38. Là où il y a une femme, il y a un chemin, bon ou mauvais.
En règle générale, les drogués ne meurent pas du manque de drogue, mais par contre, cela implique la mort des cellules intoxiquées et leurs remplacements par des cellules qui garantissent le besoin de came.
C'est ce qu'il risque de m'arriver si cette Harley garée devant ma maison est bien celle que je pense être. Lorsque mon chauffeur s'arrête devant chez moi, je remarque mon dealer planté devant ma porte, son casque à la main. D'un geste précis, il tire ses cheveux bruns en arrière pour les plaquer sur sa tête et met de l'ordre dans sa longue barbe brune. Dans un bruyant soupir, je quitte l'habitacle du véhicule et remonte mon allée d'un pas nonchalant.
— Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je en prenant mes clés dans ma poche.
— J'ai de la nouveauté, un truc de dingue. Une explosion de sensations.
Je l'observe et l'écoute attentivement me déblatérer son speech digne d'un coursier en assurance.
— Tu veux essayer ?
— Non.
Mon ton est sec.
— Non ? Sérieux ? J'ai entendu dire que t'avais repris.
Son doigt se place nerveusement sur ses lèvres.
— C'est faux.
Ou presque ...
Soudain, il se met sur la défensive.
— Ah, ok. Je ne veux pas d'embrouille, mec. Je voulais juste te faire profiter d'un produit exceptionnel.
Putain, s'il ne décampe pas de suite, je vais craquer.
Mes mains commencent à trembler et mon front devient moite. Il ressent sûrement mon hésitation grandissante, parce qu'il insiste.
— C'est vraiment de la bonne, je fais profiter que mes meilleurs clients.
Meilleur client ? Il rigole ?
— Allez, mec, continue-t-il.
— J'ai vraiment arrêté. Laisse tomber.
Son regard se joint à son pied qui tape sur le sol à intervalle régulier.
Je déverrouille la serrure et entre dans la maison. Je n'ai pas le temps de refermer derrière moi que l'homme bloque la porte avec son pied et s'invite à l'intérieur.
Alors que je tente de gérer mon envie de drogue et celui qui a tout ce qu'il me faut sur lui pour m'envoyer à trente-six mille lieux loin d'ici, j'entends une voiture s'arrêter dans l'allée. Des bruits de pas dans notre direction semblent faire paniquer mon dealer qui ne veut tout à coup plus rien me vendre. D'une rapidité exemplaire, il fait marche arrière et sort de chez moi. Je l'entends saluer quelqu'un avant de mettre en route sa bécane. Une silhouette aux longs cheveux ondulés se profile à l'horizon.
Merde.
Si c'est bien celle que je pense, j'aurai bien pris une dose, finalement.
Mon dos s'appuie contre le mur dans lequel ma tête vient taper à plusieurs reprises à intervalle régulier.
Ton ouï et tes yeux déconnent, Nikki.
— Hey.
Cette voix confirme ma thèse et ce n'est clairement pas une imagination. Un claquement de talons hauts me donne subitement encore plus envie de me défoncer. Dans un léger reniflement, je porte mon attention vers elle. Une Maddy dans une robe si moulante qu'elle ne laisse rien imaginer me fait face, souriante. D'une moue méprisante, je me redresse et avance en direction du minibar sans un mot.
— Toujours en train de boire, à ce que je vois.
D'un air méchant, j'empoigne la bouteille.
Maddy, qui prend la peine de fermer derrière elle, avance dans le salon, tandis que je descends plusieurs gorgées d'un mauvais Whisky qui traîne.
Ah, si elle savait que boire est ma dernière option.
— Tu pourrais m'en proposer un verre avant de la terminer.
Je soupire.
Tu ne le mérites pas, même s'il est dégueulasse.
Si mes yeux étaient armés de M-16, elle serait déjà morte, mais ils ne le sont pas et de toute évidence, la fixer comme une bête féroce n'aide pas, car même si Satan tournerait les talons face à moi, cette conne s'assoie calmement sur le canapé. Droite et souriante, elle dégage ses épaules en replaçant une de ses longues mèches blondes.
— Alors, ce verre ? répète-t-elle.
Mon regard dédaigneux la quitte pour se porter sur la cuisine où je vais chercher ce qu'elle désire sans un mot. De retour dans le salon, un énième soupire s'empare de moi, alors que ma poigne resserre le récipient transparent. D'un mouvement brusque, je le pose sur la petite table basse avant de le remplir du liquide avec négligence. Debout, les bras croisés, je regarde mon ex boire quelques gorgées.
— Je ne mords pas, il me semble, déclare-t-elle.
Mes yeux s'envolent tout droit au plafond.
— Je sais, ça ne s'est pas très bien passé la dernière fois qu'on s'est vu, mais j'ai besoin de te parler, alors si tu pouvais t'asseoir...
— La dernière fois, tu m'as demandé de te respecter alors que tu ouvres tes jambes à n'importe qui, clamé-je avec sarcasme.
— S'il te plait.
J'abandonne. Je la rejoins sur le canapé, aussi loin que possible. Après plusieurs secondes à me concentrer sur l'alcool en face de moi pour éviter de lui faire face, je me lance.
— Tu voulais me dire quoi ?
Elle reste silencieuse. Son manque d'assurance soudain me pousse à changer d'attitude et à la questionner.
— Ça va ?
Elle hausse les épaules.
— Ça va, oui. Pas incroyable, pas pire, juste la vie. Et toi ?
Elle semble reprendre confiance en elle. Je décide de me retrancher, ce n'était vraiment pas une bonne idée de compatir.
— Tu ne connais pas déjà la réponse ? lancé-je, amer.
La mine déconfite, elle reprend.
