17. Dark Vador n'est finalement pas venu
Je déteste ces matins où je redescends et je haïrai toujours cette sensation de gueule de bois. Cette fatigue est intense. Mais ce matin, ce que je méprise le plus est le fait d'avoir tout jeté dans les toilettes à cause de mes foutues hallucinations. Qu'est-ce qui ne va décidément pas chez moi ?
Je me rappelle de ce que j'ai fait, comme si j'avais regardé un film et que je m'étais endormi avant la fin.
Après avoir tout jeté, j'ai passé la nuit derrière ma porte, roulé en boule, mon cœur battant à la chamade face à mes démons qui avaient pris possession de ma maison, de mes pensées, même de mon âme toute entière.
Et, j'ai aussi maudit la centrale d'alarme.
Des fois, je voudrais en terminer. Boire une bonne bouteille d'un vieux whisky pour prendre mon courage et finir par me balancer au plafond sur un fond sonore d'un blues très sombre, et accessoirement, me pisser dessus.
Sérieusement, j'ai l'impression d'être comme un rat dans une roue. J'ai commencé par me ruer dessus pour au final, vouloir en descendre, mais on dirait que quelqu'un s'amuse à la faire tourner de plus en plus vite. Quand je tombe, ça me balance dans tous les sens mais... je ne peux pas en sortir.
Il me faut juste une dépanne. Juste un peu de came et ça ira mieux. Actuellement, c'en est devenu une nécessité absolue, même si hier soir, je m'étais juré d'arrêter, ce n'était qu'une utopie dépourvue de sens, je n'avais pas les idées claires.
En même temps, est-ce que je les ai actuellement ? Les ai-je eus une seule fois durant ces trois derniers mois ?
Sous mes pensées tortueuses, je me gratte la tête. Le sable est certainement la raison principale de mes démangeaisons. Mes doigts font office de peigne dans mes cheveux jusqu'à ressentir quelque chose de dure coincé à l'intérieur. De vieux restes de vomi sont restés là, j'ai dû oublier ce chapitre.
De toute façon, en y réfléchissant bien, je suis seul dans mon mausolée, j'ai même perdu la notion du temps depuis que je suis rentré de tournée. La douche n'est dispensable uniquement quand l'entourage ne peut plus supporter ta propre odeur, et je n'en ai pas, ça tombe bien. Du coup, je me passerai de douche.
Lorsque je relève la tête du canapé où j'ai fini par m'effondrer comme une masse, mon œil est directement attiré par les teintes bigarrées que le ciel a pris en ce matin ensoleillé. Lorsque je m'assieds, mon ventre me fait grimacer de douleur et il finit par grogner. Je ne me rappelle pas de mon dernier repas, en même temps, l'héroïne coupe la faim drastiquement.
Une fois debout, je traîne les pieds jusqu'à la cuisine où je m'aventure dans mes placards, vides. Je me souviens alors que j'ai des frites au congélateur. J'enclenche le four au degré indiqué et vais dans ma chambre chercher une couverture dans laquelle je m'emmitoufle.
Je commence à sentir le manque... pourtant, j'ai faim.
Tout à coup, alors que je retourne mettre mes frites à cuir, j'entends un bruit non identifiable venant de l'extérieur. Par curiosité, j'entre-ouvre la porte d'entrée. Caché dans l'embrasure, un mini short bleu attise mon regard. Une jeune femme s'énerve sur son véhicule qui semble en panne. Son top au dos nu laisse voir un énorme tatouage, ses jambes et ses bras sont aussi couverts d'encres. Sa silhouette est frêle. Le creux de sa nuque apparaît au gré des mouvements de ses cheveux noirs de jais coupés à la hauteur de ses épaules. Quand elle se retourne, son visage me dit vaguement quelque chose.
J'espère qu'elle ne fait pas partie des femmes du coin qui me détestent.
