait plus mon beau-père que moi.
— Tu n'as pas dit un mot dans le bus ... Est-ce que - Elle marque une pause - Est-ce que tu es content pour moi ?
Sa tête bouge légèrement, elle cherche mon regard alors que je tente désespérément de le fuir.
— Ouais.
— Ouais ? C'est tout ?
— Je veux dire, oui, je suis content, Rose. Tu as un truc qui te pousse dans le bide !
Je pose mon index sur son ventre et continue :
— Et il va te rendre cinglé quand il sera un ado rebelle.
Rose rigole à pleines dents.
— Il ne sera sûrement pas autant rebelle que toi.
— Il aura une mère parfaite, assuré-je. Il ne pourra pas devenir comme moi, grâce à toi, à ce que tu es.
Ses pommettes deviennent rosées sous mes paroles, j'ajoute :
— Tu mérites d'être heureuse, d'avoir une famille.
Un sourire mélancolique surgit sur mes lèvres, un sourire qu'elle remarque aussitôt.
— Tu auras toujours une place à mes côtés, Nikki. Qu'importe où, qu'importe quand.
Cette fois-ci, mon regard se plonge dans le sien, elle ajoute :
— Je suis là, présente.
Je sais que c'est faux. Quand bébé arrivera, elle aura beaucoup trop à faire avec lui.
— Je serai là, insiste-t-elle.
Je veux y croire. J'hoche la tête, mais elle cherche plus que ça, alors, sans le penser vraiment, je lui dis :
— Ok, cool, Rose. Ça me va.
— Allez, ne fais pas ton bougon.
— Je ne fais pas mon bougon, ronchonné-je.
— Tu réfléchis à quoi, dans ce cas ? se questionne-t-elle.
Elle s'éloigne de moi et se mets sur le côté. Je la suis dans son geste et nous nous fixons.
— À rien.
Elle devine rapidement qu'il me faut du réconfort, elle hésite un instant, mais finalement se lance :
— Ton père t'a abandonné et tu as été plus un fardeau pour ta mère qu'autre chose, mais sache que je ne ferai pas ce que ton père t'a fait et tu ne seras jamais un poids pour moi.
Ses paroles m'émuent. Instinctivement, je pose ma main sur sa joue, et la sienne rejoint la mienne. Dans un chuchotement, je la remercie. Soudain, un bâillement se décroche de sa mâchoire.
— Et si on dormait ? propose-t-elle.
— Ouais, t'as raison.
— Je peux venir dans tes bras ?
— Mes bras te seront toujours ouverts, ironisé-je.
Elle sourit et vient se réfugier vers moi.
— Bonne nuit, Nikki.
— Bonne nuit, Rosie.
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