16. La société de sécurité, ce fléau
La lumière crée des faisceaux lumineux entre les lattes des stores. L'un d'eux m'arrive en plein dans l'œil droit et me réveille. J'ai l'impression que mon esprit est coincé dans une autre dimension. Je n'ai pas envie de commencer la journée, même si à trois heures de l'après-midi, elle est déjà bien entamée. De plus, mon ventre me fait souffrir, comme si je venais de traverser un ouragan.
Suis-je seulement dans l'œil du cyclone ? Peut-être.
Une boite d'antidouleurs se trouve sur ma table de nuit. Clairement au bout de ma vie, je la ramasse et l'ouvre. J'avale deux comprimés, puis la repose dans un bruyant soupir.
Cette journée, je la ressens tel un petit agneau marchant pour aller à l'abattoir, pas prêt à être violemment torturé, ni même à être égorgé sans pitié.
Je me mets en tailleur dans mon lit. Soudain, une douleur lancinante s'empare de tout mon être. Je glisse ma main sous mon tee-shirt de la veille, puis je le relève. Mon torse et mon estomac ont laissé la place à plusieurs hématomes. Je n'arrive même plus à distinguer lequel est le plus ancien. Dépité, j'abaisse mon tee-shirt tout en levant les yeux au ciel, puis je glisse jusqu'au bord du matelas. Un soupir... si gros qu'il me surprend, sors de moi, alors que je me gratte les yeux encore collés.
Je n'ai pas envie, non.
Quelques minutes plus tard, j'arrive enfin à être sur mes deux jambes. C'est à ce moment-là que la sonnette m'explose les tympans. Je jure. Après tout, qu'ils restent derrière la porte. Maintenant, ils toquent de toutes leurs forces. Merde, ce qui est sûr, c'est que les personnes ne sont pas prêtes à me laisser tranquille. Ma main sur la poignée, je l'ouvre armé d'un bâillement à m'en décoller la mâchoire.
Le mec en face de moi est vêtu d'une chemise bleue et d'un pantalon gris ample, comme les mormons de sortie le dimanche. Droit comme un piquet, il se présente.
— Bonjour, je m'appelle Helder Freyman. Je suis de l'église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours. Comment allez-vous ?
— Bie...
Ma voix disparaît. Je me racle la gorge et recommence.
— Bien.
Il me regarde en arquant un sourcil interrogateur, mais poursuit.
— Vous seriez d'accord que je rentre et vous parle de mon église ? Que je vous donne des informations sur ma religion ?
Il manquait plus que ça.
— Je...
Il me coupe.
— Je suis ici pour vous présenter un petit historique de ma religion en espérant vous donner l'envie de venir aux cultes. Vous connaissez un peu ma religion ?
— Je vénère le Diable.
J'espère que ceci me permettra de me débarrasser de lui.
— Ce n'est jamais trop tard, vous savez, au départ, un petit garçon de quatorze ans qui ne savait pas quelle communauté choisir s'est mis à prier et une colonne de lumières est descendue...
Mon téléphone sonne. Cette fois-ci, c'est moi qui le coupe.
— Je reviens toute suite.
Je décroche, Rose est au bout du fil.
— Hello, comment tu vas ? lance-t-elle d'une voix gaie.
D'un geste, je remets mes cheveux en arrière.
— J'ai l'impression qu'un troupeau d'éléphants m'a écrasé.
Au bout du fil, elle rigole.
Ce n'est pas drôle, Rosie.
—Je voulais juste savoir comment tu allais ... reprend-t-elle distinctement.
— Ça aurait pu être pire...
— Ok... Il faut que tu te reposes. Je passerai demain te ramener la voiture, si ça va pour toi ?
À présent, je remarque une certaine appréhension dans sa voix.
— Ouais, ouais, garde-la autant que tu veux, je n'en ai pas besoin.
— Merci Nikki. Je viendrai te voir en même temps.
— Ouais, je vais aller dormir. On se voit demain, ça marche.
— Je ne vais pas te déranger plus longtemps. Bonne journée, Nik.