Il faudrait peut-être que je l'aide ? Ouais, je vais l'aider.
Alors, pieds nus, ma couverture autour de moi et mes cheveux pleins de vomis...
Merde, le vomi.
Soudain hésitant, je m'avance vers elle d'un pas non assuré.
— Qu'est-ce que tu mattes ? crache-t-elle, haineuse.
Je sens ses yeux qui se baladent sur ma dégaine désastreuse.
— Je ne mattes rien.
— Qu'est-ce que tu veux, alors ? lance-t-elle, toujours méprisante.
— On se connait, non ?
Elle me regarde attentivement, puis rigole.
— Ouais, bien sûr. J'étais à la soirée de Vince. Étonnant que tu te souviennes.
— En fait... dis-je d'une voix à peine audible. En fait, je ne me souviens pas vraiment... c'est plus... comme... des fragments, tu vois.
Elle arque un sourcil, puis, sans un mot, se détourne de moi pour ouvrir le capot de sa voiture. Avec précaution, et bien que le gravier se plante dans ma voûte plantaire, j'avance dans sa direction.
— T'as besoin d'aide ? dis-je en tentant d'être serviable.
— Tu sais réparer une voiture ? rétorque-t-elle sèchement.
— Pas franchement, non...
— Alors non, je n'ai pas besoin de toi.
Son ton est maintenant froid. Clairement, elle ne veut pas de mon aide, et je n'ai toujours pas mis mes frites au four.
— Ok. À plus, tranché-je.
Péniblement, j'avance dans ces foutus petits cailloux. C'est vraiment une plaie, pourquoi je n'ai pas fait installer du simple bitume ? Qu'est-ce qui cloche chez moi ? Je grogne.
— Hey ! m'invective-t-elle
Ce gravier m'irrite les pieds et les nerfs.
— Quoi ? dis-je d'un ton grincheux.
Elle sursaute, un peu surprise, mais elle se reprend aussitôt et son regard redevient froid.
— Je peux utiliser ton téléphone pour appeler une dépanneuse ? Le mien est déchargé.
Je soupire bruyamment et je poursuis ma route. Une fois que j'atteins la porte, je me retourne vers elle :
— Qu'est-ce que tu attends, plantée la ?
Mes yeux levés au ciel. Mon inconnue pas si inconnue que ça s'avance vers moi d'un pas décidé. Elle me suit dans le salon. Je lui balance mon téléphone d'un geste agacé mais elle l'attrape au vol avec adresse, comme si elle s'était attendue à ce que j'agisse de la sorte. Elle compose rapidement le numéro de la dépanneuse et explique vite fait sa situation à son interlocuteur. Moins d'une minute plus tard, elle raccroche et me rend mon téléphone.
— Merci, marmonne-t-elle en évitant mon regard.
— La dépanneuse va venir ?
— D'ici trente minutes, me répond-t-elle en haussant les épaules.
— Tant mieux pour toi, répliqué-je.
Un court silence s'installe entre nous.
— Je vais te laisser, annonce-tu-elle rudement en tournant les talons. Je ne vais pas te faire perdre plus de temps. Merci pour le téléphone.
— Ouais...
Je n'ai pas envie qu'elle parte.
Alors qu'elle a la main sur la poignée de la porte, je la retiens.
— Hey !
Elle s'immobilise et plante ses iris dans les miens.
— Quoi ?
Je suis subjugué par son regard. Je vacille.
— Euh...Tu ne veux pas rester boire un verre ?
Son regard devient soudain méfiant.
— Pourquoi faire ? rétorque-t-elle.
— Ben...en attendant ta dépanneuse. À moins que tu aies envie de rester dehors sur le trottoir ?
Elle me juge du regard, me scannant de haut en bas. Elle semble peser le pour et le contre de ma proposition. De toute façon, vu mon état de loque, elle n'a pas à craindre grand-chose. Elle doit en être venue à la même conclusion car elle annonce :
— Pourquoi pas ?
