11. Casse-toi

— Ferme cette porte ! hurlé-je, rouge de colère.

Merde, je suis à poil, quoi.

— Non, répond-t-elle, les bras croisés sous sa poitrine imposante.

Je récupère vite mon caleçon, saute hors du lit et reprend avec fureur :

— Casse-toi, putain !

— Pour que tu te tapes cette chienne ? lance-t-elle d'un air hautain.

Ses yeux bleus nous fusillent du regard, alors que mon plan sexe, toujours caché sous mes draps, me regarde d'un air affolé. J'attrape mon pantalon et mon débardeur par terre.

— Pour la dernière fois, sors d'ici, ordonné-je en remettant mes habits avec vigueur.

— Respecte-moi ! braille-t-elle, avide de conflit.

— Qu'est-ce que tu connais au respect ? riposté-je avec sarcasme.

Elle dégage sa mèche de cheveux blonde par-dessus son épaule. Par son geste qui ne m'est pas inconnu, elle me fait comprendre que je ne suis qu'un sale con.

C'en est trop, je fonce sur elle et lui attrape fermement le poignet pour l'entraîner de force hors de la maison. Elle me crache un torrent d'injures tout en essayant de s'extirper de ma poigne.

— Lâche-moi ! se débat-t-elle de plus en plus violemment.

Avant que je ne puisse atteindre la porte d'entrée, elle se plaint encore une fois.

— Arrête, tu me fais mal.

J'ouvre la porte d'entrée et tente de la jeter dehors, mais dans un dernier effort, elle parvient à se dégager. En se massant le poignet, elle recule de quelques pas pour se mettre en sécurité vers les autres invités qui nous dévisagent, surpris de la tournure que prend la soirée.

Ethan vient aussitôt à son secours :

— Laisse-la tranquille, me somme-t-il froidement.

Je le regarde avec stupéfaction. Il est pourtant conscient du caractère diabolique de mon ex.

— D'accord, occupe-toi d'elle, lui lancé-je avec provocation. Mais quand je reviens, je veux qu'elle ait foutu le camp.

Je tourne les talons et quitte la maison. J'ai besoin d'air. J'accélère quand j'entends derrière moi les pas de Maddy dans le gravier.

— Nikki !

Je ne ralentis pas, mais braille sans me retourner :

— Vas te faire foutre ! T'étais même pas invitée !

J'entends qu'elle trottine et par je ne sais quel exploit, me rattrape et agrippe mon bras comme une sangsue.

— Pourquoi tu t'envoies en l'air avec tout ce qui bouge ?

Je repousse sa main agressivement.

— Ça ne te concerne pas, fous-moi la paix, craché-je avec mépris.

Je me retourne et continue de marcher dans la direction opposée. Elle s'accroche une fois de plus à mon bras. Je me dégage et lui fais face, hors de moi :

— Parce que t'es une grosse conne.

Soulagement. C'est sorti.

— T'es une putain de grosse conne ! répété-je.

Ces mots la coupent dans sa course. Sa bouche s'entre-ouvre, mais aucun son ne parvient à en sortir. Ses yeux sont soudainement remplis de fausses larmes. Son hypocrisie me fait sortir de mes gongs. J'ai l'impression qu'elle se fout de ma gueule, qu'elle se moque de la tristesse que moi je ressens sincèrement.

Mes pieds reculent instinctivement pour remettre de la distance entre nous.

— Nikki, je t'ai déjà demandé pardon, dit-elle en baissant les bras.

Je souffle avec mépris. A quoi s'attend-t-elle ? Que je lui pardonne ? Non, je ne le ferai jamais. Je la déteste. Je la hais. Je ne vois plus la beauté de la vie après ce qu'elle m'a fait. J'ai perdu toute estime de moi. Je me drogue ? Oui, et alors ? Je bois, aussi.

Elle est pire que le venin de serpent, que le froid de l'hiver ou encore le poing qui m'a mis K.O.

Abrasif. Destructeur.

Elle me fait sortir de mes pensées quand elle demande :

— Qu'est-ce que je dois faire encore ?

L'ambiance est pesante. Ce silence de plomb est insupportable et j'y mets un terme :

— Ne m'approches plus, lâché-je froidement. Sors de ma vie.

Mon index frôle mon menton, comme pour cacher mes lèvres tremblantes d'un futur sanglot, puis ma main replace d'un geste machinal mes cheveux en arrière et je continue sans laisser paraître mon malaise certain.

— Pour de bon.

Mon doigt pointe sa direction, mes yeux sont remplis de dédain.

— Je ne veux plus te revoir, tu as gâché ma vie et aucune de tes excuses minables ne me fera changer d'avis.

— Je suis vraiment désolée de ce que je t'ai fait, Nikki, se répète-t-elle, sans bouger. Je suis sincère quand je te le dis.

— Tu crois que je vais vraiment te croire ? Comme la fois où tu voulais me convaincre que tu n'avais pas d'amant alors qu'il était dans la pièce d'à côté ?

Je respire pour me calmer et lève la tête en direction du ciel où des milliers d'étoiles parsèment le noir de la nuit. Mes deux mains placées dans mes cheveux, mon regard baisse sur le gravier dans lequel je trace des ronds avec mes pieds. Un profond sentiment d'injustice me pousse à vouloir la confronter à nouveau.

— J'ai essayé de te pardonner, surtout dans les moments où je me sentais le plus mal. Mais je n'ai pas réussi. Et j'ai plus envie.

Et voilà que je lui sers mes émotions sur un plateau d'argent. Elle me regarde attentivement. Je poursuis ma lancée, impatient de lui lâcher tout ce que j'ai sur le cœur :

— Et tu m'as lâchement abandonné au moment où j'avais le plus besoin de toi. Tu m'as tourné le dos et tu n'as même pas fait l'effort de m'avouer ce qui te dérangeait dans notre relation. Pour moi, tout allait bien. Nous étions heureux.

