2. Mec, tu vas gerber ?

Les samples débutent. Les cris du public se font de plus en plus intenses et impatients. Ça m'impressionne à chaque fois, cette puissance que peut apporter autant de gens dans la même pièce. Après une rapide petite ligne de cock et un shoot de tequila pour se donner du courage, nous entrons sur scène.

- Je veux ressentir l'amour, je veux ressentir l'amour à nouveau, hurlé-je sans attendre.

La puissance de la guitare de Rose se déferle dans les Marshalls disposés derrière nous, elle décolle ses cordes pour se jumeler à la basse d'Ethan qui déracine les oreilles des fans. Sa chevelure turquoise part dans tous les sens au rythme des balancement de sa tête. Vince frappe tellement fort sur sa batterie qu'il y aura quelques baguettes cassées ce soir. C'est l'avant dernière date avant de rentrer, et on a envie de tout donner.

Je saute et rejette mes cheveux en arrière, je donne à mon corps l'élan nécessaire pour tournoyer sur moi-même au rythme effréné de la musique. L'espace qui m'est donné est entièrement pris par mes allers-retours incessants. Mes pieds frappent le sol lors des breaks.

- On est content d'être là ce soir ! crié-je en me penchant sur le pied du micro. Tout le monde saute !

Il ne faut pas longtemps pour que le public m'obéisse et mime mes pas.

Entre deux couplets de violence, je replace mes cheveux en arrière pour dégager mon visage, mais quelques-uns m'énervent encore en restant coincé dans ma bouche. Je tente de les enlever à plusieurs reprises, avant d'enfin y parvenir au bout de quelques secondes.

Je donne à ma voix un effet saturé, un cri tellement agressif, celui-là même que les journalistes me reprochent dans leurs tabloïds d'être habité par les ténèbres. Mais je m'en fous de leurs avis, je fais la musique que j'aime, je m'exprime et je me sens bien. En plus, ça a un effet positif sur la foule qui commence à se bousculer avec brutalité. C'est exactement ce que je veux : que la foule ressente et extériorise cette émotion forte.

Notre dernière chanson touche à sa fin. Dans moins de deux minutes, le concert se terminera. Pour marquer notre public, je décide de m'avancer vers le bord de la scène.

- Asseyez-vous, intimé-je aux fans en leurs faisant signe.

Les visages du premier rang me regardent d'un air interloqué. Je m'accroupie pour leur montrer l'exemple et répète :

- Asseyez-vous ! Allez, allez, bougez-vous ! Vous avez besoin de vous asseoir.

Les gens finissent par obtempérer. Un mouvement de foule se crée soudain et le public semble se rapetisser à vue d'œil. Je suis touché de constater qu'il suit mes directives et impressionné par l'effet que ça donne. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule et remarque que les autres membres du groupe sont aussi ébahis et émerveillés par ce qui est entrain de se passer sous nos yeux. Rose en lâcherait presque sa guitare.

Le sample annonce le début de la fin du morceau. J'entame les dernières phrases d'une voix douce, puis mon timbre s'amplifie au fil des mots. Le public chante avec moi en cœur jusqu'au moment où vient la levée. Dans un même mouvement, parfaitement synchronisé, le groupe reprend ses gestes endiablés, la foule se remet à sauter avec moi et les canons postés sur scène crachent des confettis dans une pluie blanche.

Brutalement, la musique s'arrête, ma voix s'éteint sur une dernière note. Les cordes de la guitare de Rose vibre encore dans l'air avant d'être évanouit dans les hurlements déchaînés de la fosse. Je les remercie avec un grand sourire, puis l'obscurité nous enveloppe alors que nous quittons la scène.

