Chapitre 4: Rose-Evi

Elle était gentille.

Oui, voilà. Je ne sais pas ce que je vais dire devant le pupitre. Elle a tellement changé sur la fin, on ne la reconnaissait plus. Pourtant, je n'ai rien pu faire, je n'ai rien vu et je ne sais toujours pas ce qu'il se passe. Je ne comprendrai sûrement jamais. Et ça me rend triste... Alors, pour soulager mon trop plein d'émotions, je vais leur  parler de mon amie, cette fille qui a fait fondre son sourire sur un grand mystère. J'ai besoin de leur parler, à tous. J'ai besoin de crier qu'elle ne sera plus là et que je ne comprends pas pourquoi. J'ai besoin qu'ils connaissent, eux aussi, la fille qui fut mon amie. Alors, peut-être pourraient-ils m'apporter quelques réponses. Lorsque quelqu'un part, on ne comprend pas. On ne comprend pas ce qu'il était, on ne comprend pas ce qu'il est, et on ne comprend pas ce que nous allons être. Du jour au lendemain, on se retrouve seule et sans réponse à cette avalanche de larmes.

Je l'ai appris un matin alors que je venais de me réveiller. Il n'y avait aucun bruit dans la maison, maman et papa se tenaient la main, en silence, ils étaient assis en silence à la table de la salle à manger. Ils n'ont pas eu besoin de parler. J'avais compris. On nous avait pourtant dit qu'il fallait se préparer à cela, qu'il n'y avait plus d'espoir. Quelque chose dans cette phrase m'avait échappé auparavant. Or, à cet instant je l'ai compris. Je venais de perdre à jamais mon amie. Je me suis assise, face à eux, et nous  nous sommes regardé en silence pendant longtemps. Je n'ai pleuré qu'une fois dans mon lit. Je ne pouvais le faire avant, pas devant eux... Je vais leur parler aujourd'hui, je vais expliquer que je m'en veux de ne pas être allée la voir, à l'hôpital. Mais ça, je ne pourrai le réparer un jour. Je pourrai essayer d'oublier, et encore... Ce jour là, quand j'ai appris son départ, son absence auprès de nous, en cours, en vacances ou chaque jour de notre vie et cela pour l'éternité, j'ai su que j'avais perdu cette fille qui était mon enfance.

Je me demande si, un jour, le groupe saura se relever après ce drame. Ce drame qui nous est arrivé sans prévenir. Comment est-ce que l'on pouvait savoir? Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans son esprit, je ne le saurai jamais. Tout s'est passé trop vite, après la soirée chez Olle. Elle a changé ensuite. Maintenant nous sommes au début de l'hiver et elle n'est plus là.

Il y a deux semaines, elle est entrée à l'hôpital en urgence. Pendant une semaine, elle a été dans un état très critique. Personne n'osait se prononcer. Personne ne pensait qu'elle passerait la nuit. Alors je suis allée chez les garçons pour recevoir un peu d'affection, eux aussi en avaient besoin. Nous sommes restés dans le lit tous ensemble. Et j'ai laissé faire lorsqu'ils sont allés la voir. Chacun est revenu avec les yeux plus rouges qu'avant. Je suis rentrée, un jour, pour me laver un peu, un minimum. Je me suis endormie de tristesse et d'épuisement. Puis, le lendemain, après neuf jours de larmes j'ai vu mes parents. ..

Depuis, je ne suis pas sortie de chez moi, je n'ai répondu ni aux appels, ni aux messages.  Je suis restée sans voix dans mon lit. Je vais bientôt partir pour la cérémonie.

Est-ce que je pourrai la voir? Est-ce que je vais le supporter?

Je ne crois pas. Mais je chasse ces idées en enfilant le grand pantalon noir et le chemisier assorti que j'avais déjà porté pour le départ de mon grand-père.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top