— Pourquoi alors ?
— Juste la vie, réponds-je d'un ton las.
— Ma vie se résume à attendre, reprend-t-elle en recentrant la conversation sur sa petite personne.
— Attendre quoi ?
— Ça dépend du domaine, mais dans tous les cas, j'attends.
— Et t'as pas envie d'arrêter ? dis-je, exaspéré. Et puis, qu'est-ce que tu fais là ? Tes amis ont enfin remarqué quelle personne tu es ? Fourbe et mesquine.
Elle baisse les yeux. Je poursuis d'un ton aigre.
— Pourquoi t'es plantée devant moi, dans ce canapé, alors que je suis certainement le dernier homme que tu aimerais avoir en face de toi ?
Ses iris bleues se plantent dans les miens. Son air devient tellement grave que j'aurai presque pitié d'elle.
— Parfois, je me dis qu'on était bien tous les deux.
— À une époque, c'est vrai, mais tu as tout gâché.
Ses mains se rejoignent sur ses cuisses. Gênée, elle reprend.
— Et si je n'avais rien gâché ?
Ses mots m'arrachent un rire presque sadique.
— Tu déconnes ? Tu aurais de toute façon fini par faire de la merde.
C'est évident.
— Tu n'étais jamais présent.
— Parce que ça aurait changer quelque chose ?
— Tu peux croire ce que tu veux, Nikki, j'avais un sérieux manque d'amour et c'était de ta faute.
— Et ça, ça excuse le fait que tu m'aies menti ? Tu m'as trompé, putain ! Tu as réussi à me donner ce sentiment de honte. J'avais honte de toi, mais surtout, de moi. Comment j'ai pu manquer un truc aussi gros pendant des mois, et comment es-tu arrivée à avoir un secret si pesant et ne pas être dévorée aussi longtemps par la culpabilité ?
— Je l'étais, souffle-t-elle.
— Pourquoi tu ne m'as pas quitté avant de commencer cette relation ?
— Je n'y arrivais tout simplement pas, reprend-t-elle.
— Simplement ? Simplement pas ? Tu te fous de ma gueule ! Tu m'as accusé d'être toxique et tu oses encore me répondre que tu n'y arrivais pas ?
— T'étais jamais là pour qu'on en discute, tu fais chier avec ta musique, s'emporte-t-elle.
— Tu ne peux pas accuser la musique, tu étais au courant dès le début que ce que je faisais était important et que faire les tournées est ma principale source de revenu.
— Blabla, dans ce cas, lance-toi pas dans une relation, renchérit-t-elle en levant les yeux au ciel. Et à l'époque, tu ne tournais pas autant. T'as fait passer la musique avant nous, tu l'aimais plus elle que moi.
— Je t'ai aimé. Je t'ai mal aimé, mais je t'ai aimé.
Et c'est vrai.
Un rictus se forme sur le coin de sa bouche.
— Alors, tu l'avoues.
Je la regarde d'un air interrogateur.
— Tu m'as mal aimé parce que ton âme-sœur était et sera toujours la musique. Tu ne pouvais pas concilier les deux, alors je suis partie.
— Vers un autre ! haussé-je la voix.
— Pourquoi je n'aurais pas été chercher ailleurs ce que tu ne me donnais plus ?
— Pourquoi t'as joué un double jeu ? Pourquoi tu ne m'as pas quitté ? J'ai perdu ma dignité à cause de toi !
— Si c'est juste une question de dignité, tu t'en remettras, lance-t-elle d'un ton détaché.
Un léger rire nerveux s'échappe de ma bouche.
— Tu m'as laissé tomber alors que je n'allais pas bien, tu sais. Sans toi, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. J'errai sans direction, comme une poussière qui se disperse dans un univers infiniment vide. C'était épuisant.
Mes yeux reluquent le sol, ne pouvant lui faire face d'avantage.
— Je... je ne savais pas, Nikki. Tu gardes tellement tout pour toi.
Ne montre pas ta faiblesse.
— Tout va bien maintenant.
Reprends-toi.
— Et puis, t'aurais pu nous suivre en tournée, on aurait été ensemble.
— Je suis désolée, mais je ne fais pas partie de ces nanas qui lâchent leurs vies pour suivre un musicien en quête de gloire. Vivre dans un bus ou dans un motel, ça ne m'intéressait pas. J'avais une vie, un travail à côté de toi, je n'ai pas l'impression que tu traites l'info, même aujourd'hui.
— Ça ne change rien, de toute façon, tu m'as trompé et tu fais partie du passé alors restes-y.
— Pourquoi tu te braques ?
— T'es venu pour me demander pardon à la base, non ? lancé-je, ferme.
— Nikki...
— C'est ça ? répété-je, voulant une réponse.
— Oui, c'est ça.
Je prends une grande respiration pour me pousser au calme. Maddy finit d'une traite son verre et le pose sur la table. Après un léger soupir, elle se lève.
— J'espère que tu pourras le faire.
— Tu ne m'auras pas détruit éternellement, je suppose, dis-je en cherchant un contact visuel.
Un petit sourire se place sur son visage d'ange.
— Bien. Je te souhaite que le meilleur, Nikki. Vraiment.
Maddy s'avance en direction de la porte qu'elle ouvre, tandis que je reste assis à la regarder comme si c'était la dernière fois que je la voyais. Elle se retourne et me sourit à nouveau.
— Bonne soirée, conclut-t-elle.
Maddy s'éclipse. Seul, je reprends la bouteille de whisky. J'ai un besoin de boire qui me prends aux tripes, maintenant je dois juste trouver une raison.
Dois-je vraiment avoir une raison de boire ?
Mon téléphone sonne, Vince est à l'appareil. J'ai finalement trouvé une justification.
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