Je raccroche le premier et me dirige à la salle de bains. J'avale à nouveau un antidouleur puis je rejoins mon canapé. Merde, j'ai zappé le mec. Je suppose qu'il s'est barré. En tout cas, la porte est fermée. Il a laissé un petit prospectus sur le meuble de l'entrée. Je commence à le feuilleter mais ... le repose rapidement. Pour le moment, il est très bien où il est.
La poubelle est franchement beaucoup trop loin.
Je m'assieds dans mon canapé et prépare ma came.
C'est marrant avec l'héroïne... la première fois que j'en ai consommé, j'ai pris la plus grosse dégommé de ma vie. J'avais dû courir aux chiottes. La gerbe avait giclé carrément entre mes doigts. Quand j'étais sorti des toilettes, j'étais complètement perché. Je m'étais vautré dans le canapé, sur le dos, avec la tête qui tournait et le corps qui tressautait... Je m'étais dit que c'était la drogue la plus débile qu'il soit. En plus, l'aiguille m'avait fait un mal de chien quand je l'avais plantée.
Mais j'ai réessayé.
Parce que je n'en ai rien à foutre de moi-même, et c'est la seule et unique raison.
Par la suite, j'ai réussi à l'apprivoiser ; dans mes bras, dans mon nez, dans ma bouche, tout est bon à prendre, elle devient indispensable au bon déroulement de ma journée.
Une fois dans mes veines, je lui confie ma vie. Enfin de compte, elle est tout ce que je désire, tout ce que j'espère. Elle sauve mon âme. Les gens ne me comprennent pas, j'ai souvent envie de leur dire :
« Hey, vous ne me connaissez pas vraiment. Arrêtez de me juger. Je ne vous montrerai pas mon vrai moi. De toute manière, je n'ai pas envie de le voir, je crois ... Ce qui est sûr, c'est que vous ne ressentirez jamais une once de ma douleur. »
Est-ce que je me plains ? Certainement. La vie est belle ? Elle est supportable... Ma vie est supportable, Dieu merci qu'elle l'est, comme dirait l'autre débile.
Je pense très honnêtement être dans une bataille de solitude volontaire et involontaire, heureusement que j'ai trouvé l'héroïne comme alliée fidèle. Je me laisse aller dans mes rêveries, où alors je ne rêve plus du tout.
Lorsque j'arrive à nouveau à réfléchir, c'est pour m'envoyer dans les narines de la poudre à outrance. Mes hallucinations prennent le contrôle rapidement ; Je fonce derrière ma porte, tire la commode et me met en boule. Les voix dans les murs m'inquiètent, alors je décide exceptionnellement de sortir de ma cachette pour aller enclencher le système d'alarme. C'est alors que je remarque qu'un petit bouton rouge me met en relation direct avec la société. Si ça se trouve, ils m'entendent, si ça se trouve, ils me voient ? S'ils ont mis des petites caméras chez moi, ils peuvent voir mon état, ce que je fais. La drogue. Ils vont envoyer le SWAT, ou même pire, les soldats de l'Empire.
Si ça se trouve, ils écoutent même mon cœur battre, mes poumons expirer et inspirer l'air de la pièce.
Je colle mon oreille contre l'alarme. Pas de bruit, personne ne me parle. Si ça se trouve, c'est faux. Si ça se trouve, j'invente tout. Ils ne sont pas mes ennemis, ni mes amis... Ils sont juste une société de sécurité. Sans faire exprès, j'appuie sur le bouton rouge. Ou ne l'ai-je pas fait ? L'ai-je fait ? Ou est-ce que j'ai simplement pensé le faire ? Est-ce qu'il est censé avoir un bip sonore ? Quelqu'un doit parler ? m'appeler ? Je ne sais pas où se trouve mon téléphone. Est-ce qu'ils vont envoyer quelqu'un ? Je reste scotché sur place, la bouche pendante.
Si Dark Vador vient me chercher, j'aurai l'air bête, avec ma drogue illégale. Heureusement que je ne suis pas nu.
« Salut Dark Vador ? Tu veux me voir faire l'hélico-bite ? »
Dans un fracas, je rassemble tout ce que je peux trouver de défonce et je me rue aux toilettes où je balance tout.
J'arrête tout. Je n'y toucherai plus jamais. Ni à l'héro, ni à la cock. Fini.
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