Vigo nous rejoint rapidement. J'enlève le dispositif sans fil pendant qu'Ethan et Rose donnent leurs instruments aux roadies. Ils ont l'air éreinté et je ne dois pas être dans un meilleur état. En bruit de fond, la foule crie encore le nom du groupe. Je passe une main sur mon front pour essuyer les perles de sueur qui coulent sur mes tempes. La chaleur qui règne entre les dispositifs électroniques est étouffante. Un technicien me donne une tape sur l'épaule pour attirer mon attention et me tend une serviette sèche. Je la prends avec reconnaissance en le remerciant, avant de m'essuyer le visage. Une technicienne, cette fois-ci, m'apporte une bouteille de Tequila, avant de rejoindre son collègue. Je la suis du regard, discrètement.

Elle est vraiment très jolie. Blonde aux cheveux bouclés, son tee-shirt blanc est légèrement transparent. Dommage que le mot « Staff », écrit en noir, sois centré au milieu sur sa poitrine.

- Tu nous rejoins ? demande Rose en s'approchant.

- Ouais, deux minutes, réponds-je sans la regarder, tout absorbé par les courbes de ma future conquête de cette nuit.

Je sens le regard de mon amie sur moi avec insistance mais je pars en direction de la belle blonde sans lui laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit.

Dans son dos, je m'approche de son oreille. Elle a un léger sursaut quand elle sent mon souffle dans son cou. Son parfum, très sucré, arrive jusqu'à mes narines et m'envoute. Je me demande si elle en a le goût. L'homme en face d'elle me regarde avec de grosses billes rondes à la place des yeux, tandis que ma proie semble pétrifiée.

- Ça te tente de venir faire la fête avec moi et le reste du groupe ? susurré-je dans sa nuque.

- Venir avec toi ?

Elle se retourne précipitamment et plante ses magnifiques iris vertes dans les miens. Elle me contemple quelques secondes, stupéfaite, comme si elle n'arrivait pas à croire que c'est à elle que je parle. Puis, elle tourne la tête vers son collègue pour chercher son approbation, mais ce dernier se contente de hausser les épaules. Sourire aux lèvres, elle accepte enfin mon invitation et nous rejoignons les autres dans les backstages.

La loge est spacieuse. Une petite cuisine de couleur foncée et toute simple se trouve à gauche de l'entrée. Au centre de la pièce trône un énorme canapé en tissu brun ainsi qu'une grande table ronde en verre. Quelques bouteilles d'alcool fort sont posées dessus avec de l'eau et des sodas. Bien qu'ils prennent pas mal de place, il reste un petit coin immaculé juste à côté du cendrier plein de mégots, où est disposé de la poudre blanche et une paille.

Je fonce dessus et en trace une ligne, avant de la sniffer.

Rapidement, je m'installe dans le canapé, à côté de Rose. Ma blonde reste statique à l'entrée, son sourire est soudainement devenu très tendu. Elle doit sûrement se demander pourquoi elle a accepté l'invitation. Je décide de remédier à son état anxieux :

- Hey, toi, dis-je d'un ton indifférent.

Elle me regarde, légèrement surprise que je l'appelle. Je tape ma cuisse, signe qu'elle doit amener son beau postérieur vers moi. Sans attendre, elle vient s'asseoir, mais ce fichu sourire mécanique ne s'enlève pas de ses lèvres.

- Tu t'appelles comment ? lance Rose.

Je n'ai même pas pensé à lui demander son prénom. Merde.

- Tania, dit-elle timidement.

- Enchantée ! répond mon amie.

Alors qu'elles discutent, je perds le fil. J'observe ce qui m'entoure comme dans une de ces scènes au ralenti de Matrix. Vince, torse nu, attache en chignon ses cheveux blonds lorsque Ethan, lui tape sur le ventre. Une trace rouge se dessine à l'endroit du choc et les deux se marrent et se félicitent de leurs prestations respectives. Le maquillage d'Ethan a coulé, ce qui lui donne un air de panda dépressif, tandis que ces cheveux n'ont pas bougés dû au surplus de gel qu'il inflige à ses mèches.

