13. Le poney-chèvre et les nains armés

Après ma dispute avec Rose, je m'arrête devant un pub proche de chez moi. L'intérieur ressemble aux vieilles tavernes qu'on pourrait croiser en Angleterre : rustique, très peu éclairé et avec une odeur d'alcool à vous rendre ivre rien que par les vapeurs.

Je m'installe au comptoir et le serveur vient rapidement prendre ma commande.

— Une bière, s'il vous plait.

Quelques instants lui suffisent pour me ramener ma boisson. J'en prends une grande gorgée, puis le regard dans le vide, je fixe le bar. Une lourdeur persistante oppresse mon cœur. La dispute avec Rose m'obsède. Je l'ai ressentie comme un coup de poignard. Je dois passer au-dessus de tout ça.

— Hey ! dis-je à un autre barman.

Il s'approche et tend l'oreille.

— Un double whisky.

Ma demande arrivée, l'homme repart, un sourire dédaigneux sur les lèvres. Quoi ? Ce n'est pas pour boire ici ? Ce n'est pas un bar pour se soûler, ici ? Je déteste sa gueule, avec sa foutue mèche blonde qui lui tombe sur le visage, on dirait un poney des Shetland. Petit, potelé et trop serré dans ses fringues. Comment peut-il encore fermer le bouton de son pantalon ?

Merde, j'ai fini mon verre. Je rappelle le petit poney.

— Hey ! Encore un.

Il grimace, mais apporte ce que je veux. Je décrète qu'en prendre un de plus et de le rendre chèvre me tente bien. C'est un poney-chèvre, maintenant.

En fait, je veux de la tequila.

— Hey ! Rapporte-moi des shooters de tequila.

Il soupire en levant les yeux au ciel, mais installe devant moi quatre shooter qu'il remplit avant de reposer la bouteille à sa place initiale. Je n'en ai pas demandé quatre, mais ça fera l'affaire. Je les avale en une fraction de secondes et pointe du doigt le vide pour qu'il me serve à nouveau. Sans broncher, il verse le liquide, mais cette fois-ci, il se tient face à moi, prêt à dégainer une fois de plus la boisson. Aussitôt servi, aussitôt bu. Je réclame.

— C'est la dernière fois que je vous sers.

Je le regarde longuement dans les yeux. D'un air sceptique, j'accepte en haussant les épaules. Je fais descendre l'alcool comme de l'eau et lance un gros billet sur le comptoir. Petit poney pose la monnaie mais je la refuse poliment.

Mes pieds hésitants, je longe le trottoir. La nuit est très sombre, seuls les lampadaires diffusent une lumière sur le bitume. J'ai vraiment le moral à zéro, et l'alcool absorbé n'a fait qu'empirer mon état.

Je sors mon téléphone de ma poche et décide de retrouver le numéro du dealer pour qu'il me vende un semblant de joie pour le reste de la soirée. Après quelques recherches et demandes à travers des messages et des coups de fils, j'arrive à mettre la main sur le dealer. J'appelle. Une sonnerie suffit pour qu'il décroche dans un "hallo" détaché. Je lui explique ce que j'aimerai et pour quand.

— J'ai ce qu'il te faut, me sort-il avant de raccrocher

Lorsque j'arrive à la maison, le mec est déjà là, et d'après son regard méprisant et railleur, ça fait un bon paquet de temps qu'il m'attend.

— Salut, fais-je l'air de rien.

— Salut.

Il me tend un petit sachet et je le paye. Sans un mot, il regagne sa Harley et s'en va dans un fracas de pot d'échappement, tandis que je rejoins ma cuisine

Je prends une cuillère qui traîne sur le plan de travail. À l'intérieur, je mélange la cock et un peu de bicarbonate. Impatiemment, Je la fais chauffer en évitant de la bouillir. Je salive, l'excitation est à son comble. Une fois prête à être consommée, je tire la première taffe. Il suffit d'une trentaine de secondes pour que le peuple tout entier des Enfers remonte à la surface, se déferlant dans ma tête.

Dans l'obscurité, des ombres parcourent mon salon, chuchotant des mots incompréhensibles, comme si mes démons s'étaient enfin décidés à venir me chercher. Dans chaque recoin, des petit faisceaux rouges m'observent, comme des yeux de loups. C'est réel, j'en ai la chair de poule. À cet instant, je suis mort de peur. Et quand un grognement sourd atteint mon oreille droite, je me mets à trembler de tous mes membres, mon cœur bats à tout rompre.

Je vais imploser.

J'essaye de reprendre mes esprits. C'est faux. Ils n'existent pas. Tout ça se passe que dans ma tête, mais c'est si réel. Ça ne peut qu'être réel. Tétanisé, je finis par céder à ma folie et je cours me réfugier derrière la porte de ma chambre. Je tire la commode pour boucher l'espace où je me suis caché. Elle fait officiellement office de barrage contre le mal qui veut ma peau. Recroquevillé sur moi-même, les jambes collées au reste de mon corps, j'enfuis ma tête entre mes cuisses et mon torse, mes bras recouvrant ma tête.

Quelques minutes plus tard, je me sens plus serein. Les ombres qui dansaient sur mes murs auparavant se sont envolés. Des bruits viennent de dehors, je m'approche de la fenêtre et observe. Les yeux fatigués, je remarque avec stupéfaction qu'il y a deux foutus nain dans l'arbre en face de moi, et ils sont armés jusqu'aux dents. Paniqué, je dégaine mon téléphone et appelle Vigo. Bien que j'aie le souffle court.

— Il faut que tu fasses venir la police ! hurlé-je dès qu'il décroche.

—Quoi ? répond-t-il d'une voix endormie.

C'est grave, Vigo, putain.

— Des casques... des battes ... bafouillé-je.

Ma main moite attrape une touffe de mes cheveux déjà trop emmêlés.

— Qu'est-ce que tu dis, Nikki ?

— Des nains... ils ont des armes et ... ils veulent me tuer, affirmé-je.

— D'accord. Je suis persuadé que c'est ton esprit qui te joue des tours.

Je ne réponds rien. Il reprend calmement.

— Tu sais, quand tu consommes trop, tu tombes parfois dans un état de grande paranoïa...

Il s'arrête un instant, et je crois bien qu'il sait que je l'écoute attentivement parce qu'il continue.

— Ça te file des hallucinations.

Après quelques minutes au téléphone, mon manager arrive à me faire descendre de mon nuage psychotique. Je suis calme. Vigo raccroche peu après. Je n'y crois pas. J'étais convaincu qu'il y avait des nains soldats dans mon jardin, mais il n'y avait personne...

Putain, qu'est-ce qui cloche chez moi ?


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