Une larme que je tente désespérément de garder s'échappe et glisse sur ma joue, j'espère que dans l'obscurité, elle ne la remarque pas.

— Je suis dés...

Cette fois-ci, d'un ton ferme, je la coupe :

— Tu as fait l'égoïste, pour une ordure. Tu as foutu en l'air cinq ans de relation.

— Mais tu es toxique, Nikki.

Cette accusation me laisse sous le choc.

— Pardon ? haussé-je le ton, offusqué.

— Tu empestes le pessimisme, tu ne vois que le négatif. Tu es nocif !

Bien qu'elle soit déjà dans l'excès, elle en rajoute encore :

— Tu ne veux jamais que les choses se passent comme elles se passent, mais t'es le premier à faire en sorte que ça arrive.

— Tu insinues que je t'ai poussé dans le lit de ce type ?

Tandis que mes poings se serrent, j'approche de Maddy et me plante devant elle, le regard menaçant. J'attends une réponse. Elle hésite un long moment et quand je suppose qu'elle va enfin lâcher le morceau, elle se ravise. J'arque un sourcil interrogateur, avec défi. Mes yeux la fixent avec une agressivité sans gêne.

— Oui, c'est ce que j'insinue.

Je serre les dents et secoue la tête.

— Non, non, non. T'as pas le droit de me dire ça !

Je tremble de colère, son regard est craintif, alors que le mien cherche ouvertement la confrontation.

— T'es vraiment une grosse conne. Tu me trompes et t'arrives encore à me rendre coupable, ricané-je nerveusement.

Je renifle. Cette conversation est terminée. Je passe à côté d'elle en la bousculant sans ménagement et retourne à l'intérieur.

Les conversations et les rires ont repris, comme si les invités n'avaient jamais assisté à notre dispute. En jetant un coup d'œil dans le salon, j'aperçois mon plan cul, qui avait remis sa robe blanche et se consolait dans les bras d'un autre gars qu'elle embrassait fougueusement.

Tant pis.

Pour me pousser au calme, je saute sur un paquet de cigarette qui traîne sur le petit meuble de l'entrée. J'en sors une, l'allume et tire une énorme bouffée.

À l'époque, quand nous partions en tournée avec le groupe, Maddy profitait de s'envoyer en l'air dans notre maison, dans notre "lit de tous les mensonges". Elle en avait tellement pris l'habitude qu'un jour, elle avait oublié que je rentrais. Lorsque je les avais surpris, je ne distinguais plus l'amour et la haine que j'éprouvais pour elle. À la seconde où j'avais passé la porte, notre amour avait pris un coup mortel et ne s'était jamais relevé, comme moi.

Pendant longtemps, j'avais eu l'image dans la tête, de ce qu'elle avait fait, mais j'avais aussi ces moments que j'avais passé auprès d'elle. Tout ça m'avait noyé dans une déprime terrifiante, avec en prime, des questions qui m'avaient bouffé l'esprit pendant des semaines : "Est-ce que je n'étais pas assez bon ? Assez fort ? Assez gentil ou encore : Assez présent ?"

Ce n'était pas juste.

Ethan, comme s'il avait remarqué ma soudaine déprime, me prend par les épaules et m'emmène avec lui dans la cuisine. Avec un sourire jusqu'aux oreilles, il me sert de la Vodka. Nous sommes partis pour frôler le coma éthylique. Jo' compte jusqu'à trois et nous entamons le premier verre. Dans l'excitation, je descends le liquide comme du sirop, même si je ressens une brûlure dans la gorge. J'arrive à battre de justesse Ethan en posant mon dernier shooter, ce qui lui arrache un cri d'énervement, alors qu'il abandonne le sien sur le plan de travail.

Un mec que Ethan semble connaître s'approche de nous et lance d'un ton jovial.

— Quand est-ce que vous entrez en studio ?

Sa question m'arrache un petit rire nerveux. Nous ne sommes pas prêts et pourtant, effectivement, nous avons réservé une semaine pour Vince. Ethan lui répond.

— Vince entre en studio lundi prochain.

— Vous n'y allez pas ensemble ?

— Non, nous avons décidés d'enregistrer à la maison. Nikki a son petit studio.

J'acquiesce avec fierté. Il reprend.

— Du coup, on prendra les guitares, la basse sans effet, sans ampli, et après nous ferons que le reamping en studio.

Je me sers un verre de Gin Tonic et le sirote pendant que je les écoute.

— Pourquoi enregistrer que la batterie dans un studio et pas le faire chez Nikki aussi ?

— Parce qu'on pourra se baser sur la batterie pour enregistrer nos lignes comme ça.

Mon verre est déjà vide.

— Et après, vous faites quoi au studio ?

Ethan est à fond dans ses explications, bougeant les mains dans tous les sens comme un italien.

— On amène ce que nous avons fait là-bas, et au lieu de bidouiller sur notre instrument, on bidouille sur un ordinateur pour ajouter les effets que nous voulons.

— Et ça, c'est du reamping ?

Ma tête tourne. Je suis soûl, merde.

— Ouais, dans le gros du gros.

Il faut que je prenne l'air. Je les abandonne sous leurs regards interrogateurs et titube jusqu'à la terrasse. Une fois à l'extérieur, ma vue vacille. Bien qu'une légère brise me caresse le visage, je me sens subitement vraiment mal.

J'avance dans un coin sombre et, tenant fermement mes cheveux dans une main, je vomis l'entièreté de mes entrailles dans un petit buisson.

Je ne suis pas soûl, je suis ivre mort.

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