Vigo s'enfile des shots avec la nounou du groupe, celle qui s'occupe de nous quand il doit s'absenter. Il y a une nounou dans chaque salle, chaque festival. Souvent, les groupes la vénère tel une déesse grecque. En même temps, s'il n'y a pas de nounou, ça veut dire qu'il n'y a ni de bouffe, ni de caprice à exaucer.

Et d'un coup, je remarque un truc bizarre. Rose tient entre ses mains une bouteille d'eau. Pourquoi une bouteille d'eau ? C'est la fête, là !

- Rose ?

Je crois que je chuchote.

- Rose ? répété-je en accentuant sur le « e ».

Elle continue de parler à Tania, comme si je n'existe pas. Je laisse partir ma tête contre le dossier du canapé. Mes yeux se ferment progressivement, bien que j'essaye de me concentrer sur les points noirs inscrits sur le plafond.

À l'instant où mes yeux décident de rester clos, une main me bouscule avec vigueur.

- Nikki ! Ce n'est pas le moment de dormir.

J'ai l'impression que la voix de Rose porte beaucoup plus qu'avant. Tania, toujours installée sur mes cuisses, me regarde d'un air attentif. Une crampe me prend dans la jambe. Alerte rouge, j'avertis les filles avant de bouger dans tous les sens pour la faire cesser.

Une fois debout, l'alcool et la drogue me monte brusquement à la tête et ma vue se trouble, mais je veux que cette crampe disparaisse, et je veux par-dessus tout un autre verre. Un voile noir se place devant mes yeux et je dois m'accrocher au premier truc qui m'arrive entre les mains pour ne pas perdre pied. Vince et Ethan arrêtent de discuter.

- Mec, tu vas gerber ? demande Ethan.

- Tiens, une poubelle. S'il te plait, pas par terre, avertit Vince.

Rose et Tania, elles, me regardent avec empathie.

- Nikki, ça va ? demande Rose.

Je renifle et m'écarte de ce qui me semble être une table. Je trébuche mais parviens à rester debout. Appuyé contre le mur, je sens mon corps glisser contre celui-ci. Maintenant sur le cul, le flou disparaît progressivement. Une vague de sueur me donne chaud et froid en même temps. Je tremble, je dégouline de transpiration. C'est une guerre qui se passe à l'intérieur de moi et je n'arrive pas à reprendre mes esprits.

Vigo m'attrape le bras pour m'aider à me relever, mais je l'arrache brusquement.

- Ne fais pas le con, petit enculé, je te ramène à l'hôtel.

- Je n'ai pas besoin de baby-sitter, merde.

- Mais qu'est-ce que tu dis ? lance Vigo.

- Je vais m'occuper de lui, dit Tania d'un air compréhensif. Je vais le ramener.

Vigo lève les yeux au ciel :

- Ok. Je suppose que la compagnie d'une femme est mieux que la mienne, dit-il en souriant.

Tania s'approche de moi, elle me tend la main que j'agrippe immédiatement, et me voilà debout. Avec beaucoup d'aide, j'arrive à mettre ma veste et nous mettons les voiles.

Arrivés à l'hôtel, ma blonde m'aide même à retrouver ma chambre, qu'elle ouvre à ma place. Mon cerveau est démoli, mais je ne suis pas fatigué. Je décide d'aller voir la vue sur le balcon, Tania sur mes talons. Après quelques instants à respirer l'air frais, je sens une de ses mains se poser sur mon épaule.

- Est-ce que ça va mieux ?

- Je crois, ouais, souris-je.

- J'ai aussi cette impression ...

Elle va s'asseoir sur une des chaises et sort son paquet de cigarette.

- T'en veux une ? propose-t-elle.

- Volontiers.

Elle l'allume pour moi et me la tend. La fumée me chatouille mes narines et la gorge, mais elle passe super bien.

- Ton concert était vraiment génial, dit-elle subitement. J'ai vraiment beaucoup aimé.

- Si tu le dis, rétorqué-je en continuant de tirer sur ma cigarette.