Elle a un faible sourire quand elle revient vers moi.
— C'est déjà mieux, dis-je.
— De quoi ?
—Tu souris. Je ne t'ai encore jamais vu sourire.
Elle ricane.
— Comment tu peux le savoir puisque la seule fois qu'on s'est vu, t'étais dans les vapes ?
— Maintenant, je sais que t'as un joli sourire. Et ça, je ne risque pas de l'oublier.
Elle me regarde avec des yeux ronds.
— Rassure-moi ; t'es encore torché, n'est-ce pas ?
— Peut-être... Un peu, avoué-je.
— Tu me rassures. Je vais donc mettre cette phrase de drague minable sur le compte de ton état pitoyable.
— Ce n'était pas de la drague ! m'exclamé-je, vexé.
À présent, je regrette de lui avoir proposé un verre. J'ai qu'une envie ; qu'elle se casse vite fait et qu'elle arrête de me casser les couilles.
— Qu'est-ce que tu as à boire ?
— De quoi ? bredouillé- je en sortant de mes pensées.
Ses deux mains posées sur ses hanches.
— Tu m'as proposé de rester pour boire un verre, non ? Je suppose donc que t'as un truc à m'offrir ! déduit-t-elle.
A part mon pied dans ta gueule, je n'ai rien à te donner.
— J'ai...de l'eau du robinet.
Putain ! Je n'ai vraiment rien à boire.
Elle me regarde d'un air circonspect, comme si elle cherche à savoir si je me fous d'elle ou pas. Mais elle sourit à nouveau d'un air hautain, que je trouve agaçant et irrésistible à la fois.
— Alors va pour de l'eau.
En traînant les pieds, je me dirige vers la cuisine. Comme j'ai toujours des problèmes d'orientation, je heurte là chambranle de la porte.
— Euh, je peux me servir moi même si tu veux, propose-t-elle d'un air désapprobateur.
— Surtout pas ! braillé-je.
Je ne veux pas qu'elle tombe sur mon matos. D'ailleurs, je ressens de plus en plus le besoin de me tirer un rail. Alors que je fais couler l'eau du robinet, je surprends ma main trembler. Ça commence réellement à craindre. Je remplis son verre presque à ras le bord et je reviens vers elle dans le salon.
— Tiens, marmonné- je.
— Merci.
Elle boit une grande gorgée, sans me quitter du regard.
— Je m'appelle Hannah, annonce-t-elle subitement.
— Tant mieux pour toi, bougonné-je.
Loin de se formaliser, elle me sourit moqueusement :
— Ravie de te connaître, « tant mieux pour toi »
Bon sang ce qu'elle m'agace !
— Je supposais bien que tu t'appelais ainsi.
— Donc tu n'étais pas tant que ça à la ramasse, l'autre soir ?
— On ne va pas dire que tu t'es montré très aimable envers moi, répliqué- je, acide.
— Parce que tu es une star en devenir, tu as droit à un traitement de faveur, c'est ça ?
— Ben...non...mais ça ne t'empêche pas d'être sympa, quand même.
— Je suis sympa. Avec les gens que j'aime, nuance-t-elle.
— Ouais, je suppose...
— Vraiment ? Et qu'est-ce que tu supposes d'autre, Nikki ? susurre-t-elle en formant un petit rictus narquois avec ses lèvres fines et attirantes.
Je fais mine de réfléchir.
Sa main place une de ses mèches de cheveux derrière son oreille. Je reconnais immédiatement le tatouage qu'elle arbore, je m'en étais fait la réflexion à la soirée.
— Que j'étais un peu défoncé, admets-je en haussant les épaules.
Hannah éclate de rire.
— Oui, un petit peu !
— Ok, d'accord : j'étais complètement déchiré ! m'exclamé-je en rendant les armes.
Malheureusement. Ou pas.
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