- Ça fait longtemps que vous jouez ensemble ?

- Sept ans bientôt.

Tania place une de ses mèches de cheveux derrière son oreille et regarde l'horizon. Si je reste autant distant, elle va me passer entre les doigts.

- T'es d'ici ? demandé-je en m'efforçant de prendre un ton amical.

- Oui, depuis toute petite.

- T'es jamais aller vivre ailleurs ?

- Non, j'ai toute ma vie ici. Je ne vois pas pourquoi je partirai.

- Ok. Je vais chercher un truc au mini-bar, tu veux un truc ?

- De l'eau, s'il te plaît.

Une coincée, bordel de merde.

Je vais vers le mini-bar, je l'ouvre et je prends une bouteille d'eau pétillante pour elle et une bière pour moi. Je retourne sur le balcon et lui tend sa boisson. Elle me remercie simplement et bois quelques gorgées. Je l'imite mais la mousse remonte et dégouline sur mon menton et mon tee-shirt.

- Merde, juré-je.

Elle se lève précipitamment.

- Attends, je vais te chercher de quoi te sécher, propose-t-elle.

- Non, laisse, rétorqué-je sèchement.

Je ne suis pas un assisté.

Je pose ma bouteille sur la table et passe mon tee-shirt par-dessus la tête et le jette en boule dans la chambre. Je me retrouve torse nu dans l'air du soir et je frissonne légèrement

Je suis trop con d'avoir fait ça.

Le point positif, c'est que j'ai aperçu une lueur vivement intéressée dans l'œil de Tania lorsqu'elle regarde mine de rien les tatouages encrés sur mes pectoraux et mon ventre.

Le point négatif, c'est qu'elle a remarqué l'immense hématome que j'ai en dessous du nombril.

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? demande-t-elle en désignant d'un signe de tête la blessure.

- Je ne sais pas. J'ai dû tomber.

Une brise se lève soudain et je tremble à nouveau. Tania se lève et passe ses bras autour de mon corps. Je suis d'abord surpris que ce soit elle qui prenne l'initiative, mais en fin de compte, je m'en moque parce que j'aurai exactement ce que je veux. Quand elle lève son visage vers le mien, le doute ne m'est plus permis ; ses yeux sont remplis de désir. Elle a envie de moi autant que j'en ai envie. Mon instinct prend le dessus et je me penche sur elle pour l'embrasser. Une de mes mains se place stratégiquement dans le creux de ses reins, tandis que la deuxième parcourt sa nuque. Même ivre, je suis totalement en alerte. Maladroitement, je la conduis vers le lit où elle se couche sur le dos. Du bout des doigts, je lève son tee-shirt et dépose des baisers sur sa poitrine. Je sais enfin que sa peau est aussi sucrée que son parfum et ça me plait. Elle m'attire jusqu'à sa bouche que je prends en otage. Je me sens devenir fou. Sa douceur lorsqu'elle déboutonne mon pantalon m'offre cette attention que je recherche depuis toujours. Elle plante ses ongles dans mon cuir chevelu et tire légèrement sur mes longs cheveux.

Dans l'urgence de ses gémissements, je fais valser ses habits un à un. Puis, elle inverse les rôles avec une fougue non cachée. J'ai juste le temps d'attraper un préservatif dans la poche arrière de mon jeans avant qu'elle ne le jette de l'autre côté de la pièce.

Sans prévenir, je m'enfouis en elle. À cet instant, nous ne faisons qu'un. J'adore cette sensation de peau chaude qui se frottent au gré de nos mouvements. Elle ondule des hanches, m'attaquant de baisers agréables dans le cou. Le souffle court, nos yeux se fixent alors qu'elle me caresse doucement la joue.

Soudain, quelque chose se déclenche en elle. Dans un petit cri de plaisir, elle semble livrer son corps à l'oubli et ferme les yeux. Je lâche prise et la suis immédiatement sur le même chemin.

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